Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 20 juin 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302525 du 17 octobre 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 novembre 2024, M. C..., représenté par Me Zoro, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 octobre 2024 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2023 du préfet de la Vienne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 1 mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- elle est illégale dès lors qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour de plein droit ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français qu'elle accompagne.
La requête a été communiquée au préfet de la Vienne qui n'a pas produit de mémoire dans la présente instance.
M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 décembre 2024.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant gabonais né le 6 juin 1989, est entré sur le territoire français le 6 octobre 2018 sous couvert d'un visa étudiant. Il a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiant, régulièrement renouvelés entre le 2 octobre 2019 et le
1er janvier 2023. Le 2 janvier 2023, il a sollicité auprès des services de la préfecture de la Vienne le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 juin 2023, le préfet de la Vienne a refusé de faire droit à cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office à l'issue de ce délai. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement du
17 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code prévoit : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision de refus de titre de séjour vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et plus spécifiquement l'article L. 422-1, et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle mentionne le parcours suivi par M. C... en sa qualité d'étudiant depuis la délivrance de sa première carte de séjour sur ce fondement et indique que la formation à laquelle il s'est inscrit pour l'année 2022/2023, " Bachelor responsable d'affaires immobilières " est une formation à distance accessible après deux années seulement d'études supérieures, alors qu'il a validé un master 2 en géographie et développement des territoires. Elle précise qu'il ne démontre pas, en outre, qu'il exerce une activité professionnelle dans la limite de 60% en temps plein annuel. Elle conclut que l'intéressé ne remplit ainsi pas les conditions pour se voir délivrer une carte de séjour étudiant. Elle retrace également le parcours personnel de M. C... avant de porter une appréciation circonstanciée sur l'intensité et la stabilité de ses liens privés, familiaux et sociaux en France. Elle comporte ainsi les éléments de droit et de fait sur lesquels le préfet s'est fondé. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour contestée serait insuffisamment motivée doit être écarté.
4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort d'aucune des éléments du dossier et notamment pas des termes de la décision contestée que le préfet de la Vienne n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, notamment s'agissant de l'activité professionnelle de l'intéressé.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. (...) Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. ". Aux termes de l'article
L. 433-4 du même code : " Au terme d'une première année de séjour régulier en France accompli au titre (...) d'une carte de séjour temporaire, l'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que : (...) 2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. La carte de séjour pluriannuelle porte la même mention que la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. L'étranger bénéficie, à sa demande, du renouvellement de cette carte de séjour pluriannuelle s'il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il été précédemment titulaire. ". Le renouvellement du titre de séjour " étudiant " est subordonné, notamment, à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il a déclaré accomplir.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a suivi, depuis son entrée sur le territoire français sous couvert de la délivrance régulièrement renouvelée d'une carte de séjour en raison de sa qualité d'étudiant, des études en géographie jusqu'à l'obtention de son Master 2 " Gestion et développement des territoires " en 2022. S'il soutient que son inscription pour l'année 2023-2024 en " Bachelor responsable d'affaires immobilières " se justifie dès lors que cela lui permettrait de compléter son cursus universitaire, cette réorientation est incohérente avec les études suivies et ne constitue pas une progression, dès lors qu'un tel diplôme est accessible après seulement deux années d'études supérieures. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette formation, réalisée à distance, nécessite la présence en France de
M. C.... Dans ces conditions, c'est à juste titre que le préfet de la Vienne a considéré que M. C... ne présentait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 422-1 et L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ".
8. Si M. C... soutient qu'il justifie d'une parfaite intégration en France, il ressort des pièces du dossier que sa présence en France depuis 2018 ne se justifie que par l'accomplissement de ses études, quand bien même il a occupé de nombreux emplois en intérim en parallèle de ses études. En outre, et alors qu'il est célibataire et sans charge de famille en France, il se prévaut de la présence de nombreux membres de sa famille. Toutefois il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il ait des liens particuliers avec ces derniers, qui sont au demeurant dispersés sur le territoire français. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il n'ait pas conservé des liens dans son pays d'origine dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision de séjour contestée méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (....) ".
10. Dès lors que M. C... n'a pas présenté de demande d'admission exceptionnelle au séjour, et qu'il ne ressort d'aucun des termes de l'arrêté contesté que le préfet de la Vienne aurait spontanément examiné si sa situation entrait dans ce cadre, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision d'obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ". La mesure d'obligation de quitter le territoire français a été prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1, et n'a pas ainsi à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.
13. En troisième lieu, dans les circonstances détaillées au point 8, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait illégale dès lors qu'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. Dans les circonstances exposées au point 8, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français contestée serait entachée d'une erreur manifeste de ses conséquences sur sa situation personnelle ou méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
16. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision fixant le pays de destination attaquée, qui est une décision distincte de la décision d'éloignement et qui doit être motivée de manière spécifique, vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans son ensemble, sur lesquels elle se fonde. Elle précise également l'absence de risque pour M. C... de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, elle comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
17. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de la décision de refus de séjour.
18. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
19. M. C... n'établit pas, en l'absence de tout autre élément versé au dossier, qu'il encourrait des risques actuels et personnels d'atteinte à sa vie ou à son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.
La rapporteure,
Héloïse B...La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 24BX02781