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19/06/2025 | FRANCE | N°25BX00553

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 19 juin 2025, 25BX00553


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 novembre 2024 par laquelle le directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (C...) lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.



Par un jugement n° 2406990 du 2 décembre 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

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I. Par une requête, enregistrée le 28 février 2025 sous le n° 25BX00553, Mme A..., représentée par Me Atger, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 novembre 2024 par laquelle le directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (C...) lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.

Par un jugement n° 2406990 du 2 décembre 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 28 février 2025 sous le n° 25BX00553, Mme A..., représentée par Me Atger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 décembre 2024 du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la décision du 8 novembre 2024 par laquelle le directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;

3°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rétablir rétroactivement le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à son profit dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de huit jours, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros hors taxe en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision lui refusant le bénéfice des conditions matérielles d'accueil est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'une méconnaissance des articles L. 551-15 et L. 522-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vulnérabilité liée à la présence de ses trois enfants mineurs, dont un nourrisson, à ses côtés ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2024/003655 du 30 janvier 2025.

Par une ordonnance du 6 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2025 à 12h00.

II. Par une requête, enregistrée le 28 février 2025 sous le n° 25BX00557, Mme A..., représentée par Me Atger, demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2406990 du 2 décembre 2024 du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux et de la décision du 8 novembre 2024 ;

2°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rétablir rétroactivement le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à son profit dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de huit jours, sous la même astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros hors taxe en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens qu'elle invoque sont sérieux et de nature à justifier, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, la suspension du jugement attaqué et de la décision en litige.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2024/003656 du 30 janvier 2025.

Par une ordonnance du 6 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2025 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante malienne née le 16 mai 1995 à San (Mali), déclare être entrée en France le 15 octobre 2023. Le 15 mai 2024, elle a présenté une demande d'asile. Le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (C...) a clôturé l'examen de sa demande d'asile par une décision du 31 juillet 2024 au motif que Mme A... avait introduit une demande d'asile auprès de lui sans motif légitime. Le 8 novembre 2024, elle a sollicité la réouverture de sa demande d'asile. Par une décision du même jour, le directeur territorial de C... lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Par la présente requête, Mme A... relève appel et demande qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 2 décembre 2024 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 8 novembre 2024.

Sur la requête n° 25BX00553 :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil peuvent être refusées, totalement ou partiellement, au demandeur dans les cas suivants : (...) 4° Il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai [de quatre-vingt-dix jours] prévu au 3° de l'article L.531-27. La décision de refus des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur ". Les conditions matérielles d'accueil sont proposées au demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile. Dans le cas où elle envisage de refuser les conditions matérielles d'accueil sur le fondement de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité compétente de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, d'apprécier la situation particulière du demandeur au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il devait déférer pour bénéficier des conditions matérielles d'accueil.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable (...) ". Aux termes de son article L. 521-3 de ce même code : " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, elle est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants ". B..., aux termes de l'article L. 531-41 du même code : " Constitue une demande de réexamen une demande d'asile présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure. / Le fait que le demandeur ait explicitement retiré sa demande antérieure, ou que la décision définitive ait été prise en application des articles L. 531-37 ou L. 531-38, ou encore que le demandeur ait quitté le territoire, même pour rejoindre son pays d'origine, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions du premier alinéa. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l'accompagnent. En cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'étranger est tenu, tant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile, ne s'est pas prononcé, d'en informer cette autorité administrative ou cette juridiction. La décision rendue par l'Office ou, en cas de recours, par la Cour nationale du droit d'asile, est réputée l'être à l'égard du demandeur et de ses enfants mineurs, sauf dans le cas où le mineur établit que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire.

5. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les parents d'un enfant né après l'enregistrement de leur demande d'asile présentent, postérieurement au rejet définitif de leur propre demande, une demande au nom de leur enfant. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent que la demande ainsi présentée au nom du mineur doit alors être regardée, dans tous les cas, comme une demande de réexamen au sens de l'article L. 531-41 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. La demande ainsi présentée au nom du mineur présentant le caractère d'une demande de réexamen, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil est refusé à la famille, totalement ou partiellement, conformément aux dispositions de l'article L. 551-15, sous réserve d'un examen au cas par cas tenant notamment compte de la présence au sein de la famille du mineur concerné.

7. Mme A... est mère de trois enfants, dont deux filles nées au Mali les 28 novembre 2015 et 21 février 2012, et un garçon né en France le 9 août 2024. Mme A... fait valoir que ses deux filles l'ont rejoint en France en septembre 2024, soit postérieurement à la clôture définitive de sa demande d'asile présentée le 15 mai 2024. Son dernier enfant est également né postérieurement à cette décision. Dans ces conditions, eu égard aux dispositions précitées, la demande d'asile présentée par Mme A... le 8 novembre 2024, en son nom et au nom de ses deux filles mineures, constitue une demande de réexamen et le bénéfice des conditions matérielles d'accueil pouvait être refusé à la requérante sous réserve d'un examen au cas par cas tenant notamment compte de la présence au sein de la famille des mineurs concernés. Dès lors, en refusant le bénéficie des conditions matérielles d'accueil à Mme A... sans même avoir procédé à un nouvel entretien de vulnérabilité prenant en compte la présence en France de ses trois enfants mineurs, C... ne démontre pas avoir procédé à un examen circonstancié de la situation de la famille de Mme A.... Il s'ensuit que la décision attaquée est entachée d'erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 novembre 2024.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Aucun autre moyen invoqué par Mme A... n'étant, en l'état de l'instruction, susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée, le motif d'annulation retenu par le présent arrêt implique seulement que C... réexamine la situation de Mme A.... Il y a donc lieu, sans toutefois assortir cette injonction d'une astreinte, de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

En ce qui concerne les frais d'instance :

10. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, l'avocat de la requérante peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Atger, avocat de Mme A..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Sur la requête 25BX00557 :

11. Le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 2406990 du 2 décembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux, la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement devient sans objet.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 25BX00557 tendant au sursis à exécution du jugement n° 2406990 du 2 décembre 2024 du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux.

Article 2 : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 2 décembre 2024 est annulé.

Article 3 : La décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 8 novembre 2024 est annulée.

Article 4 : Il est enjoint à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de procéder au réexamen de la situation personnelle de Mme A..., dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à Me Atger la somme de 1 200 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ce versement emportant renonciation à percevoir les sommes correspondantes à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., à Me Atger et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 25BX00553, 25BX00557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 25BX00553
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : ATGER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;25bx00553 ?
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