Vu la procédure suivante :
I°) B... une requête enregistrée le 21 février 2023, sous le n° 23BX00503 et des mémoires complémentaires, enregistrés les 26 janvier 2024, 5 février 2024, 18 mars 2024 ainsi que par trois mémoires récapitulatifs produits en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, les 18 mai, 16 juillet et 12 septembre 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Lathus-Saint-Rémy et l'association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus (APPEL), représentées en dernier lieu par Me Catry, demandent à la cour administrative d'appel de Bordeaux :
1°) d'annuler l'arrêté n° 2022-DCPPAT/BE-198 en date du 21 octobre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a délivré à la société PE des Bruyeres une autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien composé de deux aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Plaisance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- elles ont intérêt à agir ;
- l'avis rendu par l'agence régionale de santé de la Vienne est insuffisant ; elle s'est prononcée sur un dossier incomplet ; des éléments complémentaires transmis postérieurement à un avis plus de 10 mois après ont nécessairement influé sur le sens de l'avis émis, alors même qu'un projet éolien n'a pas été pris en considération ;
- l'étude d'impact comporte des inexactitudes, des omissions et des insuffisances qui ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population, ou ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;
En ce qui concerne l'étude des sols :
- la société n'a pas jugé nécessaire d'examiner en amont les caractéristiques géotechniques et hydrologiques des zones impliquées, malgré les risques notables de mouvements de terrain par tassements différentiels et de retrait-gonflement des argiles pourtant relevés dans le résumé non-technique : l'aire d'étude immédiate est soumise au risque de mouvements de terrain par tassements différentiels, au risque de retrait-gonflement des argiles et aux remontées de nappe d'eau souterraine ;
- l'éolienne E2 se trouve sur une zone potentiellement sujette aux inondations de cave ;
- la méconnaissance des sols s'étend aux enjeux hydrologiques, et aux zones humides ;
- il en est de même s'agissant du raccordement au poste source distant de 14 km.
En ce qui concerne l'étude acoustique :
- l'étude d'impact ne peut se contenter de se ranger derrière des mesures acoustiques prenant pour base le projet de norme S 31-114 puisque celui-ci ne révèle pas l'impact acoustique réel induit par le fonctionnement d'un parc éolien ; le risque d'atteinte à la santé des populations se vérifie au vu de la faible distance qui sépare les éoliennes des habitations les plus proches ; l'impact réel des sons, notamment impulsionnels, générés par le projet éolien sur la population n' a pas été mesuré ;
- dès lors que la seule norme applicable est la NF 31-010 prévu à l'arrêté du 23 janvier 1997, en faisant référence au seul projet de norme PR C... 31-114, l'étude d'impact a nécessairement entaché le projet d'une irrégularité et révèlerait une régression environnementale ;
- subsidiairement, l'article 28 de l'arrêté du 26 août 2011, dans sa version initiale, est lui-même entaché d'illégalité ;
- plus subsidiairement, faute pour l'article 28 d'être parvenu à prévoir une base méthodologique spécifique pour l'appréciation des nuisances sonores en matière d'éolienne, le projet aurait dû être examiné à l'aune de l'arrêté du 23 janvier 1997, applicable de manière générale aux installations classées ; le recours à la norme C... 31-010 était nécessaire et inévitable ;
- l'illégalité de l'article 28 de l'arrêté du 26 août 2011 doit entraîner par voie de conséquence celle de l'illégalité de l'article 29 de l'arrêté du 23 janvier 1997, en tant qu'il lui est indissociablement lié ;
- seuls 5 points de mesures ont été retenus ; des lieudits, aussi exposés et relevés dans l'étude de danger ont été ignorés ;
- les mesures de bruit résiduel ont omis le paramètre de vents nord-est pourtant dominants lesquels peuvent avoir des caractéristiques propres en termes de vitesse et de direction qui influencent la propagation du bruit ; cette carence affecte la perception des enjeux du projet pour les habitants du lieu-dit Chez le Maçon et du hameau de Maison Celle, situés au nord-est du projet ;
- aucune justification n'est donnée quant aux choix de localisation des points de mesure ;
- s'il est mentionné que les instruments ont été calibrés, il n'y a pas de précision sur la fréquence de recalibration pendant la période de mesure, ni sur la vérification de la dérive des instruments qui pourrait affecter la précision des mesures ;
- la période de mesure n'a couvert qu'un intervalle de temps très limité de 15 jours.
