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19/06/2025 | FRANCE | N°23BX01429

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 19 juin 2025, 23BX01429


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Gujan-Mestras a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé la carence de la commune de Gujan-Mestras, d'autre part, l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel la préfète de la Gironde a fixé pour la commune de Gujan-Mestras le montant du prélèvement visé à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation, enfin de condamner l'Etat à lui rembou

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Gujan-Mestras a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé la carence de la commune de Gujan-Mestras, d'autre part, l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel la préfète de la Gironde a fixé pour la commune de Gujan-Mestras le montant du prélèvement visé à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation, enfin de condamner l'Etat à lui rembourser les sommes correspondant au montant cumulé du prélèvement et de sa majoration avec intérêts légaux calculés à compter de leur date rétrospective de recouvrement.

Par un jugement n° 2100814 du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, et un mémoire récapitulatif enregistré le 2 septembre 2024, la commune de Gujan-Mestras, représentée par Me Borderie, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 avril 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler, d'une part, l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé la carence de la commune de Gujan-Mestras, d'autre part, l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel la préfète de la Gironde a fixé pour la commune de Gujan-Mestras le montant du prélèvement visé à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation, en tout état de cause, de supprimer les articles 2 et 3 de l'arrêté du 18 décembre 2020 et d'annuler en conséquence l'arrêté de prélèvement du 29 Janvier 2021 relatif au montant de la majoration du prélèvement et ses modalités ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui restituer les sommes correspondant au montant cumulé du prélèvement et de sa majoration, assorti des intérêts légaux calculés à compter de leur date rétrospective de recouvrement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a méconnu les règles d'évaluation de la proportionnalité de la majoration du taux de prélèvement et commis une erreur de droit ; il n'a pas recherché et analysé si la sanction était proportionnée aux motifs de la carence, au regard des arguments avancés par elle, et n'a pas procédé à cette appréciation en la confrontant aux circonstances de l'espèce ;

- elle n'a pas soulevé le moyen d'annulation tiré du défaut de consultation du comité régional de l'habitat et de l'hébergement ;

- en n'ayant pas pris connaissance et évalué les conclusions de la commission départementale en son diagnostic et ses recommandations, le préfet a méconnu la procédure et l'étendue de son obligation de consultation ;

- le tribunal a dénaturé le moyen tiré de l'absence de prise en compte par le préfet des conclusions de la commission départementale ;

- il n'a pas répondu aux arguments soulevés par elle dans les mémoires enregistrés les 18 janvier et 24 août 2022 ;

- l'arrêté du 18 décembre 2020 est entaché d'une erreur d'appréciation ; le préfet s'est fondé sur le simple constat d'un non-respect comptable pour la période 2017-2019 pour sanctionner un retard sans évaluer l'effort de rattrapage, malgré les difficultés rencontrées ; elle a procédé à un rattrapage important en trois ans, au regard du taux de référence de 25 % de la loi SRU ; elle était engagée dans un plan local de l'habitat (2016-2021) élaboré dans le cadre de l'intercommunalité (COBAS) priorisant le logement social sur la base d'un objectif de 20 % de logements sociaux ;

- elle était légitime à attendre la reprise de la révision du schéma de cohérence territoriale (SCOT) pour adapter sa planification urbaine à ce document supérieur et se prémunir contre l'insécurité juridique susceptible de dériver des contradictions d'objectifs entre le SCOT et 1e plan local d'urbanisme (PLU) ;

- le préfet ne démontre pas que l'adoption d'un bonus de constructibilité pendant la période triennale 2017-2019, qui est un outil très conditionnel aurait une influence, même mineure ;

- les contraintes de la loi littoral limitent, de droit, les possibilités d'extension de la constructibilité ; c'est un fait objectif cumulable de limitation de l'urbanisation ;

- le préfet occulte la problématique de la raréfaction de l'offre foncière, de l'inefficacité de l'exercice du droit de préemption ;

- elle était de bonne foi dès lors que malgré le retard constaté elle n'avait pas irrémédiablement compromis la réalisation de l'objectif de création de logements locatifs sociaux (LLS) à l'horizon 2025 ;

