Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Avel a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant du 1er avril 2014 au 31 juillet 2018, à hauteur de la somme de 367 284 euros.
Par un jugement n° 2001203 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités et majorations y afférentes, mises à la charge de la société Avel au titre de la période du 1er avril 2014 au 31 juillet 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mars 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 24 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 22 novembre 2022 ;
2°) de remettre à la charge de la société Avel les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant du 1er avril 2014 au 31 juillet 2018 ;
3°) de rejeter les conclusions de la société Avel.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une inexacte appréciation des faits, d'une erreur de qualification juridique des faits, et d'une erreur de droit ;
- les travaux de construction réellement exécutés par la société Avel diffèrent de ceux pour lesquels la société avait obtenu un permis de construire ; le changement de destination des locaux du 1er étage n'a pas fait l'objet d'un permis modificatif ; les bureaux prévus au premier étage ont été remplacés par un logement à usage d'habitation d'une surface de 273 m² et le hall d'entrée du bâtiment industriel a été équipé d'un ascenseur et d'un escalier desservant ce logement ; c'est à tort que la société Avel a déduit la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces travaux et à l'achat de biens et équipements immobiliers pour ce logement, dès lors que ce dernier et le garage sont utilisés à des fins privatives à plus de 90 % au sens du 1° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II du code général des impôts ;
- à titre subsidiaire, il sollicite une substitution de fondement légal et soutient qu'en tout état de cause, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses de construction et d'aménagement de l'appartement du 1er étage n'était pas déductible, en application de l'article 271 du code général des impôts ; il résulte du bail à construction et du premier permis de construire obtenu que le 1er étage du bâtiment n'était pas initialement destiné à la construction d'un appartement mais à la rénovation d'une entreprise parapharmaceutique existante après démolition de bâtiments existants avec aménagement de bureaux à l'étage, de place de stationnement et modification de façades ; le permis modificatif du 26 février 2015 validait la création d'un appartement de 60 m² mais également la création de bureaux et d'une salle de réunion et d'une cafétéria pour une surface de 207 m² ; ces dépenses ne répondaient pas aux besoins de l'exploitation de la société mais a permis d'assurer un avantage à son dirigeant et à son épouse dès lors qu'il a été utilisé à titre privatif ;
- il appartient à la société d'apporter des éléments permettant de vérifier, pour la totalité des sommes en litige, le lien avec des opérations taxées ;
- s'agissant des pénalités, la proposition de rectification respecte l'ensemble des conditions édictées aux articles L. 80 D et L. 80 E du livre des procédures fiscales pour l'application de la majoration de l'article 1729 a du code général des impôts : l'application de la majoration pour manquement délibéré est motivée, en fait et en droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2023, la société Avel, représentée par Me Schiele, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, elle conteste les pénalités de 40 % pour manquement délibéré appliquées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts lesquelles ont été irrégulièrement notifiées, le service vérificateur n'ayant pas respecté les dispositions des articles L. 80 D et L. 80 E du livre des procédures fiscales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2010-986 du 26 août 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,
- et les observations de Me Schiele, représentant la société Avel.
Des notes en délibéré présentées par la société par action simplifié (SAS) Avel ont été enregistrées le 31 mai et le 15 juin 2025.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Avel exerce une activité de fabrication, de commercialisation et de distribution de produits d'entretien du cuir et textiles, d'articles en cuir, de produits d'entretien ménager, de produits de parfumerie, et de produits diététiques et parapharmaceutiques. Elle exerce son activité de fabrication de compléments alimentaires au 67 rue de la Barbotière sur le territoire de la commune de Gujan-Mestras. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période courant du 1er avril 2014 au 31 juillet 2018, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que le logement d'habitation situé au 1er étage de l'établissement de Gujan-Mestras faisait l'objet d'une utilisation privative supérieure à 90 % et qu'ainsi, la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses de travaux afférents à ce logement n'était pas déductible. Par proposition de rectification du 26 octobre 2018, l'administration fiscale a mis à la charge de la société Avel les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant, pour la période courant du 1er avril 2014 au 31 juillet 2018 à hauteur de la somme totale, en droits et pénalités, de 367 284 euros. Sa réclamation préalable formée le 1er octobre 2019 ayant été rejetée par une décision de l'administration fiscale du 11 mars 2020, la société Avel a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 22 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à la demande de la société Avel.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Selon l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. " L'article 206 de l'annexe II de ce code prévoit que : " I. Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission (...) / IV. 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise (...) ".
3. Lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en œuvre la procédure de rectification contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise.
4. Pour prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Avel au titre de la période courant du 1er avril 2014 au 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Poitiers a estimé que l'administration n'établissait pas que le logement situé au 1er étage et le garage de l'établissement situé à Gujan-Mestras étaient utilisés à plus de 90 % à des fins privatives par le dirigeant de la société et son épouse sur la période en litige.
5. Il résulte de l'instruction que la société Avel a conclu le 22 décembre 2016 un bail à construction avec la société de l'Hêtraie, propriétaire du local qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Gujan-Mestras, afin de réhabiliter le laboratoire situé au rez-de-chaussée, ainsi qu'un logement, des bureaux et une salle de réunion, situés au 1er étage. Il n'est par ailleurs pas contesté que les travaux réellement effectués par la société Avel différaient de ceux autorisés par le permis de construire initial, délivré le 4 août 2014, puis par le permis de construire modificatif délivré le 26 février 2015, et ont finalement consisté en l'aménagement, au 1er étage, non pas d'un logement de 60 m², de bureaux et d'une salle de réunion mais uniquement d'un logement d'une superficie de 273 m² bénéficiant d'une entrée privée, ainsi que d'un garage au rez-de-chaussée.
6. Pour justifier de l'utilisation privative du logement à plus de 90 % par les dirigeants de la société Avel entre le 1er juillet 2017 et le 31 juillet 2018, le vérificateur, qui estime que la date d'achèvement des travaux en litige doit être fixée au 1er juillet 2017, s'est fondé sur l'utilisation du logement par les dirigeants de la société Avel fin juillet et début août 2017, puis le week-end du 6 octobre 2017 et enfin début décembre 2017. L'administration s'est par ailleurs prévalue du bail de location à usage d'habitation conclu entre la société Avel et son dirigeant et son épouse le 7 juin 2018, avec effet rétroactif au 1er mars 2018, justifiant ainsi de l'utilisation à titre exclusif du bien.
7. La société Avel se prévaut d'une occupation effective des locaux au 1er mars 2018 et soutient que la date d'achèvement des travaux ne pouvait intervenir au 1er juillet 2017. L'administration fiscale a finalement confirmé dans la réponse aux observations en date du 24 décembre 2018 la date de mise en service du logement à la date du 1er juillet 2017, date à laquelle l'amortissement du bien a été inscrit en comptabilité, et a constaté que les conditions d'habitabilité du logement étaient réunies à la date du 18 octobre 2017, après avoir pris en compte les dates d'achats d'équipements et d'électroménager divers entre juin et août 2017, réalisés dans des commerces proches de Gujan-Mestras et les dates auxquelles M. et Mme A... ont occupé le logement.
8. Toutefois, alors même que la date d'achèvement des travaux serait fixée au 1er juillet 2017, ni les trois courtes périodes d'occupation à titre gratuit du bien par M. et Mme A... entre juillet 2017 et mars 2018, ni la location à titre exclusif aux dirigeants de la société du logement à compter du 1er mars 2018, ne suffisent à établir que, sur la période vérifiée, le logement situé au 1er étage et le garage, auraient été utilisés à plus de 90% à titre privatif par les dirigeants de la société. Dans ces conditions, le ministre chargé des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a estimé que l'administration fiscale, qui n'établissait pas l'utilisation à plus de 90 % du bien en litige, ne pouvait remettre en cause, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux travaux en litige.
9. Si l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, une telle substitution de base légale ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi compte tenu de la base légale substituée.
10. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent n'est pas déductible si ces biens et services ne sont pas utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables.
