Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Bordeaux Métropole a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement les sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud, Beterem Ingénierie (devenue TPF Ingénierie), Holding Socotec, Socotec Construction et Delta Construction à lui verser la somme de 481 932 euros en réparation des préjudices résultant des désordres affectant la toiture de la Grande Halle du marché international de Bordeaux-Brienne, de condamner solidairement les sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud, Beterem Ingénierie (devenue TPF Ingénierie) et Delta Construction à lui verser la somme de 96 224,50 euros en réparation des préjudices résultant des désordres affectant les nez de quais du même ouvrage et de condamner solidairement les sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud, Beterem Ingénierie, Holding Socotec, Socotec Construction et Delta Construction, à lui verser la somme de 1 326 euros au titre des frais de location d'un échafaudage et d'une nacelle.
Par un jugement n° 2005812 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux :
- a condamné solidairement les sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud, TPF Ingénierie, Socotec Construction et Delta Construction à verser à Bordeaux Métropole la somme de 481 932 euros en réparation des désordres affectant la toiture de la Grande Halle du marché international de Bordeaux-Brienne ;
- a condamné solidairement les sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud, TPF Ingénierie et Delta Construction à verser à Bordeaux Métropole la somme de 96 224,52 euros en réparation des désordres affectant les nez de quais de l'ouvrage ;
-a mis les dépens, d'un montant de 11 640,79 euros, à la charge solidaire des sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud, TPF Ingénierie, Socotec Construction et Delta Construction ;
- a condamné la société Sarec à garantir les sociétés François Guibert Architecture, Socotec Construction et Egis Bâtiments Sud à concurrence de 70 % de la somme de 481 932 euros mise à leur charge ;
- a condamné la société François Guibert Architecture à garantir les sociétés Delta Construction, Socotec Construction, Egis Bâtiments Sud et TPF Ingénierie à concurrence de 10 % de la somme de 481 932 euros mise à leur charge ;
- a condamné la société Delta Construction à garantir les sociétés François Guibert Architecture, Socotec Construction, Egis Bâtiments Sud et TPF Ingénierie à concurrence de 10 % de la somme de 481 932 euros mise à leur charge ;
- a condamné la société Socotec Construction à garantir les sociétés François Guibert Architecture, Delta Construction, Egis Bâtiments Sud et TPF Ingénierie à concurrence de 10% de la somme de 481 932 euros mise à leur charge ;
- a condamné la société François Guibert Architecture à garantir les sociétés Delta Construction et Egis Bâtiments Sud à concurrence de 60 % de la somme de 96 224,52 euros mise à leur charge ;
- a condamné la société Delta Construction à garantir les sociétés François Guibert Architecture et Egis Bâtiments Sud à concurrence de 30 % de la somme de 96 224,52 euros mise à leur charge ;
- a condamné la société TPF Ingénierie à garantir les sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud et Delta Construction à concurrence de 10 % de la somme de 96 224,52 euros mise à leur charge ;
- a condamné la société Sarec à garantir la société Socotec Construction à concurrence de 50 % de la somme de 11 610,79 euros mise à sa charge ;
- a condamné la société François Guibert Architecture à garantir les sociétés Socotec Construction et TPF Ingénierie à concurrence de 20 % de la somme de 11 610,79 euros mise à leur charge ;
- a condamné la société Delta Construction à garantir les sociétés Socotec Construction et TPF Ingénierie à concurrence de 20 % de la somme de 11 610,79 euros mise à leur charge ;
- a condamné la société TFP Ingénierie à garantir la société Socotec Construction à concurrence de 5 % de la somme de 11 610,79 euros mise à sa charge ;