- le préfet a ignoré la nouvelle doctrine de l'Etat définie par le ministre du logement dès le 3 décembre 2020 sur l'approche de la coercition destinée à forcer le rattrapage du retard de construction de logements sociaux et demandant plus de souplesse dans la pénalisation des communes ;

- la loi nouvelle du 21 février 2022 s'appliquant aux situations en cours, le tribunal administratif était tenu de l'évaluer pour supprimer le taux majoré de 2 ou à défaut de le réduire ;

- le préfet ne l'a pas créditée du résultat équilibré et ciblé obtenu sur le plan qualitatif ; le préfet n'a optimisé, dans son raisonnement, ni l'existence de l'excédent de 3,46 %, ni le déficit " positif " en matière de création de logements PLS ; elle a respecté le seuil maximum et les efforts ont porté sur une proposition plus élevée de logements sociaux type PLAI et sociaux type PLUS répondant mieux aux besoins des personnes les moins favorisées.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 juin 2024, et la production de pièces complémentaires enregistrée le 2 décembre 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Reynaud, rapporteure publique,

- et les observations de Me Valdès, représentant la commune de Gujan-Mestras.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Gujan-Mestras relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une part, de l'arrêté de la préfète de la Gironde en date du 18 décembre 2020 pris en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitat prononçant la carence de la commune dans la réalisation de ses objectifs de construction de logements sociaux au titre de la période 2017-2019 et fixant à 100 % le taux de majoration du prélèvement par logement manquant à compter du 1er janvier 2021 pour une durée de trois ans, soit un coefficient de majoration de 2, d'autre part, l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel la préfète de la Gironde a fixé pour la commune de Gujan-Mestras le montant du prélèvement visé à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation à la somme de 365 196, 68 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, la commune requérante soutient que le tribunal n'a pas répondu suffisamment au moyen soulevé tiré du caractère proportionné de la majoration du taux de prélèvement. Le tribunal a toutefois retenu au point 10 de son jugement que ce taux n'apparaissait pas disproportionné pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9. Ainsi le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par la commune, a répondu de façon suffisante à ce moyen.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que, dans son mémoire en réplique enregistré le 7 octobre 2021, la commune de Gujan-Mestras a soulevé le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure au motif qu'" il n'est pas établi que la préfète aurait sollicité l'avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement ".

4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la commune requérante a communiqué au tribunal trois mémoires, enregistrés respectivement les 18 janvier 2022, 24 août 2022 et 21 février 2023. Ces derniers mémoires, produits postérieurement à la date de clôture d'instruction fixée au 25 octobre 2021, n'ont pas été communiqués mais ont tous été visés par le tribunal. Les premiers juges pouvaient, sans irrégularité, s'abstenir de se prononcer sur les moyens contenus dans les mémoires produits après la clôture de l'instruction.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le constat de carence :

5. Aux termes de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque, dans les communes soumises aux obligations définies aux I et II de l'article L. 302-5, au terme de la période triennale échue, le nombre de logements locatifs sociaux (LLS) à réaliser en application du I de l'article L. 302-8 n'a pas été atteint ou lorsque la typologie de financement définie au III du même article L. 302-8 n'a pas été respectée, le représentant de l'Etat dans le département informe le maire de la commune de son intention d'engager la procédure de constat de carence. Il lui précise les faits qui motivent l'engagement de la procédure et l'invite à présenter ses observations dans un délai au plus de deux mois. /En tenant compte de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le représentant de l'Etat dans le département peut, par un arrêté motivé pris après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement et, le cas échéant, après avis de la commission mentionnée aux II et III de l'article L. 302-9-1-1, prononcer la carence de la commune. (...) Par le même arrêté et en fonction des mêmes critères, il fixe, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier de l'année suivant sa signature, la majoration du prélèvement défini à l'article L. 302-7. Le prélèvement majoré ne peut être supérieur à cinq fois le prélèvement mentionné à l'article L. 302-7. Le prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice. Ce plafond est porté à 7,5 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 150 % du potentiel fiscal médian par habitant sur l'ensemble des communes soumises au prélèvement défini à l'article L. 302-7 au 1er janvier de l'année précédente. ".

