Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise médicale aux fins d'évaluer son taux d'invalidité imputable au service, et à titre subsidiaire d'annuler la décision du 11 mai 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable à l'encontre de la décision du 22 juillet 2020 de la ministre des armées portant rejet de sa demande de pension militaire d'invalidité, et d'enjoindre au ministre des armées de lui octroyer une pension militaire d'invalidité au taux de 40%.
Par un jugement n° 2103086 du 20 février 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 avril 2023 et le 17 février 2025,
M. C... F..., représenté par Me Moumni, demande à la cour :
1°) d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise médicale aux fins d'évaluer le taux d'invalidité imputable au service ;
2°) d'annuler la décision du 22 juillet 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- la décision du 11 mai 2021 de la commission de recours de l'invalidité est entachée d'un défaut de motivation, faute d'énoncer de manière suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et de viser l'avis de la commission consultative médicale ; elle ne se réfère à aucune annexe et aucune autre décision ou avis n'est joint ;
- l'infirmité du genou droit est la conséquence directe d'une chute survenue
le 17 janvier 2017, au cours d'un exercice régimentaire de montagne (" marche des rois "), et doit dès lors être qualifiée de blessure au sens de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité, survenue à date certaine pendant le service ; du seul fait de l'inscription au registre des constatations, il aurait dû se voir appliquer la présomption d'imputabilité ;
- cette infirmité doit être regardée comme imputable au service, dès lors qu'aucun antécédent n'avait été relevé lors de son engagement dans l'armée et que les cinq premières années de son service se sont déroulées sans incident ; l'examen médical préalable à la rédaction du certificat médical d'aptitude du 7 novembre 2016 a nécessairement porté sur son état de santé, dans sa globalité ;
- les certificats médicaux produits, établis par le service de santé des armées, ont été à tort écartés par l'administration alors qu'ils sont probants ;
- en tout état de cause, ses gonalgies apparues en 2015 sont imputables au service, et l'aggravation actuelle de cette infirmité constitue le prolongement direct de troubles apparus pendant le service, et doit dès lors être regardée comme imputable à celui-ci ; il a développé un genu varum pathologique en 2015, en lien avec ses activités militaires ;
- la commission de recours a écarté à tort les conclusions de l'expert médical ayant fixé un taux d'invalidité de 40 %, au profit de l'avis du médecin conseil des pensions, qui propose un taux réduit à 30 % ;
- une nouvelle expertise médicale est nécessaire, sur le fondement de l'article R. 711-15 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, afin d'évaluer de manière précise le taux d'invalidité dont il est atteint devant être déclaré imputable au service, en précisant l'étiologie de son infirmité.
Par des mémoires en défense enregistrés le 8 juillet 2024 et le 17 mars 2025, le ministre des armées demande à la cour de rejeter la requête de M. C... F....
Il soutient que :
- la décision du 11 mai 2021 est suffisamment motivée au regard des exigences rappelées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; le moyen tiré d'une insuffisance de motivation fondé sur l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est inopérant ; le cas de l'intéressé ne relevait pas des hypothèses de saisine obligatoire de la commission consultative médicale prévues par l'annexe I de l'arrêté
du 3 décembre 2018, de sorte que le défaut de mention d'un avis de cette commission, qui n'a pas été saisie, dans la décision est sans incidence sur sa légalité ;
- l'infirmité invoquée par l'intéressé ne saurait être qualifiée de blessure au sens de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité, faute de lésion traumatique avérée à l'issue de l'évènement du 17 janvier 2017 ;
- les douleurs au ménisque invoquées par M.C... F..., ne peuvent être qualifiées de blessure en lien avec l'évènement du 17 janvier 2017, mais sont imputables à un état pathologique préexistant dont les premières constatations remontent à 2015, ainsi qu'il ressort des pièces médicales produites ; c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les douleurs constatées
en 2015 ne pouvaient être rattachées aux conditions générales de service.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Par une ordonnance du 14 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée
au 17 mars 2025 à 12h00.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique, à laquelle les parties n'étaient ni présentes ni représentées :
- le rapport de M. Antoine Rives,
- et les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C... F..., engagé au sein du premier régiment étranger de la Légion étrangère depuis le 13 janvier 2010 et promu au grade de caporal le 1er novembre 2013, a été radié des cadres pour réforme définitive le 29 janvier 2018. Le 19 janvier 2018, il a sollicité l'attribution d'une pension militaire d'invalidité au titre d'une méniscopathie interne du genou droit, traitée chirurgicalement, avec arthrose secondaire et flexion limitée à 120°, amyotrophie quadricipitale de 4 cm, hydarthrose et boiterie, qu'il impute à une chute survenue
le 17 janvier 2017 lors d'une activité sportive encadrée, dite " marche des rois ". Par une décision du 22 juillet 2020, la ministre des armées a rejeté cette demande. Le recours administratif préalable formé par l'intéressé a été rejeté par une décision de la commission de recours de l'invalidité
en date du 11 mai 2021. Le tribunal administratif de Bordeaux, par un jugement n° 2103086
du 20 février 2023, a rejeté la demande de M. C... F... tendant à l'annulation du la décision du 11 mai 2021. Ce dernier relève appel de ce jugement.