- a condamné la société Socotec Construction à garantir la société TPF Ingénierie à concurrence de 5 % de la somme de 11 610,79 euros mise à sa charge ;
- a mis à la charge des sociétés François Guibert Architecture, Socotec Construction, TPF Ingénierie, Delta Construction et Egis Bâtiment Sud la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Bordeaux Métropole et non compris dans les dépens ;
- et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 mars 2023 et 12 juin 2024, la société François Guibert Architecture, représenté par le cabinet ÆQUO, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser Bordeaux Métropole à raison des désordres affectant les nez de quais de la Grande Halle du marché international de Bordeaux-Brienne ;
2°) à titre subsidiaire, de minorer le montant de l'indemnisation allouée par le tribunal à Bordeaux Métropole en réparation des désordres affectant les nez de quais et de condamner les sociétés Delta Construction et TPF Ingénierie à la garantir entièrement de la condamnation mise à sa charge à raison de ces désordres ;
3°) de rejeter les conclusions dirigées à son encontre par les sociétés Holding Socotec et Socotec Construction ;
4°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole ou de toute partie succombante une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ; le jugement lui a été notifié le 11 janvier 2023 ;
- sa responsabilité n'est susceptible d'être recherchée qu'au titre des désordres affectant les lots architecturaux et pour les seules missions qui lui ont été confiées ;
- s'agissant des désordres affectant la toiture de l'ouvrage, il incombait au contrôleur technique de viser le plan d'exécution réalisés par la société en charge des travaux ; les sociétés Sarec, Socotec Construction et Holding Socotec ont donc été à juste titre condamnées à la garantir ; le jugement sera confirmé sur ce point ;
- s'agissant des désordres affectant les nez de quais, ils sont imputables à la mauvaise utilisation des quais par les camions ; cette faute du maître de l'ouvrage est de nature à exonérer les constructeurs de leur responsabilité décennale ;
- si la cour ne retenait pas le caractère exonératoire de la faute du maître d'ouvrage, sa responsabilité ne peut être recherchée s'agissant de manquements imputables à la maîtrise d'œuvre dans le cadre d'un lot technique, qui relevait uniquement de la société TPF Ingénierie ; le désordre est également imputable à la société Delta Construction à raison d'un défaut d'exécution ; les sociétés TPF Ingénierie et Delta construction doivent en conséquence la garantir de la condamnation dont elle a fait l'objet à raison de désordres affectant les nez de quais ;
- les travaux de reprise des nez de quais doivent être évalués à 81 925,32 euros toutes taxes comprises (TTC) ;
- il y a lieu de minorer l'indemnisation allouée à Bordeaux Métropole pour tenir compte de la vétusté de l'ouvrage ;
- il y a lieu de réformer la répartition des dépens entre les constructeurs.
Par des mémoires enregistrés les 23 juin 2023 et 13 octobre 2023, les sociétés Holding Socotec et Socotec Construction concluent au rejet des conclusions dirigées à leur encontre au titre des désordres affectant les nez de quais de la Grande Halle du marché international de Bordeaux-Brienne et à la mise à la charge de la société François Guibert Architecture d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, dans l'hypothèse où la cour retiendrait la responsabilité de la société Socotec Construction à raison des désordres affectant les nez de quais, de condamner les sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiment Sud, TPF Ingénierie et Delta construction à la garantir de toute condamnation mise à sa charge.
Elles soutiennent que :
- la société Holding Socotec n'est jamais venue aux droits de la société AINF SA et a par conséquent été à juste titre mise hors de cause par le tribunal ;
- les désordres affectant les nez de quais ne sont aucunement imputables à la société Socotec Construction.
Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2023, la société TPF Ingénierie, représentée par Me Tomas-Bezer, conclut :
- à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu sa responsabilité à raison des désordres affectant la toiture de l'ouvrage ou, à défaut, à la minoration de l'indemnisation allouée par le tribunal à Bordeaux Métropole à raison de ces désordres et à la condamnation des sociétés François Guibert Architecture, Socotec Construction et Delta Construction à la garantir de toute condamnation mise à sa charge au titre de ces désordres ;
- à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu sa responsabilité à raison des désordres affectant les nez de quais, ou à défaut, à la minoration de l'indemnisation allouée par le tribunal à Bordeaux Métropole à raison de ces désordres et à la confirmation de ce jugement en ce qu'il a mis à sa charge 10 % de la condamnation prononcée à ce titre ;
- à la condamnation des sociétés Delta Construction, François Guibert Architecture, Socotec Construction et Egis Bâtiment Sud à la garantir à hauteur de 80 % des sommes mises à sa charge au titre des dépens ;
- à la mise à la charge de toute partie succombante d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement doit être confirmé en ce qu'il n'a pas retenu sa responsabilité à raison des désordres affectant la toiture de l'ouvrage, lesquels ne présentent en tout état de cause pas un caractère décennal ;
- si sa responsabilité décennale était retenue à raison de ces désordres, elle devrait être entièrement garantie par les sociétés Delta Construction, François Guibert Architecture et Socotec Construction de toute condamnation mise à sa charge ;
- s'agissant des désordres affectant les nez de quais, le délai de garantie décennale était expiré à la date à laquelle Bordeaux Métropole a introduit sa demande de réparation des dommages ; sa responsabilité décennale ne pouvait donc plus être recherchée à raison de ces désordres ;
- si l'engagement de sa responsabilité décennale était confirmé en appel à raison des désordres affectant les nez de quais, il conviendrait de confirmer le jugement en ce qu'il a mis à sa charge 10 % de la condamnation prononcée à ce titre ;
- l'indemnité allouée par le tribunal à Bordeaux Métropole doit être minorée et accordée hors taxes.
Par des mémoires enregistrés les 30 octobre 2023 et 4 juillet 2024, Bordeaux Métropole, représentée par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête de la société François Guibert Architecture et des conclusions d'appel de la société TPF Ingénierie et à la mise à la charge de la société François Guibert Architecture d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de la société François Guibert Architecture a été présentée après l'expiration du délai d'appel et est, par suite, irrecevable ;
- les conclusions d'appel de la société TPF Ingénierie, qui portent sur des dommages distincts de ceux à raison desquels l'appel principal a été formé, sont tardives et par suite irrecevables ; en tout état de cause, l'irrecevabilité de l'appel principal entraîne celle de l'appel incident ;
- les moyens invoqués par les sociétés François Guibert Architecture et TPF Ingénierie ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 13 juin 2024, la société Egis Bâtiments Sud, représentée par Me Hounieux, conclut au rejet de la requête de la société François Guibert Architecture et des conclusions d'appel de la société TPF Ingénierie et à la mise à la charge de ces sociétés d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de la société François Guibert Architecture a été présentée après l'expiration du délai d'appel et est, par suite, irrecevable ;
- l'appel incident de la société TPF Ingénierie, en ce qu'il porte sur les désordres affectant les nez de quais, est irrecevable par voie de conséquence de l'irrecevabilité de l'appel principal ; ses conclusions d'appel relatives aux désordres affectant la toiture de l'ouvrage sont tardives ;
- c'est à juste titre que le tribunal a condamné les autres intervenants au marché à la garantir intégralement de la condamnation mise à sa charge.
Par un mémoire enregistré le 14 juin 2024, la société Delta Construction, représentée par Me Fillatre, conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête de la société François Guibert Architecture et des conclusions d'appel de la société TPF Ingénierie relatives aux désordres affectant la toiture de l'ouvrage, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu l'engagement de sa responsabilité décennale à raison des désordres affectant les nez de quais et à la mise à la charge de toute partie succombante d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- à titre subsidiaire, à la minoration de l'indemnité allouée à Bordeaux Métropole en réparation des désordres affectant les nez de quais, au rejet des conclusions d'appel en garantie dirigées à son encontre par la société François Guibert Architecture et à la condamnation des sociétés François Guibert Architecture et TPF Ingénierie à la garantir à hauteur, respectivement, de 70 % et de 30 % de la condamnation mise à sa charge.