6. Aux termes de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation : " I. Pour les communes n'ayant pas respecté la totalité de leur objectif triennal, le représentant de l'Etat dans le département réunit une commission chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux. Cette commission, présidée par le représentant de l'Etat dans le département, est composée du maire de la commune concernée, du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat si la commune est membre d'un tel établissement, des représentants des bailleurs sociaux présents sur le territoire de la commune et des représentants des associations et organisations dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées, œuvrant dans le département. / (...) Si la commission parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale, elle saisit, avec l'accord du maire concerné, une commission nationale placée auprès du ministre chargé du logement. /II. La commission nationale, (...) entend le maire de la commune concernée ainsi que le représentant de l'Etat du département dans lequel la commune est située. (...)/Les avis de la commission sont motivés et rendus publics. (...). ".

7. Il résulte des articles L. 302-5 et L. 302-7, du I de l'article L. 302-8 dans sa rédaction applicable à la période triennale 2017-2019, de son grand II et de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation que, lorsqu'une commune n'a pas respecté son objectif triennal de réalisation de logements sociaux, il appartient au préfet, après avoir recueilli ses observations et les avis prévus au I de ce même article L. 302-9-1, d'apprécier si, compte tenu de l'écart existant entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, il y a lieu de prononcer la carence de la commune, et, dans l'affirmative, s'il y a lieu de lui infliger une majoration du prélèvement annuel prévu à l'article L. 302-7, en en fixant alors le montant dans la limite des plafonds fixés par l'article L. 302-9-1.

8. Lorsqu'une commune demande l'annulation d'un arrêté préfectoral prononçant sa carence et lui infligeant un prélèvement majoré en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer si le prononcé de la carence procède d'une erreur d'appréciation des circonstances de l'espèce et, dans la négative, d'apprécier si, compte tenu des circonstances de l'espèce, la sanction retenue est proportionnée à la gravité de la carence et d'en réformer, le cas échéant, le montant.

9. Il résulte de l'instruction que la préfète de la Gironde, avant de prendre l'arrêté prononçant la carence en date du 18 décembre 2020, a procédé le 15 septembre 2020 à la consultation de la commission départementale SRU, laquelle a examiné le respect par la commune de Gujan-Mestras de ses obligations de réalisation de logements sociaux au titre de la période 2017-2019. Il ne résulte pas de l'absence de mention dans les visas de l'arrêté contesté du compte-rendu de la réunion de la commission départementale SRU que la préfète de la Gironde n'aurait pas procédé à l'examen des conclusions et des recommandations de la commission départementale avant de prononcer la situation de carence. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

10. S'il résulte de l'instruction que la commune de Gujan-Mestras a, au titre de la période triennale 2017-2019, rempli ses objectifs qualitatifs de financements par prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) (33, 46%) et prêt locatif social (PLS) (14, 71%), en respectant les taux minimum de 30 % de PLAI et le taux maximum de 20 % de PLS, il est constant que l'objectif quantitatif qui lui a été assigné de 573 logements n'a pas été atteint, le taux de réalisation étant de 49, 74%, correspondant à 285 logements locatifs sociaux. Est sans incidence sur la détermination du taux de réalisation de logements la circonstance qu'auraient dû être prises en compte dans l'évaluation quantitative, les autorisations d'urbanisme délivrées en 2020, au motif qu'elles avaient été instruites au cours de la période couvrant le plan triennal 2017-2019. Il en est de même de la circonstance que les 285 logements réalisés représentent un ratio de 51, 17% de résidences principales.

