Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la commune du Pêchereau à lui verser la somme de 235 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont elle a été victime, d'annuler l'arrêté de radiation des cadres du 14 mars 2019 ainsi que l'avertissement du 9 juillet 2018 et d'écarter des débats la pièce n°39 qui est couverte par le secret de l'enquête pénale.
Par un jugement n°2101409 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrées les 29 mars 2024, 12 juillet 2024 et 27 février 2025, Mme B..., représentée par Me Benoit, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 janvier 2024 du tribunal administratif de Limoges;
2°) de condamner la commune du Pêchereau à lui verser la somme de 235 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont elle a été victime ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Pêchereau la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif de Limoges a commis une erreur d'appréciation des faits de l'espèce dès lors que les faits dénoncés constituaient bien un harcèlement moral ;
- l'absence de matériel informatique et d'un bureau dédié entravant le bon exercice de ses fonctions, sa mise à l'écart et les mails nocturnes envoyés ainsi que l'agression physique qu'elle a subie de son employeur sont des agissements constitutifs de harcèlement moral ;
- son préjudice moral subi au titre du harcèlement moral doit être évalué à la somme de 235 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 juin 2024, le 11 février 2025 et le 20 mars 2025, la commune du Pêchereau conclut au rejet de la requête et ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,
- et les observations de Me Benoit représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée par la commune du Pêchereau le 24 août 2015 en qualité d'adjointe technique territoriale, puis à compter du 1er septembre 2015 en qualité d'adjointe territoriale d'animation de 2nde classe. Elle a été nommée sur le poste de " directrice de l'accueil de loisirs TAP " (temps d'accueil périscolaire) et était en charge de la régie de la cantine scolaire de la commune. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 2 juillet 2018 jusqu'au 2 janvier 2019. Suite à une contrevisite médicale effectuée le 27 décembre 2018, le médecin a émis un avis favorable à la reprise du travail. La commune a alors mis en demeure à trois reprises Mme B... de réintégrer ses fonctions, sans succès. Par un arrêté du 14 mars 2019, la commune du Pêchereau a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste. Le 30 juin 2021, Mme B... a adressé à la commune une demande préalable aux fins d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison d'un harcèlement moral pour un montant de 235 000 euros. Devant le silence de la commune, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Limoges et elle relève appel du jugement du 30 janvier 2024 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande d'indemnisation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".
3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
4. En premier lieu, Mme B... fait valoir que ses conditions de travail ont été rendues difficiles en l'absence de mise à sa disposition d'un bureau particulier et d'un ordinateur personnel nécessaires à ses fonctions de régisseur, et du fait du manque de personnel l'obligeant à suppléer l'absence d'un animateur. Toutefois, eu égard à la petite taille de la commune du Pêchereau, qui compte 1 800 habitants, et par conséquent à ses moyens budgétaires limités, les circonstances que la requérante n'ait pas pu disposer d'un bureau personnel, qu'elle ait dû remplacer un animateur et qu'elle ait dû réaliser ses tâches de gestion sur un ordinateur partagé avec d'autres agents ne sauraient caractériser des actes de harcèlement.
5. En deuxième lieu, Mme B... soutient également avoir été victime de dénigrements et d'actes vexatoires de la part de son employeur. Toutefois, d'une part, il ne ressort pas des courriels qu'elle produit que les propos de l'élue en charge de la gestion de l'école aient dépassé le cadre des remarques ou questionnements d'ordre professionnel. D'autre part, si des courriels lui ont été adressés à des heures tardives, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'élue à l'origine de ces documents aurait exigé que Mme B... en prenne connaissance immédiatement et il ne lui a pas davantage été reproché de ne pas avoir pris connaissance de ces courriels avant sa prise de service le lendemain matin. Enfin, si la requérante joint un témoignage anonyme relatant des agissements de harcèlement moral qu'elle subissait, cet unique élément, au demeurant rédigé en des termes très généraux et non circonstanciés, ne permet pas d'établir la matérialité du harcèlement moral allégué.
6. En dernier lieu, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que Mme B... aurait été victime d'une agression physique le 1er juillet 2018 de la part de l'élue en charge de l'école. Par suite, en l'absence d'élément au soutien de ses allégations, les faits invoqués ne sauraient être regardés comme étant établis.
7. Il résulte de ce l'ensemble de ce qui précède qu'aucun des éléments invoqués par l'appelante n'est de nature à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre.
8. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à être indemnisée du préjudice moral résultant de faits de harcèlement moral.
Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Pêchereau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme que demande la commune du Pêchereau sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée
Article 2 : Les conclusions de la commune du Pêchereau tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune du Pêchereau.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-rapporteure,
Mme Carine Farault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.
Le président,
Luc Derepas
La présidente-rapporteure,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00799