En ce qui concerne les ombres portées et effets stroboscopiques :
- la description des paramètres qui influencent les effets d'ombres portées est traitée de manière quasi exclusivement théorique, sans fournir la moindre donnée spécifique sur la fréquence réelle de ces effets dans le contexte local du projet notamment pour les habitations situées à l'est et à l'ouest des éoliennes.
En ce qui concerne l'étude chiroptérologique :
- l'absence de respect des recommandations de distance par Eurobats n'est pas justifiée ;
- l'activité diurne n'est pas analysée ;
- aucune écoute en altitude n'a été réalisée ; aucune information n'est donnée sur les modalités d'installation des micros et sur la pose d'un seul micro sur un mât de 120 m, interrogeant sur la réalité des écoutes qui en auraient découlé ;
- en l'absence d'analyse sur toutes les périodes de l'année, l'étude est insuffisante et ne permet pas de s'assurer de l'absence de risque de destruction de ces espèces sensibles à l'éolien ;
- sur la conduite de la démarche d'évitement, en envisageant seulement une variation d'implantation des éoliennes sur le même site, aucune solution de substitution raisonnable n'a été recherchée, ce qui va à l'encontre des préconisations du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).
En ce qui concerne l'étude paysagère :
- aucun photomontage n'est proposé depuis les rives de la Gartempe ni depuis le parking du saut du Brame, qui constituent des sites classés et inscrits ;
- aucun photomontage n'est proposé depuis le " hameau de chez Villeau ", situé dans le périmètre du site classé de la Gartempe ;
- même en supprimant 2 des 4 éoliennes, l'effet cumulé du projet s'implante dans une trouée entre les projets dits G..., la Bussière et les projets dits E... et La Montie et Tageau, lequel relie les projets existants visuellement ; un front éolien est créé.
En ce qui concerne l'étude de dangers :
- la société pétitionnaire a insuffisamment développé la question de la vulnérabilité du projet éolien envisagée au regard des risque naturels incendie-feux de forêt et inondations.
En ce qui concerne l'étude avifaunistique :
- aucune précision n'est apportée sur les relevés effectués en période d'hivernage dans l'étude d'impact ; les 5 dates de passage retenues en 2019 en période de migration prénuptiale ne sont pas justifiées en ce qui concerne la période de migration postnuptiale ; les 4 dates de passage retenues en 2018 et l'unique date de passage au 26 mars 2019 ne sont pas justifiées ; 17 points d'observations ont été définis sans aucune précision sur le choix des 6 dates de prospection.
En ce qui concerne les atteintes à l'avifaune :
- le promoteur éolien ne tient pas compte des spécificités du lieu d'implantation : richesse avifaunistique observée, proximité d'une zone Natura 2000 emblématique, abritant 73 espèces patrimoniales d'oiseaux, fréquentation d'un cortège de rapaces patrimoniaux, très vulnérables à l'éolien, axe migratoire principal d'intérêt national, environnement très favorable au maintien de la biodiversité ;
- certaines des espèces patrimoniales se voient directement et gravement menacées par le projet ;
- ce risque apparaît nécessairement caractérisé, comme il l'est pour la plupart des passereaux, " non patrimoniaux " ;
- les mesures proposées, telles que l'implantation des éoliennes en dehors des secteurs sensibles (E1), l'utilisation de grandes éoliennes (E3) et la limitation de l'attractivité des éoliennes (R1), ne sont pas adaptées et ne pourront réduire de façon suffisante les risques de collision et de perturbation de l'habitat qui restent significatifs ;
- ces mesures ignorent les comportements spécifiques et les altitudes de vol des espèces les plus menacées.
En ce qui concerne les atteintes aux chiroptères :
- le site dit D... a une richesse chiroptérologique exceptionnelle ; il présente un très fort enjeu global s'agissant des aspects fonctionnels correspondant aux habitats, à la chasse et au gîte de l'ensemble de ces espèces ; aucune donnée relative à la Haute-Vienne s'agissant des gîtes existants au sud du projet n'est mis en possession du bureau d'étude ;
- les mesures d'évitement et de réduction proposées sont insuffisantes ; face à la présence des chiroptères sur site, les périodes de bridage retenues sont insuffisantes pour réduire de manière importante le risque de mortalité avéré ; le niveau d'atteinte aux chiroptères apparaît comme étant suffisamment caractérisé ;
- certaines des espèces patrimoniales se voient directement et gravement menacées par le projet ;
- le risque d'impact sur certaines espèces n'est pas pris en compte ; les rhinolophes, restent soumis au risque de barotraumatisme, qui peut être occasionné jusqu'à plus de vingt mètres de distance du bout de pale ; en fonction de leur garde au sol, les éoliennes représentent un niveau de menace réel sur cette espèce ;
- la question de la perte d'habitat et de territoire de chasse est éludée ;
- le choix d'implantation retenu est pénalisant compte tenu de la proximité des lisières à partir de l'extrémité extérieure des pales ;
- le désherbage et le gravillonnage des plateformes n'auront qu'un effet limité ; ils ne feront que réduire la présence des insectes au sol, mais pas celle des insectes volants attirés par la nacelle ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en autorisant le projet éolien D... au regard de la diversité des espèces identifiées, dont des espèces à forte patrimonialité, de la forte vulnérabilité à l'éolien des espèces les plus abondantes sur le site, du non-respect des prescriptions Eurobats et du biotope très favorable à la conservation des chauves-souris alors que leurs effectifs s'effondrent.