Elle soutient que :
- la requête de la société François Guibert Architecture a été présentée après l'expiration du délai d'appel et est, par suite, irrecevable ;
- l'appel incident de la société TPF Ingénierie, en ce qu'il concerne les désordres affectant la toiture de l'ouvrage, soulève un litige distinct de l'appel principal et est donc irrecevable ;
- la demande de première instance de Bordeaux Métropole relative aux désordres affectant les nez de quais était prescrite ;
- ces désordres procèdent principalement d'un défaut de conception puis de contrôle et de surveillances des travaux, imputables à la maîtrise d'œuvre ;
- la somme allouée à Bordeaux Métropole en réparation des désordres affectant les nez de quais devait être déterminée hors taxe, soit un montant de 80 187,10 euros.
Par une ordonnance du 17 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 septembre 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de M. Vincent Bureau, rapporteur public,
- les observations de Me Le Pennec représentant la société François Guibert Architecte, de Me Couette représentant Bordeaux Métropole, de Me Rouget représentant la Société Egis Bâtiment Sud-Ouest, de Me Araez représentant la société TPF-Ingénierie, de Me Vignes représentant la société Holding Socotec et de Me Moleres représentant la société Delta construction.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'un marché de travaux relatif la réhabilitation de la Grande Halle du marché international de Bordeaux-Brienne, la communauté urbaine de Bordeaux, devenue Bordeaux Métropole, a délégué la maîtrise d'ouvrage à la société bordelaise mixte de réalisation urbaine, devenue Bordeaux Métropole Aménagement. Cette dernière a confié la maîtrise d'œuvre à un groupement conjoint non solidaire composé des sociétés François Guibert Architecture, Beterem Ingénierie devenue TPF Ingénierie, et OTH Sud-Ouest devenue Egis Bâtiments Sud. La mission de contrôle technique a été confiée à la société AINF SA, aux droits de laquelle sont venues, successivement, les sociétés Socotec France puis Socotec Construction. La réalisation des 12 lots du marché a été confiée à la société Delta Construction, qui a sous-traité auprès de la société Sarec la réalisation des travaux du lot n° 5 " couverture - bardage - étanchéité ". La réception des travaux avec levée des réserves a été prononcée par une décision du 1er avril 2008 prenant effet aux 27 février 2006.
2. A la suite d'apparition de désordres affectant l'ouvrage, Bordeaux Métropole et la régie autonome du marché d'intérêt national de Bordeaux-Brienne ont, le 19 février 2016, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux de prescrire une expertise aux fins de décrire les désordres, d'en préciser l'origine et de déterminer le montant des travaux nécessaires pour y remédier. Par une ordonnance du 18 mai 2016, le juge des référés a ordonné l'expertise sollicitée et a désigné M. A... comme expert. Ce dernier a remis son rapport le 14 août 2018. Bordeaux Métropole a ensuite demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, de condamner solidairement les sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud, TPF Ingénierie, Holding Socotec, Socotec Construction et Delta Construction à lui verser la somme de 481 932 euros en réparation des préjudices résultant des désordres affectant la toiture de la Grande Halle du marché international de Bordeaux-Brienne, d'autre part, de condamner solidairement les sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud, Beterem Ingénierie et Delta Construction à lui verser la somme de 96 224,50 euros en réparation des préjudices résultant des désordres affectant les nez de quais de l'ouvrage.