11. La commune de Gujan-Mestras se prévaut des difficultés qu'elle rencontre pour la construction de logements sociaux, du fait des contraintes qui lui sont imposées par l'Etat. Elle évoque les restrictions au droit de construire imposées par l'Etat aux communes, qui sont selon elle, autant de freins et d'obstacles à la réalisation des objectifs de réalisation de logements sociaux. Elle précise rencontrer des difficultés, en tant que collectivité soumise à la loi littorale, disposant de peu d'espaces permettant l'extension de la constructibilité, à mobiliser du foncier disponible pour réaliser des opérations de construction. Elle oppose les freins mis à la révision de son plan local d'urbanisme résultant de l'annulation du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du bassin d'Arcachon et du Val de l'Eyre, approuvé en 2013, dont la nouvelle élaboration a été approuvée par délibération du syndicat mixte pour la révision et le suivi du schéma de cohérence territoriale du bassin d'Arcachon-Val de l'Eyre du 9 juillet 2018. Si par délibérations des 8 avril 2019 et 30 juin 2020, le conseil municipal de la commune a entendu approuver des modifications n° 5 et 7 du plan local d'urbanisme pour abaisser à huit logements le seuil de déclenchement de la servitude de mixité sociale imposant à toute opération de construction 35% de logements locatifs aidés et introduire de nouvelles servitudes de mixité sociale sur des terrains à identifier, il résulte de l'instruction que, dès le 6 avril 2017, puis le 21 février 2018, le préfet de la Gironde alertait la collectivité sur les insuffisances de son plan local d'urbanisme pour répondre aux objectifs fixés par la loi et sur la nécessité d'activer différents leviers mis à sa disposition par le code de l'urbanisme (servitudes de mixité sociale d'un taux plus élevé y compris pour des opérations de petite taille, emplacements réservés pour une maitrise opérationnelle de projets significatifs, majoration de la constructibilité en faveur du logement social). Le 23 novembre 2018, le préfet de la Gironde incitait une nouvelle fois la commune à mobiliser tous les outils mis à sa disposition pour " progresser de manière décisive en faveur du logement locatif social " à l'occasion de la modification engagée de son plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, sans qu'elle puisse reprocher à l'administration de ne pas avoir procédé à l'estimation des résultats attendus des leviers préconisés, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Gujan-Mestras, engagée dans la modification de son plan local d'urbanisme, aurait été empêchée au motif de l'absence de SCOT, d'inscrire dans le document d'urbanisme des mesures lui permettant de tendre vers l'objectif de 25 % de logements locatifs sociaux (LLS) au titre du plan triennal 2016-2019.

12. La commune se prévaut dans sa requête de son " volontarisme " et mentionne diverses actions significatives qu'elle a engagées en vue d'atteindre les objectifs qui lui ont été assignés par le législateur en matière de réalisation de logements sociaux, en particulier la signature le 20 septembre 2017 d'une convention opérationnelle conclue avec l'Etat et l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine (EPF-NA), ayant pour objet de rendre ce dernier délégataire du droit de préemption urbain sur le territoire de la collectivité et de mobiliser le foncier pour le développement de programmes de logements comprenant des logements locatifs sociaux. En application de cette convention, entre le 5 février et le 13 novembre 2019, l'EPF-NA a ainsi préempté sept terrains, pour un coût total de 7 645 000 euros, qui selon la commune, devrait permettre la construction de 53 logements au cours de la période 2020-2022. Une étude du gisement foncier a permis d'identifier 16 hectares susceptibles d'être urbanisés. Si la commune rappelle également qu'elle s'est engagée dans le plan local de l'habitat adopté le 30 juin 2017 par la communauté d'agglomération bassin d'Arcachon sud au titre de la période 2016-2021, lequel retient parmi ses priorités le développement du logement social et fixe un objectif de réalisation de 20 % ce qui représente pour le territoire de la commune un objectif de 399 logements, à l'aune duquel la réalisation de 285 logements doit être rapprochée, le préfet, sans remettre en cause la démarche, note toutefois que les objectifs fixés, malgré leur caractère ambitieux ne permettront pas de répondre aux objectifs SRU-2016-2021 et d'atteindre le taux de 25 % de logements locatifs fixé par la loi. L'ensemble de ces éléments démontre effectivement que la commune, comme elle le soutient dans ses écritures, n'a pas été inactive durant la période triennale 2017-2019. Il est néanmoins constant que ces efforts n'ont pas été suffisants pour atteindre les objectifs qui lui ont été assignés au titre de cette même période triennale, et ce alors, qu'au surplus, lors des deux précédentes périodes triennales 2008-2010 et 2014-2016, la commune avait déjà fait l'objet d'arrêtés de carence.

