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10/07/2025 | FRANCE | N°23BX01757

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 10 juillet 2025, 23BX01757


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme F... Lescot a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 26 octobre 2021 par laquelle le chef d'établissement du centre pénitentiaire de Ducos lui a notifié un trop-perçu d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise d'un montant de 191,66 euros à prélever sur les rémunérations des mois d'octobre et novembre 2021, et l'a informée que son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise s'élèverait désormais à la somme d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... Lescot a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 26 octobre 2021 par laquelle le chef d'établissement du centre pénitentiaire de Ducos lui a notifié un trop-perçu d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise d'un montant de 191,66 euros à prélever sur les rémunérations des mois d'octobre et novembre 2021, et l'a informée que son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise s'élèverait désormais à la somme de 266,67 euros, ensemble la décision expresse du 17 février 2022 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2200318 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2023, Mme Lescot, représentée par Me Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 mai 2023 du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) d'annuler la décision du 26 octobre 2021, ensemble la décision du 17 février 2022 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de lui verser, à compter du mois de novembre 2021, une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise d'un montant de 458,33 euros, ou à défaut de réévaluer le montant de l'indemnité à la hausse, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de prononcer la décharge de la somme de 191,66 euros ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que les décisions attaquées aient été prises par une autorité compétente ;

- elle sont entachées d'une erreur de droit dès lors qu'elle se fondent sur les dispositions de la circulaire illégale du 14 novembre 2017 ; cette circulaire a été prise par une autorité incompétente, dès lors qu'elle fixe des règles statutaires, et en méconnaissance notamment du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat et de l'arrêté du 27 août 2015 pris en application de l'article 5 de ce décret ;

- la créance n'est pas fondée dans son montant, dès lors que l'administration a retenu un trop-perçu de 33,36 euros ;

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.

Par un courrier du 17 juin 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de Mme Lescot à fins de décharge, qui, formulées pour la première fois en appel, présentent le caractère de conclusions nouvelles et sont, comme telles, irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'arrêté du 12 mars 2009 relatif à la déconcentration de la gestion de certains personnels relevant des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vincent Bureau,

- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme Lescot, secrétaire administrative de classe normale, exerce les fonctions de responsable des ressources humaines au centre pénitentiaire de Ducos. Le 26 octobre 2021, le chef d'établissement lui a notifié un trop-perçu de rémunération d'un montant de 191,66 euros en l'informant qu'il serait prélevé sur la rémunération du mois d'octobre 2021 et la suivante. Il lui était par ailleurs indiqué que le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise serait désormais porté à la somme de 266,67 euros. Mme Lescot a formé en vain un recours gracieux le 26 novembre 2021 à l'encontre de ces décisions, qui a fait l'objet d'une décision expresse de rejet le 17 février 2022. Mme Lescot relève appel du jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Martinique a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fins de décharge :

2. Les conclusions de l'appelante à fins de décharge de l'obligation de payer la somme de 191,66 euros sont présentées pour la première fois en appel. Par suite, elles sont irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 12 mars 2009 relatif à la déconcentration de la gestion de certains personnels relevant des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire : " (...) sont délégués aux directeurs interrégionaux des services pénitentiaires, au directeur des services pénitentiaires d'outre-mer ainsi qu'au directeur de l'agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous-main de justice pour les agents placés sous leur autorité, les actes de gestion des personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire mentionnés aux articles 2,3,4 et 5 du présent arrêté. (...) ". Aux termes de l'article 3 de cet arrêté : " Pour les fonctionnaires titulaires et stagiaires des corps de commandement du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, chefs des services pénitentiaires, chefs des services d'insertion et de probation, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, secrétaires administratifs du ministère de la justice, assistants de service social des administrations de l'Etat, adjoints administratifs du ministère de la justice, techniciens de l'administration pénitentiaire et adjoints techniques de l'administration pénitentiaire, les actes délégués sont les suivants : - toutes les décisions administratives individuelles relatives à l'attribution des primes et indemnités ; (...) ".

4. Par un arrêté du 28 août 2018 régulièrement publié au Journal officiel du 30 août 2018, Mme H... E... a été nommée directrice interrégionale à la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer à compter du 1er septembre 2018. Par un arrêté du 22 janvier 2020, elle a donné délégation à M. G... A..., directeur hors classe des services pénitentiaires, chef d'établissement du centre pénitentiaire de Ducos, à l'effet de signer " les décisions d'ouverture, de versement et d'autorisation de paiement ou de bénéficier sous forme de congés des jours épargnés au titre du CET ; (...) Les retenues sur traitement pour service non fait ou mal fait ". L'article 2 de cet arrêté autorise M. A... à subdéléguer sa signature à ses adjoints. Par un arrêté du 15 septembre 2021, M. A... a donné délégation à Mme C... B..., directrice des services pénitentiaires adjointe au chef d'établissement et à Mme I... D..., attachée d'administration de l'Etat, en cas d'absence ou d'empêchement, pour les compétences qui lui ont été déléguées.

5. Il résulte de ces délégations et subdélégations que Mme C... B... et Mme I... D..., signataires des décisions contestées, n'avaient pas compétence pour signer la décision du 26 octobre 2021 notifiant notamment à Mme Lescot un trop-perçu d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise ni la décision du 17 février 2022 portant rejet de son recours gracieux.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme Lescot est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation des décisions du 26 octobre 2021 et du 17 février 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. L'annulation des décisions contestées pour le motif retenu ci-dessus, seul fondé en l'état de l'instruction dès lors que la légalité des décisions s'apprécie à la date à laquelle elles ont été prises, implique nécessairement non pas que le ministre lui verse une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise d'un montant de 458,33 euros à compter du mois de novembre 2021 mais seulement qu'il prenne une nouvelle décision. Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de prendre une nouvelle décision fixant le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise de Mme Lescot à compter du 26 octobre 2021, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2200318 du 4 mai 2023 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : La décision du 26 octobre 2021 notifiant notamment un trop-perçu d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et la décision du 17 février 2022 portant rejet du recours gracieux de Mme Lescot sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de prendre une nouvelle décision fixant le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise de Mme Lescot à compter du 26 octobre 2021, dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme Lescot est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... Lescot et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Vincent Bureau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

Le rapporteur,

Vincent Bureau

Le président,

Laurent Pouget

La greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX01757


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01757
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Vincent BUREAU
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;23bx01757 ?
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