En ce qui concerne l'absence de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées ou de leur habitat au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement :
- le projet comportera un niveau de risque réel, après les mesures ERC, sur l'avifaune et les chiroptères vu la présence d'eau et de haies boisées de lisières favorables à leur présence.
En ce qui concerne les atteintes excessives à l'environnement :
- le terrain d'implantation, autant que le secteur dans lequel il prend place, présente une forte attractivité ; la ZIP se situe à proximité du site dit de H... ", couverte par un arrêté de protection de biotope ; le terrain est encerclé de plusieurs zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) ; il se caractérise par un contexte bocager et humide, avec de nombreuses haies multistrates, pour la plupart composées de très vieux arbres ;
- le secteur d'implantation du projet constitue un espace culturel et paysager emblématique, inadapté à l'éolien ;
- la vallée de la Gartempe constitue un paysage déterminant, aussi bien confidentiel que spectaculaire ; la vallée de la Gartempe est, précisément au droit de là où elle est le plus exposée au risque de covisibilité, intégrée dans un site classé au titre de la loi du 2 mai 1930, suivant décret du 1er avril 1997 ;
- le Roc d'Enfer est un site unique à l'échelle régionale ; il est intégré au sein de la zone Natura 2000 " Vallée de la Gartempe-Les Portes d'Enfer " depuis un arrêté du 17 octobre 2008 ; la valorisation de la vallée de la Gartempe a été inscrite dans le contrat de plan État-région 2015-2020 ; la communauté de communes Vienne et Gartempe s'est dotée d'une OAP thématique " Plan Paysage " qui identifie la Gartempe comme un marqueur du territoire ;
- le projet en litige génèrera un impact visuel excessif sur le site de la vallée de la Gartempe ; depuis le hameau de chez Villeau, il n'y a plus aucun espace de respiration mais une continuité d'éoliennes ; les vues depuis cette vallée ont été réduites tout comme pour le dolmen de Chiroux conduisant à une analyse parfaitement erronée et à une étude insuffisante des atteintes portées au patrimoine classé naturel et culturel ;
- les éoliennes, visibles depuis ces deux points de vue, l'un depuis la route menant au lieudit du Chambon, l'autre au lieudit chez Villeau, situé à l'intérieur du périmètre classé, sur le chemin GR 10, balisé et très fréquenté portent une atteinte significative à l'intérêt paysager et patrimonial du site classé de la vallée de la Gartempe ;
- le dolmen de Chiroux, classé aux monuments historiques par arrêté du 11 août 1986, se situe à 855 mètres de la zone d'implantation du projet ; l'implantation de nouvelles éoliennes surplombant ce site millénaire préservé porte une atteinte significative à l'intérêt historique et patrimonial de ce monument.
En ce qui concerne l'atteinte à la commodité du voisinage :
- il existe un risque de saturation ; malgré le relief et la présence d'espaces boisés, le projet réduit les espaces de respiration augmentant les angles d'occupation ; de nombreuses éoliennes sont implantées de manière linéaire confortant cette saturation visuelle.