3. Par un jugement du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir mis hors de cause la société Holding Socotec au motif qu'elle n'était pas intervenue dans le marché, a condamné solidairement les sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud, TPF Ingénierie, Socotec Construction et Delta Construction à verser à Bordeaux Métropole la somme de 481 932 euros en réparation des désordres affectant la toiture de la Grande Halle du marché international de Bordeaux-Brienne et a condamné solidairement les sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud, TPF Ingénierie et Delta Construction à verser à Bordeaux Métropole la somme de 96 224,52 euros en réparation des désordres affectant les nez de quais de l'ouvrage. Le tribunal a mis les dépens, d'un montant de 11 610,79 euros, à la charge solidaire des sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud, TPF Ingénierie, Socotec Construction et Delta Construction. S'agissant de l'indemnité de 481 932 euros allouée à Bordeaux Métropole au titre des désordres affectant la toiture de l'ouvrage, le tribunal a condamné la société Sarec à garantir les sociétés François Guibert Architecture, Socotec Construction et Egis Bâtiments Sud à concurrence de 70 %, la société François Guibert Architecture à garantir les sociétés Delta Construction, Socotec Construction, Egis Bâtiments Sud et TPF Ingénierie à concurrence de 10 %, la société Delta Construction à garantir les sociétés François Guibert Architecture, Socotec Construction, Egis Bâtiments Sud et TPF Ingénierie à concurrence de 10 % , et la société Socotec Construction à garantir les sociétés François Guibert Architecture, Delta Construction, Egis Bâtiments Sud et TPF Ingénierie à concurrence de 10 %. S'agissant de l'indemnité de 96 224, 52 euros allouée à Bordeaux Métropole au titre des désordres affectant les nez de quais, le tribunal a condamné la société François Guibert Architecture à garantir les sociétés Egis Bâtiments Sud et Delta Construction à concurrence de 60 %, la société Delta Construction à garantir les sociétés François Guibert Architecture et Egis Bâtiments Sud à concurrence de 30 % et la société TPF Ingénierie à garantir les sociétés François Guibert Architecture, Egis Bâtiments Sud et Delta Construction à concurrence de 10 % . S'agissant des dépens, le tribunal a condamné la société Sarec à garantir la société Socotec Construction à concurrence de 50 % , la société François Guibert Architecture à garantir les sociétés Socotec Construction et TPF Ingénierie à concurrence de 20 % , la société Delta Construction à garantir les sociétés Socotec Construction et TPF Ingénierie à concurrence de 20 %, la société TFP Ingénierie à garantir la société Socotec Construction à concurrence de 5 % et la société Socotec Construction à garantir la société TPF Ingénierie à concurrence de 5 %.
4. La société François Guibert Architecture relève appel du jugement du 28 décembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il l'a condamnée à indemniser Bordeaux Métropole à raison des désordres affectant les nez de quais de la Grande Halle du marché international de Bordeaux-Brienne et demande à la cour, à titre subsidiaire, de minorer le montant de l'indemnisation allouée par le tribunal à Bordeaux Métropole et de condamner les sociétés Delta Construction et TPF Ingénierie à la garantir entièrement de la condamnation mise à sa charge à raison de ces désordres. Les sociétés Holding Socotec et Socotec Construction demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il les a mises hors de cause s'agissant des désordres affectant les nez de quais ou, à défaut, de condamner les sociétés François Guibert Architecte, Egis Bâtiment Sud, TPF Ingénierie et Delta construction à garantir la société Socotec Construction de toute condamnation prononcée à raison de ces désordres. La société TPF Ingénierie conclut, d'une part, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu sa responsabilité à raison des désordres affectant les nez de quais ou, à défaut, à la minoration de l'indemnisation allouée par le tribunal à Bordeaux Métropole à raison de ces désordres et à la confirmation de ce jugement en ce qu'il a mis à sa charge 10 % de la condamnation prononcée à ce titre, d'autre part, à l'annulation du même jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité à raison des désordres affectant la toiture de l'ouvrage ou, à défaut, à la minoration de l'indemnisation allouée par le tribunal à Bordeaux Métropole à raison de ces désordres et à la condamnation des sociétés François Guibert Architecture, Socotec Construction et Delta Construction à la garantir de toute condamnation mise à sa charge au titre de ces désordres, enfin, à la condamnation des sociétés Delta Construction, François Guibert Architecture, Socotec Construction et Egis Bâtiment Sud à la garantir à hauteur de 80 % des sommes mises à sa charge au titre des dépens. La société Delta Construction conclut enfin à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu l'engagement de sa responsabilité décennale à raison des désordres affectant les nez de quais et, à titre subsidiaire, à la minoration de l'indemnité allouée à Bordeaux Métropole en réparation de ces désordres et à la condamnation des sociétés François Guibert Architecture et TPF Ingénierie à la garantir à hauteur, respectivement, de 70 % et de 30 % de la condamnation mise à sa charge.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel de la société TPF Ingénierie relatives aux désordres affectant la toiture de l'ouvrage :
5. L'appel principal formé par la société François Guibert Architecture tend à la réformation du jugement attaqué uniquement en ce qu'il porte sur les désordres affectant les nez de quais de la Grande Halle du marché international de Bordeaux-Brienne. Les conclusions d'appel de la société TPF Ingénierie tendant à la réformation de ce même jugement en ce qu'il porte sur les désordres affectant la toiture de l'ouvrage, d'une part, soulèvent un litige distinct de l'appel principal, d'autre part, ont été enregistrées après l'expiration du délai d'appel imparti à la société, à laquelle le jugement a été notifié le 28 décembre 2022. Ces conclusions ne sont, par suite, pas recevables.