11. Le ministre chargé des comptes publics fait valoir que les dépenses liées aux travaux afférents au logement situé au 1er étage n'ont pas été exposées pour les besoins de l'activité de la société Avel. Pour justifier cette position, l'administration s'est fondée sur un faisceau d'indices relevés au cours du contrôle, à savoir que les locaux principaux de la société se trouvent dans le département de la Charente, à Magnac-Lavalette-Villars, l'établissement situé à Gujan-Mestras, en Gironde, constituant un établissement secondaire. Ce dernier site a fait l'objet d'un bail à construction le 22 décembre 2016 confié par la société civile immobilière de l'Hêtraie, représentée par M. A..., à la société Avel, laquelle a entendu procéder à la rénovation de l'ensemble des locaux, composés d'une maison d'habitation à l'entrée du site, de deux constructions annexes dont un garage et d'un bâtiment industriel d'anciens laboratoires. Le permis de construire délivré le 4 août 2014 modifié par un permis obtenu le 26 février 2015 autorise la démolition de bâtiments existants, l'aménagement de places de stationnement, la modification de façades ainsi que le réaménagement du 1er étage, composé d'un appartement de 60 m², des bureaux, une salle de réunion et une cafétéria. L'examen des factures de fournisseurs a toutefois révélé, sans qu'une nouvelle demande de permis de construire ait été déposée, que les travaux, s'ils ont bien consisté à aménager un laboratoire au rez-de-chaussée d'une surface de 242 m² disposant d'une entrée séparée, un garage de 64 m² et la maison de gardien réservée à une habitation de 80 m², ont également conduit, en lieu et place de bureaux et de salle de réunion, à la réalisation d'un logement au 1er étage de 273 m², desservi exclusivement à partir du hall d'entrée, comportant quatre chambres, salle de bain et salles d'eaux, bagagerie, buanderie, cuisine, cellier et salle de séjour. La société Avel, par bail du 7 juin 2018, a donné, à compter du 1er mars 2018, à M. et Mme A..., l'appartement du 1er étage en location meublée, pour un loyer mensuel de 1 500 euros. L'administration a enfin constaté que les changements intervenus dans l'aménagement des locaux n'avaient pas été mentionnés dans les procès-verbaux d'assemblées générales ni dans les rapports de gestion et qu'il n'était pas justifié de l'utilisation du bien à des fins professionnelles par la seule photographie d'une réunion avec un fournisseur, alors que la part des ventes résultant de l'activité du site de Gujan-Mestras ne représente qu'une moyenne de 1, 19 % dans le chiffre d'affaires de la société au titre des exercices clos au 31 mars entre 2014 et 2018. La société Avel soutient que le logement n'a pu être effectivement occupé qu'au 1er mars 2018 et que les dépenses d'investissement constituent, au moment où les travaux ont été réalisés, des actes préparatoires en vue d'une location du bien à titre onéreux et de l'organisation d'évènements pour les clients de l'entreprise. Toutefois, et alors même que le rez-de-chaussée de l'immeuble est effectivement utilisé par la société Avel pour son activité, qu'il a été équipé d'extincteurs, de prises informatiques adaptées et d'accès pour personnes à mobilité réduite, à l'instar de locaux professionnels, et que le bail de location prévoit la faculté pour le bailleur d'utiliser tout ou partie du local loué pour la réception de sa clientèle, l'organisation d'évènements non commerciaux ou de réunions internes, sans qu'il soit démontré qu'il ait été fait usage de cette clause particulière, les indices mentionnés précédemment, sur lesquels l'administration s'est fondée, étaient suffisants pour remettre en cause, dans son intégralité, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses.
12. La société intimée soutient que les travaux réalisés doivent s'apprécier dans leur ensemble, relèvent d'une opération professionnelle unique, et que la location du bien constitue une activité accessoire dont la recette entre pour 0, 12% dans son chiffre d'affaires global. Elle se prévaut de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) selon laquelle l'acquisition des biens ou service par un assujetti agissant en tant que tel, détermine l'application du système de taxe sur la valeur ajoutée et partant, le mécanisme de déduction. Il résulte de l'instruction que la société Avel a pour activité la fabrication, la commercialisation et la distribution de différents produits. A ce titre, elle développe sur le site de Gujan-Mestras la production d'un complément alimentaire appelé POP, issu de chair d'huitre sauvage congelée, présenté sous forme de gélule, distribué par les magasins diététiques et les parapharmacies. Deux salariés travaillent sur le site, sans y être logés et, outre cette activité, effectuent d'autres travaux en provenance du site charentais. Les circonstances qu'au cours des années 2020 et 2021, une réunion de direction ait été organisée sur place, des contacts aient été recherchés par une stagiaire en apprentissage, auprès de la société notamment avec des naturopathes, en vue de promouvoir le produit POP par le biais de séminaires et d'ateliers sur place et que le lieu soit proposé pour l'organisation de formation sans lien avec le produit commercialisé sont insuffisantes pour justifier que les travaux entrepris étaient justifiés par les besoins de l'entreprise. Par suite, sans que l'intimée puisse utilement se prévaloir des règles applicables en matière d'impôt sur les sociétés, le moyen tiré du caractère déductible des droits de taxe sur la valeur ajoutée au motif du caractère d'ensemble de l'opération à venir doit être écarté.