2. Les conclusions d'appel du requérant dirigées contre la décision du 22 juillet 2020 à laquelle s'est substituée la décision du 11 mai 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable, doivent être regardées comme dirigées contre cette dernière décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige.
4. M. C... F... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance, tiré de ce que la décision du 11 mai 2021 serait entachée d'un défaut de motivation. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Bordeaux au point 3 de son jugement.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de M. C... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...). Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition :/ 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée :/ a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ;/ b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle ;/ 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle ait été constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant l'une des dates mentionnées au 1° (...)/ La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas./ (...) ".
6. Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service, constatée dans les conditions qu'elles prévoient. En l'absence de tout fait précis de service ayant causé un traumatisme qui serait à l'origine de l'infirmité litigieuse, celle-ci doit être qualifiée de maladie. En outre, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis, de ce fait, à des contraintes et des sujétions identiques.
7. Il résulte des pièces versées à l'instruction que si M. C... F... a, en dernier lieu le 7 novembre 2016, été reconnu apte à toutes les activités militaires, et que son certificat d'aptitude ne relevait aucune limitation fonctionnelle, il présentait néanmoins, dès le mois de janvier 2015, des douleurs chroniques du genou droit, de type mécanique, en l'absence de tout traumatisme identifié, qualifiées de gonalgies sur syndrome fémoro-patellaire. Ces douleurs ont conduit à la réalisation d'une première IRM le 2 mars 2015, laquelle a mis en évidence de légers remaniements de la corne postérieure du ménisque interne, avec un hypersignal central et un petit kyste méniscal. Dans un courrier du 25 mars 2015, le docteur A... a attribué ces douleurs à un genu varum marqué, évalué à 8°, et une méniscectomie partielle interne droite a été pratiquée
le 3 avril 2015. Il résulte notamment du livret médical que, dans les mois ayant suivi cette intervention, l'intéressé a continué de présenter des douleurs au genou droit, décrites au
22 décembre 2015 comme des gonalgies mécaniques, majorées à la montée et à la descente des escaliers. Une IRM du 22 juin 2016 a révélé un amincissement significatif du cartilage du condyle fémoral interne, mettant en évidence une chondropathie évoluée.
8. D'une part, pour établir l'imputabilité au service de cette infirmité, M. C... F... fait valoir qu'elle trouverait son origine dans l'exercice quotidien et intensif d'activités physiques au sein de la Légion étrangère. Toutefois, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, de telles circonstances, relatives aux conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires, ne permettent pas d'apporter la preuve d'une telle imputabilité.
9. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du registre des constatations établi le 17 janvier 2017 et du livret médical de l'intéressé, que celui-ci, alors engagé dans une activité de service encadrée, la " marche des rois ", a trébuché sur un caillou, et a immédiatement ressenti une douleur aiguë au genou droit, avec apparition d'un gonflement ayant nécessité une évacuation vers le service médical du 1er Régiment étranger. Toutefois, l'IRM du genou droit du 13 février 2017 et le compte-rendu de la radiographie réalisée le lendemain ne font pas état de lésion d'origine traumatique en lien avec cet accident. Surtout, si cette IRM
relève l'existence de remaniements du compartiment fémoro-tibial interne, avec " avulsion cartilagineuse ", le docteur B..., dans son courrier du 3 mars 2017, a expressément rattaché ces lésions au syndrome fémoro-patellaire sévère évoluant depuis 2015, déjà pris en charge sans succès par kinésithérapie. Leur caractère ancien et évolutif est confirmé par le docteur E..., qui indique, dans son certificat du 15 novembre 2017, que les lésions figurant sur les images arthroscopiques de 2015 permettent d'expliquer les douleurs persistantes présentées par l'intéressé. De même, dans un rapport du 30 juillet 2018, le médecin en chef de réserve relève que les remaniements du ménisque interne et que la lésion cartilagineuse du condyle fémoral interne (avulsion), constatés en 2017, ne pouvaient s'être constitués dans un délai aussi bref après l'accident du 17 janvier 2017, et étaient donc nécessairement préexistants. Enfin, dans un avis
du 22 juin 2020, le médecin des pensions conclut à une gonarthrose droite sur méniscopathie interne ancienne, en précisant qu'aucun traumatisme n'a été identifié ni en 2015 ni en 2017. Eu égard à l'ensemble de ces éléments concordants, qui établissent l'évolution pour son propre compte de l'affection de M. C... F..., sans que celle-ci n'ait par ailleurs été aggravée par l'évènement du 17 janvier 2017, l'infirmité invoquée ne peut être regardée comme une lésion soudaine, condition requise pour la qualification de blessure en lien avec un accident éprouvé à l'occasion du service, au sens du 1° de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit utile d'ordonner une expertise, que M. C... F... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. M. C... F..., partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... F... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Sabrina Ladoire, présidente assesseure,
M. Antoine Rives, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.
Le rapporteur,
Antoine Rives
La présidente,
Catherine Girault
Le greffier,
Fabrice Benoit
Pour le greffier d'audience décédé
La greffière de chambre
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX01094