B... des mémoires en défense enregistrés les 29 août 2023, 18 mars 2024, 25 juin 2024, 3 juillet 2024 et 23 août 2024, la société PE D..., représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au sursis à statuer en application des dispositions de l'article L.'181-18 du code de l'environnement pendant le temps nécessaire à l'instruction de la demande d'autorisation modificative, et à ce que soit mis à la charge des requérantes le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir ;
- le mémoire complémentaire cite plusieurs pièces sous le nom de " A... " qui ne sont pas mentionnées dans le bordereau de pièces ou ne correspondent pas à leur intitulé dans l'inventaire, ces pièces sont irrecevables ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
B... un mémoire en défense enregistré le 21 février 2024, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir ;
- l'ensemble des irrégularités soulevées fondant la demande d'annulation de l'arrêté complémentaire du 4 octobre 2023 tenant notamment à l'irrégularité de la procédure de porter à connaissance suivie ou du caractère substantiel des modifications apportées au parc, est inopérant à l'encontre de l'arrêté du 21 octobre 2022 ;
- les conclusions nouvelles à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté préfectoral complémentaire relèvent de l'autre instance enregistrée sous le n° 24BX00269 ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
B... un courrier du 9 mai 2025, il a été demandé aux parties sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire leurs observations sur l'article L. 411-2-1 du code de l'environnement, résultant de l'article 23 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 selon lequel : " La dérogation mentionnée au 4° du I de l'article L. 411-2 n'est pas requise lorsqu'un projet comporte des mesures d'évitement et de réduction présentant des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque de destruction ou de perturbation des espèces mentionnées à l'article L. 411-1 au point que ce risque apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé et lorsque ce projet intègre un dispositif de suivi permettant d'évaluer l'efficacité de ces mesures et, le cas échéant, de prendre toute mesure supplémentaire nécessaire pour garantir l'absence d'incidence négative importante sur le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées (...) ".
La commune de Lathus-Saint-Rémy et l'association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus ont produit des observations enregistrées le 11 mai 2025.
La société PE D... a produit des observations enregistrées le 14 mai 2025.
Le préfet de la Vienne a produit des observations enregistrées le 10 juin 2025 qui n'ont pas été communiquées.
L'arrêt n° 23BX00015 du 27 mars 2025 de la cour administrative d'appel de Bordeaux a été communiqué aux parties .
II°) B... une requête enregistrée le 4 février 2024, sous le n° 24BX00269 et un mémoire complémentaire, enregistré le 10 février 2025, la commune de Lathus-Saint-Rémy et l'association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus (APPEL), représentées en dernier lieu par Me Catry, demandent à la cour administrative d'appel de Bordeaux :
1°) d'annuler l'arrêté complémentaire n° 2023-DCPPAT/BE-483 du 4 octobre 2023, modifiant l'arrêté préfectoral n° 2022-DCPPAT/BE-198 du 21 octobre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a délivré à la société PE des Bruyeres une autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien composé de deux aérogénérateurs sur les territoires de la commune de Plaisance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- elles ont intérêt à agir ;
- les modifications apportées au projet notamment en termes d'impact visuel sur l'environnement sont substantielles et significatives et aurait dû donner lieu au dépôt d'une nouvelle demande d'autorisation ; les modifications ne peuvent être considérées comme mineures ;
- le pétitionnaire a procédé à un détournement de procédure ; il pouvait dès sa proposition d'aménagement du projet du 18 février 2022 anticiper et prévoir sans attendre le 30 mai 2023 ;
- l'arrêté contesté est privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté du 21 octobre 2022 ;
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de l'acte ;
- la nécessité de consulter les personnes publiques intéressées ont été méconnues ; le préfet devait consulter l'autorité environnementale, les différentes collectivités compétentes notamment en matière d'urbanisme ;
- les avis rendus sont irréguliers ; ils ont été exprimés sur le fondement de dossiers incomplets ;
- les mises à jour des études initiales sont insuffisantes ; le projet aurait dû faire l'objet d'études complémentaires, que ce soit sur les conséquences pour la faune ou en termes d'impacts du projet sur l'environnement paysager et bâti protégé ;
- aucun photomontage n'est produit au niveau du dolmen de Chiroux identifié comme un monument historique impacté de manière forte par le projet ;
- il en est de même du lieudit Entrefin, hameau impacté par le projet initial ;
- l'impact sur la vallée de la Gartempe, site naturel d'exception classé et incontournable, n'a pas été mesuré ;
- la hauteur des chiroptères de haut vol n'a pas été analysée ; aucune étude complémentaire n'est produite s'agissant de l'impact sur l'avifaune ;
- les modifications apportées présentent un caractère substantiel et nécessitaient une nouvelle autorisation avec enquête publique dès lors qu'elles créent des vues importantes sur le monument classé historique, le dolmen de Chiroux, un effet de saturation visuelle et d'encerclement en raison de l'existence du projet dit " F... " situé dans le prolongement ; le projet porte atteinte au caractère et à l'intérêt de la vallée de la Gartempe ;
- le projet est visible depuis de nombreux points du site classé du Roc d'Enfer et de la vallée de la Gartempe et se trouve en contradiction avec les politiques locales de protection de ces sites ; l'absence de cohérence déjà relevée avec les autres projets va aggraver la désorganisation et l'aspect inesthétique en contribuant à la dépréciation de l'environnement et du patrimoine historique ; l'augmentation de la hauteur ainsi que du diamètre de rotor des éoliennes accroît l'effet d'encerclement ;
- il se situe dans un corridor de protection paysagère ;
- l'effet de saturation visuelle sera conforté par la hauteur du projet qui va dominer les autres préexistants et/ou autorisés ;
- le projet porte atteinte à l'avifaune et aux chiroptères ;
- le promoteur avait l'obligation de solliciter une autorisation de destruction d'espèces protégées et de leurs habitats ; face à la présence des chiroptères sur le site, les périodes de bridage retenues sont insuffisantes pour réduire le risque de mortalité pourtant avéré ; il en est de même pour l'avifaune.