Sur l'appel principal de la société François Guibert Architecture :
En ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel :
6. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " (...) le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751 4 1 (...) ". Aux termes de l'article R. 751-3 du même code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice (...) ". Aux termes de l'article R. 751-4 du même code : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751 4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application ou du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 aux parties qui en ont accepté l'usage pour l'instance considérée ". Il résulte de ces dispositions que le délai d'appel ne court qu'à compter du jour où la notification du jugement du tribunal administratif a été faite à la partie elle-même, et non à compter du jour où ce jugement a été notifié au mandataire du requérant.
7. D'une part, si le jugement attaqué a été adressé à l'avocat de la société François Guibert Architecture le 28 décembre 2022 au moyen de l'application Télérecours, le délai d'appel n'a commencé à courir à l'égard de cette société, dont il ne ressort pas des pièces du dossier de première inscrite qu'elle se serait inscrite sur l'application Télérecours Citoyens, qu'à compter de la notification dudit jugement à son domicile réel.
8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier de première instance que le pli contenant le jugement a été adressé à l'adresse de la société requérante et lui a été distribué à une date inconnue, l'accusé de réception postal ne mentionnant pas la date de distribution, mais au plus tard le 11 janvier 2023, date de réexpédition de l'accusé réception au tribunal administratif. C'est par suite à cette date que le délai de deux mois imparti à la société pour faire appel doit être regardé comme ayant commencé à courir. La requête d'appel, enregistrée le 10 mars 2023, n'est dès lors pas tardive.
En ce qui concerne l'engagement de la responsabilité décennale de la société François Guibert Architecture à raison des désordres affectant les nez de quais :
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les désordres affectant les nez de quais de chargement et déchargement des marchandises consistent en des arrachements de cornières et de protections. Selon l'expert, ces désordres sont imputables, d'une part, au frottement des éléments de protection des camions contre la sous-face des quais, entrainant l'accrochage et l'arrachement des nez de quais, d'autre part, à des défauts de fixation des cornières. S'agissant du phénomène de frottement des camions, l'expert explique qu'une fois déchargés, les camions, sous la différence de poids, remontent légèrement et se trouvent alors sous le quai. Il précise, dans ses réponses aux dires, que la hauteur du quai est déterminante et que ce phénomène de frottement est lié, non pas à une mauvaise utilisation des quais, mais à un vice de conception initial de ceux-ci. Dans ces conditions, la société François Guibert Architecture n'est pas fondée à soutenir que les désordres en cause seraient imputables à une faute du maître de l'ouvrage exonératoire de responsabilité.
