Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les sociétés civiles immobilières (SCI) Vésuve 1 et Vésuve 2 ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler d'une part, la décision du 16 octobre 2020 par laquelle le maire de la commune de La-Teste-de-Buch a ordonné l'interruption des travaux engagés sur les parcelles cadastrées section GS n°s 28, 29, 30, 31 et 34, situées au 35 rue de Cottages de la Fontaine Saint-Jean, et d'autre part, l'arrêté interruptif de travaux du maire de La Teste-de-Buch du 12 février 2021, ensemble la décision implicite par laquelle la même autorité a rejeté leur recours gracieux du 10 mai 2021 et la décision du 18 mai 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté leur recours hiérarchique.
Par un jugement n°2005843 et n°2103504 du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 15 février 2023,
4 septembre 2024, 3 janvier et 14 février 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, les SCI Vésuve 1 et Vésuve 2, représentés par Me Saparrart, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 décembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision du 16 octobre 2020 par lequel le maire de la commune de La-Teste-de-Buch a ordonné l'interruption des travaux et l'arrêté interruptif de travaux de cette même autorité du 12 février 2021, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux du 10 mai 2021 et la décision du 18 mai 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté leur recours hiérarchique ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune de la Teste-de-Buch une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
Sur la légalité de la décision du 16 octobre 2020 :
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la décision du 16 octobre 2020 constitue une décision faisant grief et susceptible de recours dès lors qu'elle constate la péremption du permis de construire et ordonne l'interruption des travaux ;
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme en l'absence de procès-verbal d'infraction préalable ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration en l'absence de procédure contradictoire préalable ;
- elle est illégale dès lors qu'elle considère à tort que le permis de construire était périmé à la date de commencement des travaux ;
Sur la légalité de l'arrêté interruptif de travaux du 12 février 2021 :
- il est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme ; contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le permis de construire objet des travaux litigieux n'a pas expiré le 10 janvier 2020 mais le 20 décembre 2019 ; c'est à tort que les premiers juges ont par ailleurs considéré que les travaux n'avaient pas débuté de manière significative pendant le délai de validité du permis dès lors que la division en propriété du terrain a été opérée, ce qui constitue une première phase d'exécution, tandis que les travaux matériels, qui sont bien d'une importance significative, ont débuté le 22 novembre 2019 ; les déclarations d'ouverture de chantier ont été déposées en mairie le 25 novembre 2019 ;
- le transfert partiel du permis de construire en litige n'a pas eu pour effet de créer des permis de construire distincts dont le délai de validité s'écoulerait distinctement ; les travaux engagés sur le lot 2 devaient être pris en compte pour apprécier le commencement des travaux pendant la validité du permis de construire ; la date de péremption est unique pour les trois lots qui ont fait l'objet d'un seul permis de construire ; en tout état de cause, l'unicité du projet est réelle, l'autorisation accordée n'est pas divisible ; c'est ainsi à l'égard de l'ensemble de l'unité foncière que la conformité du projet global aux règles d'urbanisme a été regardée lors de la délivrance de l'autorisation.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutien que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés les 27 juin 2024 et 28 janvier 2025, la commune de La Teste-de-Buch, représentée par la SELARL HMS Atlantique, conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mise à la charge solidaire des requérantes une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au
17 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Sebert, représentant la SCI Vesuve 1 et la SCI Vesuve 2 et de Me Lefort, représentant la commmune de la Teste-de-Buch.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 5 août 2015, le maire de la Teste-de-Buch a délivré à M. A... C... un permis de construire valant division pour l'édification de trois bâtiments à usage d'habitation sur un terrain, constitué des parcelles cadastrées section GS n° 28, 29, 30, 31 et 34, situé 35 rue du Cottage de la Fontaine Saint-Jean à la Teste-de-Buch. Par arrêté du 16 décembre 2015 du maire de la Teste-de-Buch, le permis de construire a été transféré à la société Promobat. Par deux arrêtés du 5 novembre 2018 de cette même autorité, le permis de construire a été transféré partiellement à la SCI Vesuve 1 d'une part, s'agissant du lot n°1, et à la SCI Vesuve 2 d'autre part, s'agissant du lot n°3. Par un courrier du 16 octobre 2020, le maire de la Teste-de-Buch a informé les SCI Vesuve 1 et 2, en la personne de M. B..., qu'il considérait que le permis de construire délivré le 5 août 2015 était périmé depuis le 31 décembre 2019, que les travaux devaient être immédiatement interrompus et qu'il envisageait de dresser à leur encontre un procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme et les invitait, en application des dispositions de l'article L. 122-1 du code de relations entre le public et l'administration, à présenter leurs observations. Par procès-verbal dressé le 10 décembre 2020, l'agent assermenté de la commune a constaté l'exécution de travaux sans permis de construire en cours de validité, faits constitutifs d'une infraction au code de l'urbanisme. Par un arrêté du 12 février 2021, le maire de la Teste-de-Buch, agissant au nom de l'Etat, a mis en demeure lesdites sociétés d'interrompre immédiatement les travaux. Par la présente requête, les SCI Vesuve 1 et Vesuve 2 relèvent appel du jugement du 14 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 16 octobre 2020 et de l'arrêté du 12 février 2021 du maire de la Teste-de-Buch, ensemble les décisions de rejet de leurs recours gracieux et hiérarchique.