En ce qui concerne les atteintes aux chiroptères :
- l'arrêté complémentaire augmente de façon significative la taille des pales, aggrave les risques pesant sur la chiroptérofaune, déjà existants avec la mise en œuvre de l'autorisation délivrée initialement ; elles renvoient aux moyens soulevés à l'encontre de l'autorisation délivrée par l'arrêté du 21 octobre 2022 ;
- le niveau d'atteinte aux chiroptères est excessif, sans que les mesures ERC ne parviennent à l'atténuer de façon acceptable ;
- le terrain d'implantation, autant que le secteur dans lequel il prend place, présente une forte attractivité ; la ZIP se situe à proximité du site dit de H... ", couverte par un arrêté de protection de biotope ; le terrain se trouve encerclé par plusieurs ZNIEFF et se caractérise par un contexte bocager et humide, avec de nombreuses haies multistrates, pour la plupart composées de très vieux arbres ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en autorisant le projet éolien D... au regard de la diversité des espèces identifiées, dont des espèces à forte patrimonialité, de la forte vulnérabilité à l'éolien des espèces les plus abondantes sur le site, du non-respect des prescriptions Eurobats et du biotope très favorable à la conservation des chauves-souris alors que leurs effectifs s'effondrent ;
- certaines des espèces patrimoniales se voient directement et gravement menacées par le projet ;
- les mesures ERC sont inadaptées ;
- le risque d'impact sur certaines espèces n'est pas pris en compte ; les rhinolophes, restent soumis au risque de barotraumatisme, qui peut être occasionné jusqu'à plus de vingt mètres de distance du bout de pale ; en fonction de leur garde au sol, les éoliennes représentent un niveau de menace réel sur cette espèce ;
- la question de la perte d'habitat, en l'occurrence de territoire de chasse, est éludée ;
- le choix d'implantation retenu est pénalisant compte tenu de la proximité des lisières à partir de l'extrémité extérieure des pales ;
- le désherbage et le gravillonnage des plateformes n'auront qu'un effet limité puisqu'ils ne feront que réduire la présence des insectes au sol, mais pas celle des insectes volants attirés par la nacelle.
En ce qui concerne les atteintes à l'avifaune :
- la société pétitionnaire aggrave la situation en modifiant les caractéristiques techniques des éoliennes, ce qui alourdit les risques pesant sur les espèces protégées ; les modifications apportées augmentent significativement les risques de collision et de perturbation pour l'avifaune, dans un contexte environnemental déjà marqué par une forte patrimonialité et des enjeux écologiques critiques ;
- le promoteur éolien n'apparaît pas vouloir tenir compte des spécificités du lieu d'implantation : richesse avifaunistique observée, proximité d'une zone Natura 2000 emblématique, abritant 73 espèces patrimoniales d'oiseaux, fréquentation d'un cortège de rapaces patrimoniaux, très vulnérables à l'éolien, axe migratoire principal d'intérêt national, environnement très favorable au maintien de la biodiversité ;
- certaines des espèces patrimoniales se voient directement et gravement menacées par le projet ;
- ce risque apparaît caractérisé, comme il l'est pour la plupart des passereaux, " non patrimoniaux " ;
- les mesures proposées, telles que l'implantation des éoliennes en dehors des secteurs sensibles (E1), l'utilisation de grandes éoliennes (E3) et la limitation de l'attractivité des éoliennes (R1), ne sont pas adaptées et ne parviennent pas à réduire de façon suffisante les risques de collision et de perturbation de l'habitat qui restent significatifs ;
- ces mesures ne prennent pas en compte les comportements spécifiques et les altitudes de vol des espèces les plus menacées.
B... un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2024, et un mémoire complémentaire enregistré le 29 avril 2025, la société PE D..., représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au sursis à statuer en application des dispositions de l'article L.'181-18 du code de l'environnement pendant le temps nécessaire à l'instruction de la demande d'autorisation modificative, et à ce que soit mis à la charge des requérantes le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir et les moyens de la requête ne sont pas fondés.
