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12/06/2025 | FRANCE | N°24BX02680

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 12 juin 2025, 24BX02680


Vu la procédure suivante :



Procédure antérieure :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2305788 du 15 octobre 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 14 novembre 2024 et

24 janvier 2025, M. D..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2305788 du 15 octobre 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 14 novembre 2024 et

24 janvier 2025, M. D..., représenté par Me Abadel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2023 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de 5 jours à compter de la notification de l'arrêt, puis un titre de séjour d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de cette notification ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en lui délivrant, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;

Sur la légalité de l'arrêté du 25 septembre 2023 :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle : il dispose de perspectives professionnelles établies et justifie de son insertion durable dans la société française, il remplit les critères pour se voir délivrer un titre sur ce fondement ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2025, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du

19 décembre 2024.

Vu :

- la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant congolais entré en France le 22 janvier 2015, a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur isolé et a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiant, régulièrement renouvelés entre le 27 avril 2017 et le 24 novembre 2020. Le 12 octobre 2020, il a sollicité auprès des services de la préfecture de la Gironde la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 septembre 2021, devenu définitif, la préfète de la Gironde a refusé de faire droit à cette demande. Le 30 mars 2022, il a déposé une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 septembre 2023, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office à l'issue de ce délai. Par la présente requête, M. D... relève appel du jugement du 15 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté du 25 septembre 2023 contesté serait insuffisamment motivé dès lors qu'il mentionnait tant les motifs de droit ainsi que les éléments de faits caractérisant la situation du requérant, sans se contenter de renvoyer, comme le soutient le requérant, à la motivation du précédent jugement du tribunal administratif du 20 février 2023. Il en est de même du moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 septembre 2023 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code prévoit : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. La décision de refus de titre de séjour du 25 septembre 2023 du préfet de la Gironde vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle mentionne que M. D... se maintient en infraction à une décision de refus de titre de séjour et qu'il a présenté une nouvelle demande d'admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard desquelles sa situation a été examinée. Elle retrace le parcours personnel de M. D... avant de porter une appréciation circonstanciée sur l'intensité et la stabilité de ses liens privés, familiaux et sociaux en France. Elle comporte ainsi les éléments de droit et de fait sur lesquels le préfet s'est fondé. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour contestée serait insuffisamment motivée doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...). ".

7. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France, alors qu'il était mineur, en 2015, à l'âge de 16 ans. Il a bénéficié d'une prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance et a suivi une formation diplômante en qualité d'électricien spécialisé dans les appareils industriels, à l'issue de laquelle il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle électricien et travaillé dans ce secteur jusqu'au premier refus de titre de séjour qui lui a été opposé en septembre 2021. S'il se prévaut de la présence en France de son premier fils né en 2019 de son union avec une ressortissante angolaise, les quelques éléments qu'il produit, qui consistent en trois billets de train, deux virements peu probants et une attestation d'assurance scolaire, ne suffisent pas à démontrer qu'il entretiendrait des liens particuliers avec cet enfant qui vit avec sa mère à Belfort. S'il se prévaut ensuite de la naissance d'un second enfant en février 2024 de son union avec une ressortissante congolaise bénéficiant d'une carte de séjour pluriannuelle en France, de sa contribution active à l'éducation de cet enfant et de leur établissement à un domicile commun, ces circonstances, et notamment la naissance de l'enfant et sa reconnaissance, postérieures à la décision de refus de séjour contestée ne peuvent être prises en compte dans l'examen de sa légalité. Enfin, bien qu'entré en France en 2015, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en dehors des emplois qu'il a occupés, et bien que justifiant d'offres d'emploi en cas de régularisation, il ait noué, à la date de la décision contestée, des liens d'une particulière intensité sur le territoire français, alors même qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à ses 16 ans et qu'y résiderait à minima un frère ou une sœur, tel qu'il l'a déclaré lors de sa première demande de titre de séjour. S'il soutient que ses parents sont décédés, il ne produit aucun élément de nature à l'établir, alors qu'il a déclaré lors de sa première demande de titre de séjour qu'ils résidaient en République démocratique du Congo. Ainsi, et alors qu'il a déjà fait l'objet d'un précédent refus de titre de séjour, les éléments dont le requérant se prévaut ne caractérisent pas des motifs exceptionnels ou des circonstances humanitaires justifiant la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doivent être écartés.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Compte tenu des circonstances exposées au point 8, le préfet de la Gironde n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En quatrième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatives, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

12. Dans les circonstances rappelées au point 8, et compte tenu de l'absence d'éléments circonstanciés relatifs aux liens qu'il entretiendrait avec son premier enfant et de ce que la décision de refus de séjour contestée n'a pas pour conséquence de séparer le deuxième enfant né en 2024 de son père, le moyen tiré de ce qu'elle méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.

La rapporteure,

Héloïse C...La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX02680


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02680
Date de la décision : 12/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : ABADEL-BELHAIMER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-12;24bx02680 ?
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