Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 août 2023 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2400516 du 19 juin 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 14, 24 octobre et 6 novembre 2024,
M. B..., représenté par Me Chamberland-Poulin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 juin 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 août 2023 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un certificat de résidence algérien ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ainsi que de procéder sans délai à l'effacement de son inscription au fichier Système d'information Schengen aux fins de non-admission ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxe (HT), soit
1800 euros toutes taxes comprises (TTC), en application des dispositions des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991 et de le condamner aux entiers dépens.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît le droit à être entendu garanti par les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée, elle méconnaît son droit à être entendu et est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2025, le préfet de la Gironde conclut au rejet la requête et renvoie à son mémoire produit en première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du
19 septembre 2024.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité algérienne né le 25 novembre 1979, est entré irrégulièrement en France le 20 juin 2021, selon ses déclarations. Il a sollicité le 17 mars 2023 son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles. Par arrêté du
11 août 2023, le préfet de la Gironde a refusé de délivrer au requérant un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
M. B... relève appel du jugement du 19 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
3. D'une part, la décision par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour ne relève pas du champ d'application du droit de l'Union européenne. D'autre part, les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adressent exclusivement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Dans ces conditions, le requérant ne saurait utilement soutenir que son droit d'être entendu, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aurait été méconnu.
4. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucun des termes de la décision attaquée que le préfet n'aurait pas, contrairement à ce que soutient le requérant, procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle, notamment de son état de santé et de son historique médical. Par suite, ce moyen doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".
6. En vertu des dispositions précitées, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance du certificat de résidence prévu au 7 de l'article 6 de l'accord
franco-algérien du 27 décembre 1968, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
7. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a indiqué dans son avis du
12 juillet 2023 que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour contester cet avis, que s'est approprié la décision préfectorale contestée, M. B... fait valoir qu'il a été victime en 2001 d'une agression à la machette par un policier emportant une section complète du nerf sciatique en cuisse gauche, qu'il souffre d'une ostéite chronique avec un œdème et des douleurs chroniques au niveau du pied gauche, ainsi qu'un état de stress post-traumatique et dépressif ayant entrainé deux tentatives de suicide en Algérie. Il soutient qu'en France il peut bénéficier d'un suivi adéquat, notamment s'agissant du traitement conservateur de sa jambe et de son pied, qui a été privilégié sur l'amputation initialement envisagée, et qu'un retour en Algérie entrainerait certainement une telle amputation. Toutefois, s'il ressort des certificats médicaux et ordonnances produits, que M. B... nécessite un suivi régulier et des soins quotidiens, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, et notamment pas du seul certificat médical d'un professeur C... daté de 2018, ou des éléments de contexte généraux sur la prise en charge en Algérie de certaines maladies, que ce dernier ne puisse, comme indiqué par le collège de médecins de l'OFII, bénéficier des soins adéquats de sa jambe et de son pied dans son pays d'origine. Il en est de même de sa pathologie psychiatrique alors que l'antidépresseur qui lui a été prescrit est au nombre des médicaments disponibles en Algérie. Dans ces conditions, les éléments produits ne permettent pas de remettre en cause l'avis précité de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du
27 décembre 1968 doit être écarté.
8. En quatrième lieu, M. B... se borne à reprendre en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui a été apportée par le tribunal administratif de Bordeaux sur ce point, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
11. La décision contestée vise les textes dont elle fait application, et notamment le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique la teneur de l'avis du collège des médecins de l'OFII rendu le 12 juillet 2023. Elle mentionne tant les motifs de droit que les éléments de fait caractérisant la situation du requérant et précise notamment que l'intéressé ne démontre aucunement l'intensité et la stabilité de ses liens privés, familiaux et sociaux en France. Dans ces conditions, elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
12. En troisième lieu, tout comme pour la décision de refus de séjour, il ne ressort d'aucun des termes de la décision attaquée que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. B....
13. En quatrième lieu, M. B... soutient que la décision attaquée a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne précité. Il est constant que, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'une mesure d'éloignement du territoire français, avec ou sans délai de départ volontaire, à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays où il serait légalement admissible, ainsi que d'une interdiction de retour. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ou de compléter ses observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français, sur l'octroi ou non d'un délai de départ volontaire, sur la fixation du pays de destination et sur l'interdiction de retour, lesquelles sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait vainement sollicité un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché, lors du dépôt et au cours de l'instruction de sa demande de titre de séjour, de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de sa situation personnelle et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté.
15. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
16. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions dont il ne remplit pas les conditions. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
18. En deuxième lieu, comme retenu par les premiers juges, en se bornant à se prévaloir des circonstances exposées au point 7, M. B... n'établit pas qu'en fixant le pays de destination, le préfet de la Gironde a méconnu les stipulations de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aux termes duquel " nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " , prohibition également reprise à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
19. En troisième lieu, M. B... se borne à reprendre en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui a été apportée par le tribunal administratif de Bordeaux sur ce point, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 11 août 2023. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.
La rapporteure,
Héloïse D...La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX02448