Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a fait interdiction d'exercer des fonctions d'éducateur sportif, à titre définitif.
Par un jugement n° 2201654 du 24 septembre 2024, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision de la préfète de la Haute-Vienne du 22 septembre 2022.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 octobre 2024 et 20 mars 2025, le ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2201654 du 24 septembre 2024 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) de rejeter la demande de M. B....
Il soutient que :
- le tribunal administratif a relevé un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 212-13 du code du sport, qui n'était ni soulevé par M. B..., ni d'ordre public ; le jugement est irrégulier ;
- les dispositions de l'article L. 212-13 du code du sport ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative, sans attendre l'issue de la procédure pénale, prenne à l'encontre de ce même éducateur sportif une mesure d'interdiction définitive d'exercer ses fonctions, qui sera alors regardée comme abrogeant implicitement mais nécessairement la première mesure ;
- s'agissant des autres moyens soulevés devant le tribunal, tirés de ce que l'arrêté du 22 septembre 2022 serait insuffisamment motivé, entaché d'un vice de procédure et d'une erreur d'appréciation, méconnaîtrait la présomption d'innocence et serait disproportionné, il renvoie aux observations présentées en première instance par la préfète de la Haute-Vienne, dans son mémoire en défense du 13 avril 2023.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2025, M. B..., représenté par Me Zborala, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- et les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est titulaire d'un brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et des sports (BPJEPS) mention activités équestres, et du diplôme d'Etat de la jeunesse, de l'éducation populaire et des sports, mention perfectionnement sportif, concours de sauts d'obstacles, obtenus respectivement les 27 septembre 2018 et 22 novembre 2019. Il exerce les fonctions d'éducateur sportif au sein de l'élevage de chevaux, situé à Solignac, exploité sous forme d'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL), dont il est le gérant. Après avoir pris un arrêté le 23 mars 2022 prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction temporaire d'une durée de six mois d'exercer, à la suite d'un avis transmis le 23 mars 2022 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Limoges l'informant de sa mise en examen pour des faits de viols et de diffusion de messages violents ou pornographiques à destination de mineurs, la préfète de la Haute-Vienne a, par arrêté du 22 septembre 2022, décidé de lui interdire définitivement l'exercice des fonctions mentionnées aux articles L. 212-1 et L. 223-1 du code du sport. La ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative relève appel du jugement du 24 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 22 septembre 2022.
Sur la régularité du jugement :
2. Le ministre soutient que l'un des moyens retenus par les premiers juges pour fonder l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2022 de la préfète de la Haute-Vienne, tenant à la méconnaissance de l'article L. 212-13 du code du sport, n'aurait pas été soulevé. Cependant, dès sa demande introductive d'instance devant le tribunal administratif de Limoges, M. B... a cité cet article à l'appui du moyen tiré du caractère disproportionné de la mesure de police administrative prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écartée.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 212-1 du code du sport : " I. Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l'article L. 212-2 du présent code, les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification professionnelle (...) ". Aux termes de l'article L. 212-13 du même code : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 ou d'intervenir auprès de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1. (...) / Cet arrêté est pris après avis d'une commission comprenant des représentants de l'Etat, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées. Toutefois, en cas d'urgence, l'autorité administrative peut, sans consultation de la commission, prononcer une interdiction temporaire d'exercice limitée à six mois. Dans le cas où l'intéressé fait l'objet de poursuites pénales, la mesure d'interdiction temporaire d'exercer auprès de mineurs s'applique jusqu'à l'intervention d'une décision définitive rendue par la juridiction compétente. (...) ".
4. L'article L. 212-13 du code du sport permet à l'autorité administrative compétente d'interdire à toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants d'un sport d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport. Les mesures d'interdiction prises sur le fondement de cet article, qui tendent à assurer le respect de l'ordre public et répondent à la nécessité de prévenir des risques pour la santé et la sécurité des personnes, ne constituent pas une sanction ayant le caractère de punition mais des mesures de police administrative.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté portant interdiction définitive d'exercer se base sur l'enquête administrative conduite le 22 août 2022 par l'inspectrice de la jeunesse et des sports au cours de laquelle M. B... a reconnu avoir transmis des images à caractère pédopornographique à des mineurs avec lesquels il était en contact sans mesurer la portée et la gravité de ses actes ainsi que sur la nature des faits à l'origine de sa mise en examen pour des faits de viols et de diffusion de messages violents ou pornographiques à destination de mineurs et de son placement sous contrôle judiciaire lui interdisant l'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs. La préfète de la Haute-Vienne en a conclu que la mesure de police administrative d'interdiction définitive d'exercer les fonctions mentionnées aux articles L. 212-1 et L. 223-1 du code du sport était le seul et nécessaire moyen de prévenir la réitération de ces faits et d'empêcher le risque d'atteinte à la santé et à la sécurité physique et morale des pratiquants. Toutefois, en application des dispositions de l'article L. 212-13 du code du sport rappelées au point 3, à la date de l'arrêté contesté, l'interdiction temporaire d'exercer les fonctions prononcée par l'arrêté du 23 mars 2022 continuait de s'appliquer " jusqu'à l'intervention d'une décision définitive rendue par la juridiction " pénale compétente. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir qu'en lui interdisant définitivement d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport, la préfète de la Haute-Vienne a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre chargé des sports n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté litigieux.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2025.
La rapporteure,
Bénédicte MartinLa présidente,
Frédérique Munoz-PauzièsLa greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne à la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX02520