B... un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2025, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, au sursis à statuer en application des dispositions de l'article L.'181-18 du code de l'environnement.
Il fait valoir que la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir et les moyens de la requête ne sont pas fondés.
B... un courrier du 9 mai 2025, il a été demandé aux parties sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire leurs observations l'article L. 411-2-1 du code de l'environnement, résultant de l'article 23 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 selon lequel : " La dérogation mentionnée au 4° du I de l'article L. 411-2 n'est pas requise lorsqu'un projet comporte des mesures d'évitement et de réduction présentant des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque de destruction ou de perturbation des espèces mentionnées à l'article L. 411-1 au point que ce risque apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé et lorsque ce projet intègre un dispositif de suivi permettant d'évaluer l'efficacité de ces mesures et, le cas échéant, de prendre toute mesure supplémentaire nécessaire pour garantir l'absence d'incidence négative importante sur le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées (...) ".
La commune de Lathus-Saint-Rémy et l'association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus ont produit des observations enregistrées le 11 mai 2025.
La société PE D... a produit des observations enregistrées le 14 mai 2025.
L'arrêt n° 23BX00015 du 27 mars 2025 de la cour administrative d'appel de Bordeaux a été communiqué aux parties.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,
- les observations de Me Vigreux, pour Me Catry, représentant la commune de Lathus-Saint-Rémy et l'association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus et de Me Braille, pour Me Gelas, représentant la société PE D....
Des notes en délibéré produites dans chacune des deux instances par la société Parc Eolien D... ont été enregistrées le 13 juin 2025.
Considérant ce qui suit :
1. B... une demande du 11 décembre 2019, complétée le 29 octobre 2020, la société Parc éolien (PE) D... a sollicité la délivrance d'une autorisation environnementale en vue de l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien composé finalement de deux aérogénérateurs d'une puissance unitaire de 3, 9 MW et d'une hauteur maximale en bout de pale de 200 m et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Plaisance. B... un arrêté du 21 octobre 2022, le préfet de la Vienne a accordé cette autorisation. Le 30 mai 2023, la société pétitionnaire a déposé un dossier de porter à connaissance informant le préfet du changement du modèle d'aérogénérateurs. B... un arrêté modificatif du 4 octobre 2023, le préfet de la Vienne a autorisé la société PE D... à exploiter le parc éolien projeté en fixant de nouvelles prescriptions, lesquelles ont consisté à porter la hauteur maximale en bout de pale de 200 à 240 mètres, la hauteur maximale du mât de 134,5 à 164 mètres et le diamètre maximal du rotor de 136 à 170 mètres, ainsi qu'à augmenter la puissance unitaire de 3,09 à 6,6 MW des éoliennes E1 et E2, lesquelles seront respectivement déplacées de 39 m et de 20 m sur les parcelles initialement prévues. Le poste de livraison sera déplacé de 91 m. B... deux requêtes enregistrées sous les n° 23BX00503 et 24BX00269, la commune de Lathus-Saint-Rémy et l'association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus (APPEL) demandent à la cour l'annulation de ces deux arrêtés.
2. Ces arrêtés sont relatifs au même projet et leurs contestations présentent à juger des questions similaires. B... suite, il y a lieu de joindre les requêtes visées ci-dessus et de statuer par un seul arrêt.
Sur la recevabilité de la demande enregistrée sous le n° 23BX00503 :
3. Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet " et aux termes de l'article R. 414-5 du même code : " (...)/ Chaque fichier transmis au moyen de l'application mentionnée à l'article R. 414-1 porte un intitulé commençant par le numéro d'ordre affecté à la pièce qu'il contient par l'inventaire détaillé. Lorsque le requérant recourt à la génération automatique de l'inventaire permise par l'application, l'intitulé du fichier décrit également le contenu de cette pièce de manière suffisamment explicite. Chaque pièce transmise au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 porte un intitulé décrivant son contenu de manière suffisamment explicite. /Les obligations fixées au précédent alinéa sont prescrites au requérant sous peine de voir la pièce écartée des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. (...) ".
4. L'inventaire détaillé mentionné par cet article doit s'entendre comme une présentation exhaustive des pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite. Contrairement à ce que soutient la société PE D..., l'indexation des pièces jointes aux écritures produites par les requérantes ne comportent pas de mention erronée et ont satisfait aux prescriptions de l'article R. 414-5 du code de justice administrative cité au point précédent. Il n'y a pas lieu d'écarter les pièces n°1, 2, 3, 4 C,8,9,14,15, 16,17,18, 19,21, 29 et 30 des débats.