10. En second lieu, il résulte de l'instruction que, par l'acte d'engagement du 31 décembre 2001, Bordeaux Métropole a confié la maîtrise d'œuvre des travaux de réhabilitation de la Grande Halle du marché international de Bordeaux-Brienne à un groupement constitué, notamment, de la société François Guibert Architecture. Cet acte d'engagement ne procède pas à une répartition des tâches entre les différents membres du groupement de maitrise d'œuvre. Cette dernière, s'appuyant sur un document contractuel interne au groupement de maîtrise d'œuvre répartissant les missions entre les membres du groupement, document qui n'est pas opposable à Bordeaux Métropole, fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute à l'origine des désordres affectant les nez de quais. Une telle circonstance n'est cependant pas de nature à l'exonérer de la responsabilité décennale encourue par elle à vis-à-vis du maître de l'ouvrage.
En ce qui concerne le montant de l'indemnité allouée à Bordeaux Métropole en réparation des désordres affectant les nez de quais :
11. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection, sans que l'indemnisation qui lui est allouée à ce titre puisse dépasser le montant des travaux strictement nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination et à ses caractéristiques contractuelles en usant des procédés de remise en état les moins onéreux possible.
12. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise qui s'appuie sur deux devis établis par la société ASC, que les travaux de reprise des nez de quais s'élèvent à la somme totale de 96 224,52 euros. Ainsi que l'a relevé le tribunal, il n'y a pas lieu de déduire de cette somme le surcoût engendré par la nécessité de réaliser ces travaux de reprise à des horaires compatibles avec la continuité des activités de service public de la Grande Halle du marché international de Bordeaux-Brienne.
13. Par ailleurs, si la société François Guibert Architecture fait valoir que les désordres affectant les nez de quais sont apparus presque dix ans après la réception de l'ouvrage, elle ne produit aucun élément relatif à la durée normale de fonctionnement d'une telle installation. Elle n'est par suite pas fondée à solliciter l'application d'un abattement de vétusté.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 13 que la société François Guibert Architecture n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, à l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée, au titre de sa responsabilité décennale, à verser à Bordeaux Métropole une somme de 96 224,52 euros TTC en réparation des désordres affectant les nez de quais de l'ouvrage.
En ce qui concerne les conclusions d'appel en garantie de la société François Guibert Architecture :
15. Le tribunal a considéré que les désordres affectant les nez de quais étaient imputables, à hauteur de 60 %, à la société François Guibert Architecture, et a condamné les sociétés TPF Ingénierie et Delta Construction à la garantir, respectivement, à hauteur de 10 % et de 30 % de la condamnation mise à sa charge à raison de ces désordres. Devant la cour, la société François Guibert Architecture sollicite la condamnation desdites sociétés à la garantir intégralement de la condamnation mise à sa charge à raison de ces désordres et de réformer, dans cette mesure, le jugement attaqué.
16. Il résulte de l'instruction que les désordres en cause ont pour origine, principalement, un vice de conception des quais, en raison duquel se produit un phénomène de frottement des protections des camions entrainant l'arrachement des nez de quais, et, accessoirement, une faute dans la mise en œuvre du système de fixation des nez de quais. Si l'acte d'engagement du groupement de maîtrise d'œuvre ne comporte pas d'indication sur la répartition des tâches entre les membres du groupement, il résulte du document contractuel précité ventilant les tâches entre les membres du groupement de maîtrise d'œuvre que la mission VISA et, au sein de la mission DET, les tâches de contrôle de l'exécution des travaux et de vérification des documents d'entreprise, étaient exclusivement dévolues à la société Beterem Ingénierie, devenue TPF Ingénierie, chargée de plusieurs lots techniques dont celui relatif au gros-œuvre. Dans ces conditions, la société François Guibert Architecture est fondée à soutenir qu'elle n'a commis aucune faute de conception ou de contrôle et de surveillance des travaux à l'origine des désordres affectant les nez de quais.