13. Par suite, eu égard au taux de réalisation des objectifs fixés et à la portée des difficultés alléguées, le constat de carence dressé par la préfète de la Gironde n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne le quantum de la sanction :

14. La commune fait valoir que si elle n'a pas atteint l'objectif quantitatif de réalisation de 573 logements au titre du plan triennal 2017-2019, elle a obtenu des résultats satisfaisants s'agissant des objectifs qualitatifs de financements par PLAI et PLS, permettant de répondre aux besoins de logements des personnes les moins favorisées. Il résulte toutefois de l'instruction, ainsi que cela a été rappelé aux points qui précèdent, que la collectivité n'a pas atteint ses objectifs triennaux au titre des périodes 2005-2007, 2008-2010 et 2014-2016. Ses allégations sur sa volonté de mettre en œuvre une politique plus volontariste de logements sociaux qui serait en butte à des difficultés rencontrées dans la réalisation, qu'elle impute en partie aux contraintes imposées par l'Etat, ne sont pas suffisamment étayées par les pièces versées au dossier, alors que par ailleurs, les autres communes de la communauté d'agglomération bassin d'Arcachon sud, confrontées aux mêmes obligations urbanistiques, obtiennent de meilleurs résultats. Dans son avis du 17 novembre 2020 portant sur le bilan triennal 2017-2019 dans la région Nouvelle-Aquitaine, la commission nationale SRU a recommandé qu'" a minima le taux de majoration excède le différentiel de réalisation avec l'objectif quantitatif global " et de mobiliser les possibilités ouvertes par la loi du 18 janvier 2013 (conduisant à l'application de sanctions renforcées excédant le doublement et pouvant aller jusqu'au quintuplement) dès lors que les taux d'atteinte des objectifs sont faibles. De même, elle préconise de ne pas diminuer le taux de majoration pour les communes carencées à l'issue de la période triennale passée, en l'absence d'effort significatif. La préfète a fixé à 2 le coefficient de majoration et à 100 % le taux de majoration du prélèvement, dès lors que la commune de Gujan-Mestras n'a pas réalisé 50, 26 % de son objectif triennal quantitatif dans un contexte de carence réitérée depuis 2011. Alors que la loi permettait à la préfète de la Gironde de fixer un taux maximal de majoration de 5, il ne résulte pas de l'instruction que le taux de majoration de 2 présenterait un caractère disproportionné au regard des taux précités de réalisation des objectifs tant quantitatifs que qualitatifs fixés pour la période en cause. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit dès lors être écarté.

15. La commune ne peut utilement soutenir que la préfète a méconnu les orientations, rappelée par la lettre ministérielle du 3 décembre 2020, selon laquelle une réflexion doit être engagée avec le législateur pour faire évoluer les dispositions législatives en vigueur, tendant à prolonger au-delà de 2025 les obligations de rattrapage du déficit de logement social, tout en maintenant la fixation d'objectifs évalués par période, rechercher un équilibre pour les collectivités les plus éloignées de leurs objectifs dès l'échéance triennale 2023-2025 et clarifier le statut de certaines communes. Elle ne peut davantage se prévaloir ni du rapport de la Cour des comptes du mois de juin 2021 rédigé sur le thème " une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise " qui pointe les défaillances et lacunes de la politique du logement ni de l'article 68 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022, entré en vigueur le lendemain, dont il ne ressort pas au demeurant que ses dispositions seraient plus favorables à la commune, quand bien même elles favorisent des mises en œuvre différenciées pour tenir compte des situations locales. Ces moyens doivent, par suite, être écartés comme inopérants.

16. Il résulte de ce qui précède que la commune de Gujan-Mestras n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur l'injonction :

17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Gujan-Mestras dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Gujan-Mestras est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gujan-Mestras.et au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt et de la pêche

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2025.

La rapporteure,

Bénédicte A...La présidente,

Frédérique Munoz-PauzièsLa greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX01429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01429
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : BORDERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;23bx01429 ?
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