Sur les fins de non-recevoir soulevées dans les dossiers 23BX00503 et 24BX00269 :
5. Il résulte de l'instruction que l'association pour la protection des paysages et de l'environnement de Lathus (APPEL) a notamment pour objet social la protection des espaces naturels, de la faune, de la flore, du patrimoine bâti et du paysage des départements de la Vienne et de la Haute-Vienne, plus particulièrement de la commune de Lathus-Saint-Rémy et du territoire à 20 kilomètres alentour et de la préservation de l'intégrité des paysages. Eu égard à son objet statutaire, à son champ d'intervention géographique et aux missions qu'elle s'est assignée, cette association justifie d'un intérêt pour contester l'autorisation unique portant sur l'installation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Plaisance distant de moins de 12 km, ainsi que l'arrêté modificatif relatif à cette autorisation. Dès lors que l'association est recevable à demander l'annulation des arrêtés des 21 octobre 2022 et 4 octobre 2023, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de ces arrêtés sont recevables dans leur ensemble, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt à agir de la commune de Lathus-Saint-Rémy.
Sur la légalité de l'autorisation environnementale :
6. Aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : (...)/ 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1 ; (...) ".
7. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de droit et de fait applicables à la date de l'autorisation.
8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. /(...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. " Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ".
9. La circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, cité au point 8 du présent arrêt, incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'il est susceptible de produire, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de cet article. Il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte, lorsqu'une telle argumentation est soulevée devant lui, de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.
10. L'implantation du parc éolien litigieux, composé finalement de deux aérogénérateurs, et d'un poste de livraison, se situe sur le territoire de la commune de Plaisance dans l'unité paysagère des terres froides, composée de collines argileuses et d'un relief vallonné, creusé de vallées encaissées et qui se présentent dans l'aire d'étude éloignée (AEE) comme une zone de transition entre le paysage de " campagne-parc " de la Basse Marche et les cultures céréalières des Terres de Brandes. L'aire d'étude rapprochée se caractérise par une identité bocagère et une proximité de 200 m avec la route nationale 147. Le site envisagé est constitué de petites parcelles pâturées entourées de haies, ponctuées par quelques arbres isolés, de nombreux étangs et sources et il est irrigué par des ruisseaux. De nombreuses fermes et habitations isolées parsèment le territoire. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le site d'implantation projeté par la société PE D... ne peut être regardé bien que non dénué d'intérêt, comme présentant un caractère ou un intérêt particulier à l'identité ou à l'attractivité desquelles le parc éolien porterait atteinte.
11. Il résulte de l'instruction que la société PE D... a examiné les effets cumulés du projet et présenté la carte faisant figurer dans les trois aires d'études, éloignée, rapprochée (AER) et immédiate (AEI) les deux parcs éoliens en exploitation, les cinq parcs autorisés, les trois parcs en instruction et les six projets éoliens en cours d'instruction. Environ treize lieux-dits ont été recensés dans l'aire d'étude immédiate, dans un rayon d'un kilomètre, dont un est distant à moins d'un kilomètre du projet (Chavenac), et comportent pour la plupart une dizaine d'habitations. Le projet s'insère au sein d'une zone identifiée au sud du département de la Vienne comme étant favorable à l'éolien et s'implante dans un secteur déjà très fortement marqué par l'activité éolienne dès lors que l'ensemble des parcs pris en compte représentent 74 aérogénérateurs, dans un rayon de 20 km du projet. L'effet visuel du projet sur le paysage immédiat est analysé comme modéré à globalement fort pour les lieux-dits habités et très fort depuis les axes routiers principaux (RN 147 et D112 A) et trois lieux de vie (Chiroux neuf, Entrefin, Le Maçon). Le pétitionnaire note que le projet éolien en litige se trouve en covisibilité effective avec tous les parcs éoliens situés à moins de 10 km et que l'analyse montre un important croisement de ces zones de covisibilités effectives, avec quasiment la moitié du territoire de l'AER concernée par au moins 6 parcs éoliens. Les secteurs de l'AEI et du sud-ouest de l'AER sont particulièrement sensibles aux effets de saturation visuelle. L'étude d'impact jointe au dossier de demande d'autorisation environnementale a évalué les risques de saturation visuelle et d'encerclement pour cinq communes situées dans l'aire d'étude rapprochée. Les éléments complémentaires relatifs à ces risques, produits par la société PE D..., à la suite de la suppression de deux éoliennes, procèdent à la même estimation mais seulement pour trois communes : Adriers, Lathus-Saint-Rémy et Saint-Rémy en Montmorillon. Il en résulte que le seuil d'alerte de l'indice de densité de 0.10 est dépassé pour deux de ces localités, Adriers et Saint-Rémy en Montmorillon, pour lesquelles l'indice est de 0.12 et de 0.16. Si l'angle de respiration sans éolienne souhaitable est de 160 °, il est limité à 96 pour la commune d'Adriers. Il résulte de l'instruction, notamment des différents photomontages joints au dossier de demande d'autorisation environnementale que de certains points de vue, notamment depuis le croisement entre les routes D116 et D729, 20 éoliennes sont visibles sur un angle d'environ 30° sur l'horizon provoquant un effet de densification non négligeable. La route D112 A est concernée principalement par des vues très proches (recul de 150 m de la route) sur les éoliennes E1 et E2, ainsi que sur le poste de livraison. La hauteur des éoliennes, de 240 m en bout de pale, engendre une prégnance visuelle importante dans le champ de vision de l'usager. Des lieux-dits de Maison-Celle, Chiroux, Entrefin, distants de 1 à 1,9 km, l'angle de vue panoramique est de 120° et les rotors des éoliennes dépassent au-dessus des habitations. Dans son avis émis le 23 novembre 2020, la MRAE estime d'ailleurs que si 21 parcs éoliens et projets de parcs sont comptabilisés à l'échelle de l'aire d'étude éloignée, soit 2 parcs en fonctionnement, 13 autorisés, 4 en construction et 2 en instruction (soit un total de 104 machines), le nombre cumulé d'éoliennes représente ainsi une augmentation du plus du triple du nombre d'éoliennes en fonctionnement et que, dans un tel contexte, l'étude d'impact aurait mérité de justifier de l'absence d'alternatives au regard des effets cumulés potentiels avec les futurs parcs éoliens connus. Le commissaire enquêteur note en outre dans son avis rendu le 21 juillet 2021 que l'étude d'impact n'est pas de nature à avoir rassuré les habitants, d'autant que le parc éolien le Tageau constitué de 10 éoliennes sur le territoire d'Adriers à environ 5 km de la zone d'implantation du parc D... n'a pas été pris en compte. En effet, par un arrêt n° 23BX00015 du 27 mars 2025, la cour a annulé l'arrêté du 30 novembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a rejeté la demande d'autorisation environnementale présentée par la société Ferme éolienne de Tageau en vue de l'exploitation d'une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant dix aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire de la commune d'Adriers et enjoint à l'autorité administrative de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée. Il résulte de ce qui précède que, pour les habitants de ces secteurs, une omniprésence de l'activité éolienne se manifeste, sinon directement depuis leurs habitations, à tout le moins à l'occasion de tous leurs déplacements quotidiens vers l'extérieur de leurs villages et que le projet autorisé, quand bien même se limite t-il à deux machines, accentue davantage la situation d'encerclement et de saturation visuelle. Il résulte de ce qui précède que le projet contesté est de nature à occasionner des inconvénients disproportionnés pour la commodité du voisinage, inconvénients que les mesures envisagées par la société pétitionnaire, tenant à la réalisation de plantations écrans chez les habitations des riverains demandeurs ou au niveau des routes impactées visuellement, ne sont pas de nature à éviter ou à réduire efficacement. B... suite, le projet doit être regardé comme méconnaissant à ce titre les dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement. Le moyen soulevé en ce sens par les requérantes doit, dès lors, être accueilli.
12. Le vice tenant à la méconnaissance des dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, retenu par le présent arrêt, fait obstacle à la réalisation de tout projet du même type sur le site d'implantation envisagé ou à ses abords immédiats. B... suite, le projet contesté et, par suite, l'autorisation environnementale délivrée pour permettre sa réalisation ne présentent pas de caractère régularisable. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus et la commune de Lathus-Saint-Rémy sont fondées à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 21 octobre 2022 et de l'arrêté modificatif du même préfet du 4 octobre 2023.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus et de la commune de Lathus-Saint-Rémy, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes dans les présentes instances, les sommes que la société PE D... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus et la commune de Lathus-Saint-Rémy et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les arrêtés du préfet de la Vienne des 21 octobre 2022 et du 4 octobre 2023 sont annulés.
Article 2 : L'État versera à l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus et de la commune de Lathus-Saint-Rémy une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lathus-Saint-Rémy, à l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la société PE D....
Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2025.
Le président-assesseur,
Stéphane Gueguein La présidente-rapporteure,
Bénédicte Martin La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
Nos 23BX00503, 24BX00269