Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 9 novembre 2020 par le directeur régional des finances publiques Aquitaine Limousin Poitou Charentes, en vue de recouvrer une somme de 34 902,84 euros, ramenée à 3 463,03 euros par un titre de perception émis le 10 mai 2021, de la décharger de l'obligation de payer la somme réclamée et de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 44 902,84 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises dans la gestion de sa situation administrative depuis son admission à la retraite.
Par un jugement n° 2101028 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de la Pau a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 août 2023, Mme B..., représentée par Me Noël, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme globale de 44 902,84 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises dans la gestion de sa situation administrative depuis son admission à la retraite ;
2°) d'annuler la décision implicite du 1er mars 2021 rejetant son recours gracieux et sa demande indemnitaire préalable du 28 décembre 2020 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation de son préjudice moral et troubles dans les conditions d'existence ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a commis des fautes en instruisant avec un délai excessif sa demande de mise à la retraite et en prenant un titre exécutoire irrégulier ;
- le préjudice moral et trouble dans les conditions d'existence subi doivent être réparés à hauteur de 10 000 euros.
La requête a été régulièrement communiquée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vincent Bureau,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- les observations de Me Noël, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., inspectrice des impôts depuis le 1er septembre 1977, a été placée en congé de longue maladie du 22 septembre 2015 au 21 septembre 2018. La demande qu'elle a présentée en février 2018 en vue d'être placée à la retraite pour invalidité à compter du 22 septembre 2018 a donné lieu à un titre de pension établi le 20 juillet 2020 et à la liquidation de ses droits le 4 septembre 2020. Par un courrier du 22 octobre 2020, le directeur départemental des finances publiques (DDFIP) des Pyrénées-Atlantiques a informé l'intéressée d'un trop perçu de rémunérations d'un montant de 34 902,84 euros correspondant aux demi-traitements versés pendant la période du 22 septembre 2018 au 31 août 2020, et de ce que le recouvrement de cette somme donnerait lieu à l'émission d'un titre de perception. Un tel titre a ainsi été émis le 9 novembre 2020 à son encontre par le directeur régional des finances publiques Aquitaine Limousin Poitou Charentes. Par un courrier du 21 décembre 2020, Mme B... a formé auprès du DDFIP des Pyrénées-Atlantiques un recours gracieux à l'encontre du courrier du 22 octobre 2020 et du titre de perception du 9 novembre 2020, ainsi qu'une réclamation préalable afin d'être indemnisée des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la carence de l'administration à régulariser sa situation depuis son admission à la retraite. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler le titre de perception émis le 9 novembre 2020 et de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 44 902,84 euros en réparation de ses préjudices. Elle relève appel du jugement du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Pau en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. La décision par laquelle l'administration a implicitement rejeté la réclamation préalable indemnitaire du 28 décembre 2020 de Mme B... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande indemnitaire de la requérante qui, en formulant les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros, leur a donné le caractère d'un recours de plein contentieux.
3. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entaché les décisions qui ont lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Il en résulte que les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite par laquelle le DDFIP des Pyrénées-Atlantiques a rejeté sa demande indemnitaire du 28 décembre 2020 ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la faute afférente à l'irrégularité du titre exécutoire du 9 novembre 2020 :
4. Mme B... fait valoir que l'administration a commis une faute en prenant le titre exécutoire du 9 novembre 2020 dès lors qu'il a été postérieurement annulé partiellement par l'administration à hauteur de 31 439,78 euros par un titre de perception émis le 10 mai 2021. Toutefois, si l'administration, en émettant ce second titre, a reconnu avoir commis une erreur en annulant une partie importante de la créance qui était initialement réclamée à Mme B..., celle-ci ne justifie pas de la réalité des troubles allégués qu'elle aurait subis en conséquence de cette erreur, alors notamment qu'il est constant qu'elle ne s'est pas acquittée de la somme réclamée par le premier titre.
En ce qui concerne la faute tenant à l'instruction de la demande de la mise à la retraite pour invalidité :
5. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, alors en vigueur : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article. (...) ". Aux termes de l'article 13 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, alors applicable : " La commission de réforme est consultée notamment sur : (...) 2. L'imputabilité au service de l'affection entraînant l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 34 (4°) de la loi du 11 janvier susvisée ; (...) 6. L'application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite. (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que Mme B... a adressé en février 2018 à la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques une demande de mise à la retraite pour invalidité à compter du 22 septembre 2018. Le 22 mai 2019, la commission de réforme a sursis à statuer sur la demande de l'intéressée et a diligenté une expertise. Le rapport d'expertise a été remis le 30 septembre 2019, concluant que les pathologies de Mme B... étaient en lien direct et certain avec un accident de service du 1er mars 1990. La commission de réforme, par un avis du 18 novembre 2019, a cependant refusé l'imputabilité au service. Toutefois, suite à un vice de procédure tenant lieu au non-respect du délai de convocation de Mme B..., la commission de réforme s'est de nouveau réunie et a émis un avis favorable à la mise à la retraite pour invalidité le 22 janvier 2020. Par un arrêté du 9 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 22 septembre 2018. Un titre de pension n'a ensuite été établi que le 20 juillet 2020 et la liquidation de ses droits a été réalisée le 4 septembre 2020. En outre, l'arrêté d'admission à la retraite comportait une erreur de liquidation qui n'a été rectifiée qu'en février 2021.
7. La chronologie rappelée ci-dessus caractérise une instruction anormalement lente et erratique du processus de mise à la retraite pour invalidité de Mme B.... Les retards pris par l'administration pour instruire sa demande, et notamment pour saisir la commission de réforme, présentent ainsi un caractère fautif. Par suite, la responsabilité de l'Etat est engagée pour les préjudices résultant de ce manque de diligence.
En ce qui concerne les préjudices :
8. L'admission tardive de Mme B... à la retraite pour invalidité a nécessairement entraîné, d'une part, des troubles dans ses conditions d'existence résultant du paiement prolongé d'un demi-traitement et, d'autre part, un préjudice moral résultant de l'incertitude quant à sa situation administrative et financière. Il en sera fait une juste appréciation en en fixant la réparation à la somme globale de 2 000 euros.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis du retard dans l'instruction de sa demande de mise à la retraite pour invalidité et à solliciter, en conséquence, que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de ces préjudices.
Sur les intérêts :
10. La somme de 2 000 euros mentionnée ci-dessus portera intérêt au taux légal à compter du 28 décembre 2020, date de réception de la demande préalable de Mme B... par le DDFIP des Pyrénées-Atlantiques.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme B... la somme de 2 000 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 28 décembre 2020.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 27 juin 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copies en seront adressées au directeur régional des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine et département de la Gironde et au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
La greffière,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX02327