17. Eu égard à la contribution respective au dommage, d'une part, des fautes commises par la société Beterem Ingénierie, devenue TPF Ingénierie, dans la conception des quais et la surveillance et le contrôle des travaux, d'autre part, de la faute commise par la société Delta Construction dans la réalisation des travaux, il y a lieu de condamner ces dernières à garantir la société François Guibert Architecture de la condamnation prononcée à encontre à raison des désordres affectant les nez de quais à hauteur de 80 % s'agissant de la société TPF Ingénierie et à hauteur de 20 % s'agissant de la société Delta Construction. La société François Guibert Architecture est par suite fondée à demander, dans cette seule mesure, la réformation du jugement attaqué.
Sur les conclusions d'appel de la société TPF Ingénierie
18. Le présent arrêt n'ayant pas pour effet d'aggraver la situation de la société TPF Ingénierie, les conclusions d'appel provoqué de cette société tendant à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée, au titre de sa responsabilité décennale, à verser à Bordeaux Métropole une somme de 96 224,52 euros TTC en réparation des désordres affectant les nez de quais de l'ouvrage, ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables. Pour le même motif, ses conclusions d'appel provoqué dirigées à l'encontre des sociétés Delta Construction, Socotec Construction et Egis Bâtiment Sud et tendant à la condamnation de ces dernières à la garantir à hauteur de 80 % des sommes mises à sa charge au titre des dépens, ne peuvent être accueillies.
19. Par ailleurs, l'appel principal de la société François Guibert Architecture étant, ainsi qu'il a été dit, recevable, la société TPF Ingénierie est recevable à solliciter, par la voie de l'appel incident, la condamnation de cette société à la garantir à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée à son encontre au titre des dépens. Toutefois, d'une part, le tribunal, dont le jugement est définitif sur ce point, a estimé que la faute commise par la société François Guibert Architecture avait contribué à hauteur de 10 % à la survenance des désordres affectant la toiture de la Grande Halle du marché international de Bordeaux Brienne, d'autre part, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que cette société n'a commis aucune faute à l'origine des désordres affectant les nez de quais de l'ouvrage. Dans ces conditions, ces conclusions d'appel en garantie de la société TPF Ingénierie doivent être rejetées.
Sur les conclusions d'appel de la société Delta Construction :
20. En premier lieu, le présent arrêt n'ayant pas pour effet d'aggraver sa situation, les conclusions d'appel provoqué de la société Delta Construction tendant à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée, au titre de sa responsabilité décennale, à verser à Bordeaux Métropole une somme de 96 224,52 euros TTC en réparation des désordres affectant les nez de quais de l'ouvrage, ne peuvent qu'être rejetées.
21. En second lieu, les conclusions d'appel provoqué de la société TPF Ingénierie étant irrecevables, les conclusions de la société Delta Construction tendant à la condamnation de cette société à la garantir à hauteur de 30 % de la condamnation prononcée à son encontre à raison des désordres affectant les nez de quais, qui ont la nature d'un appel incident sur appel provoqué, sont irrecevables par voie de conséquence.
22. En dernier lieu, l'appel principal de la société François Guibert Architecture étant, ainsi qu'il a été dit, recevable, la société Delta Construction est recevable à solliciter, par la voie de l'appel incident, la condamnation de cette société à la garantir à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée à son encontre à raison des désordres affectant les nez de quais. Toutefois, et comme indiqué au point 18, la société François Guibert Architecture n'a commis aucune faute à l'origine de ces désordres. Ces conclusions d'appel incident de la société Delta Construction doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La société TPF Ingénierie et la société Delta Construction sont condamnées à garantir la société François Guibert Architecte, à concurrence respectivement de 80 % et de 20 %, de la condamnation de 96 224,52 euros TTC mise à sa charge en réparation des désordres affectant les nez de quais de la Grande Halle du marché international de Bordeaux-Brienne.
Article 2 : Le jugement n° 2005812 du 28 décembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société François Guibert Architecte, à Bordeaux Métropole, à la société Egis Bâtiments Sud, à la société TPF Ingénierie, à la société Holding Socotec, à la société Socotec Construction, à la société Delta Construction et à la société Sarec.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2025.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve-Dupuy
Le président,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX00680