Sur la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a écarté comme irrecevables les conclusions d'annulation dirigées contre la décision du 16 octobre 2020 :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont considéré que le courrier du 16 octobre 2020 adressé aux sociétés requérantes par le maire de la Teste-de-Buch avait pour objet principal de les informer de son intention de dresser un procès-verbal d'infraction en application des dispositions précitées de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme et de les inviter à présenter préalablement leurs observations, qu'il ne constituait pas l'arrêté interruptif de travaux prévu par les dispositions de l'article L. 480-2 du même code et que cette décision ne faisait ainsi pas grief. Ils en ont déduit que ce courrier n'était pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et ont par suite rejeté comme irrecevables les conclusions d'annulations dirigées par les sociétés requérantes à l'encontre du dit courrier. Si c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que ce courrier n'emportait pas mise en demeure du maire de la Teste-de-Buch d'interrompre les travaux entrepris par les sociétés Vésuve 1 et Vésuve 2, il ressort toutefois des termes de cette décision qu'elle emportait également la constatation par cette autorité de la caducité du permis de construire du
16 décembre 2015, transféré partiellement aux sociétés requérantes le 5 novembre 2018. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que sur ce point la décision ne faisait pas grief.
3. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a retenu comme irrecevable les conclusions dirigées contre la décision du 16 octobre 2020 du maire de La-Teste-de-Buch. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette demande.
Sur la légalité de la décision du 16 octobre 2020 :
4. Aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance du permis de construire du 5 août 2015 : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. (...) ". L'article 3 du décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016 a porté à trois ans le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424- 17 du code de l'urbanisme. En vertu de l'article 7 de ce même décret, cette modification s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication, soit le 6 janvier 2016. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 424-19 du même code : " En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l'article
L. 480-13, le délai de validité prévu à l'article R. 424-17 est suspendu jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire dont se prévalent les sociétés requérantes est un permis de construire valant division, en vue de la division en 3 lots (lot n°1, lot n°2 et lot n°3) et la construction de 3 bâtiments à usage d'habitation sur un terrain, constitué des parcelles cadastrées section GS n° 28, 29, 30, 31 et 34, situé 35 rue du Cottage de la Fontaine Saint-Jean à la Teste-de-Buch. Il a été délivré le 5 août 2015 et a fait l'objet d'un recours contentieux du 30 janvier 2016 au 15 février 2018 date à laquelle est intervenu le jugement du tribunal administratif de Bordeaux, devenu définitif, en l'absence de recours, le
16 avril 2018. En application des dispositions citées au point précédent, le délai de validité de trois ans du permis a été suspendu pendant une période de 1 an, 4 mois et 15 jours qui a donc expiré, comme le soutiennent à juste titre les requérantes, le 20 décembre 2019.
6. A cette date, s'agissant des lots 1 et 3, seuls des travaux de nettoyage et de préparation de terrain avaient été entamés dans le courant du mois de novembre 2019, soit très peu de temps avant la date de péremption du permis. Il ressort ainsi du constat d'huissier du
24 novembre 2019 complété des constatations et des éléments photographiques du rapport de l'agent assermenté de la mairie en date du 29 juin 2020, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que si des travaux avaient été entamés de manière significative sur le lot n°2, seuls des travaux de nettoyage de terrain, de débroussaillage et de mise en place de piquets avaient été réalisés sur les lots n°1 et n°3. Or, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, ces travaux ne peuvent être regardés comme un commencement de travaux d'une importance significative de nature à avoir interrompu le délai de péremption.
7. Toutefois, il est constant que s'agissant du lot n°2, des travaux d'une importance significative avaient débuté avant le 20 décembre 2019. Or, il ressort des pièces du dossier que les trois constructions autorisées en 2015 forment une opération d'ensemble conçue dans sa globalité dès la délivrance de l'autorisation. Elles disposent d'équipements communs tels que la voie d'accès et l'entrée de l'entité foncière, la servitude de passage la desservant, des réseaux partagés, et un poste électrique commun. Elles sont comprises dans un même programme initial de construction, ont été conçues par le même cabinet d'architecte et utilisent en majorité les mêmes matériaux. Dans ces conditions, la caducité du permis de construire valant division en litige ne pouvait s'apprécier qu'au regard de l'ensemble de l'unité foncière pour lequel il a été délivré et non s'agissant de chacun des lots objet de la division. Par suite, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que le maire a, en retenant la caducité partielle du permis s'agissant des lots 1 et 3, entaché sa décision d'une erreur de droit.
8. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Vésuve 1 et Vésuve 2 sont fondées à demander l'annulation de la décision du 16 octobre 2020 par laquelle le maire de la
Teste-de-Buch a constaté la péremption du permis de construire de 2015 s'agissant des lots n°1 et n°3 détenus par les sociétés requérantes.
Sur la légalité de l'arrêté interruptif de travaux du 12 février 2021 :
9. Aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. / Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public ". Aux termes de l'article L. 480-2 du même code :
" (...) Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. (...) Dans le cas de constructions sans permis de construire (...) le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux (...) ".
10. Dans les circonstances exposées aux points 4 à 7, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que le maire ne pouvait ordonner l'interruption des travaux en l'absence de caducité du permis de construire délivré en 2015.
11. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Vésuve 1 et Vésuve 2 sont fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 12 février 2021.
12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation des décisions contestées.
Sur les frais liés au litige :
13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser aux sociétés Vésuve 1 et Vésuve 2 au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de la commune de la Teste-de-Buch, intervenante en défense, sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux ainsi que les décisions des
16 octobre 2020 et 12 février 2021, la décision implicite de rejet du recours gracieux des sociétés Vésuve 1 et Vésuve 2 du 10 mai 2021, et la décision du 18 mai 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté leur recours hiérarchique, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros aux sociétés Vésuve 1 et Vésuve 2 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vésuve 1, à la société Vésuve 2, et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Copie en sera adressée à la commune de la Teste-de-Buch.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX00422