13. Dès lors que l'exclusion du droit à déduction se déduit directement des dispositions précitées du I du II de l'article 271 du code général des impôts, l'intimée ne peut utilement se prévaloir des conditions dans lesquelles a été mis en œuvre, au regard de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977 relative aux taxes sur le chiffre d'affaires, l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, qui prévoit un coefficient d'admission nul " lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise ".
14. La société Avel ne peut davantage se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des commentaires administratifs publiés au BOFIP sous la référence BOI-TVA-DED-30-10 n° 10 du 7 octobre 2015, qui n'ont pas trait aux conditions de déductibilité définies par les dispositions de l'article 271 du code général des impôts. Il en est de même de la doctrine BOI-BIC-CHG-30-20, qui ne concerne pas la taxe sur la valeur ajoutée et de la doctrine BOI-BIC-AMT-20-10 n°120 selon laquelle l'amortissement d'un actif commence à la date de début de consommation des avantages économiques qui lui sont attachés, qui correspond généralement à la mise en service de l'actif, dès lors que cette doctrine est relative aux conditions d'inscription en comptabilité des amortissements et non aux conditions de déductibilité de taxe sur la valeur ajoutée.
15. La substitution de base légale demandée par le ministre ne prive la société Avel d'aucune des garanties offertes en matière de procédure d'imposition. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que la demande de substitution de base légale du ministre chargé des comptes publics doit être accueillie.
Sur les pénalités :
16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 284 du livre des procédures fiscales : " Sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de la mise en recouvrement des impositions. " Aux termes de l'article L. 80 D du même livre : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable./ Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations. " et aux termes de l'article L. 80 E du même livre : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732,1735 ter et 1740 A bis du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités. " Enfin, aux termes de l'article R. 80 E-1 du même livre : " La décision d'appliquer les majorations et amendes mentionnées à l'article L. 80 E est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire ".
17. Il résulte des dispositions de l'article L. 80 D précité que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de pénalités visées par le second alinéa de ce texte, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations. L'administration n'est tenue de renouveler cette formalité que si, pour quelque motif que ce soit, elle modifie, avant leur mise en recouvrement, la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qu'elle se propose d'appliquer au contribuable.
18. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la proposition de rectification du 26 octobre 2018, contresignée par un inspecteur principal, par lesquelles les pénalités de 40 % pour manquement délibéré ont été mises à la charge de la société Avel en application de l'article 1729 du code général des impôts, a été notifiée au contribuable plus de trente jours avant la mise en recouvrement de ces impositions, qui est intervenue le 16 août 2019. Ce document comportait la motivation des pénalités que l'administration envisageait d'appliquer. L'intimée a présenté des observations par courrier du 24 décembre 2018, après avoir sollicité la prorogation du délai de trente jours qui lui avait été laissé pour ce faire. Dans sa réponse aux observations du 1er mars 2019, l'administration a confirmé le maintien des pénalités. Par suite, et sans qu'elle puisse utilement soutenir que l'administration aurait dû lui adresser un nouveau document pour confirmer les pénalités mises à sa charge, le moyen tiré de ce que les pénalités de 40 % seraient irrégulières au regard des articles L. 80 D et E du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
19. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : /a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
20. Pour assujettir la société Avel à des pénalités pour manquement délibéré, l'administration, qui a cité les dispositions applicables, s'est notamment fondée sur les circonstances que l'intimée avait réalisé des travaux de construction d'un logement à usage d'habitation, qui n'étaient pas prévus dans le bail à construction conclu avec la société L'Hétraie et qui n'étaient pas conformes aux autorisations d'urbanisme délivrées et qu'au titre des quatre exercices vérifiés, la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces travaux ne pouvait être admise en déduction. Si la société soutient n'avoir eu aucune intention de frauder l'administration fiscale, elle ne peut être regardée comme établissant avoir commis une erreur justifiant qu'elle ait procédé à des déclarations inexactes. Par suite, l'administration fiscale établit l'intention délibérée de la société Avel d'éluder l'impôt et, par conséquent, le bien-fondé de la majoration de 40 % mise à sa charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Avel au titre de la période du 1er avril 2014 au 31 juillet 2018.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Avel au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 22 novembre 2022 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits, majorations et pénalités, auxquels la société Avel a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2014 au 31 juillet 2018 sont remis à sa charge.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Avel en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Avel et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
La rapporteure,
Bénédicte Martin La présidente,
Frédérique Munoz-PauzièsLa greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 23BX00747