Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un arrêt avant-dire droit n° 21BX03537 du 19 décembre 2023, la cour, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, a sursis à statuer sur la requête de la société civile immobilière (SCI) Cop et Co, jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois impartis à la société IEL Exploitation 72 pour notifier à la cour une autorisation environnementale modificative.
Par des mémoires, enregistrés les 19 avril 2024, 17 juin 2024, 20 juin 2024 et 2 juillet 2024, les parties ont échangé sur le délai supplémentaire nécessaire à la mesure de régularisation, puis ont informé la cour du planning d'exécution de la mesure de régularisation ordonnée par l'arrêt du 19 décembre 2023.
Par des mémoires enregistrés les 19 novembre 2024 et 14 mars 2025, la société IEL Exploitation 72, représentée par Me Deldique, a transmis à la cour la décision du 5 novembre 2024 du préfet de la Charente lui donnant acte du complément apporté à l'étude de dangers et permettant selon elle la régularisation de l'autorisation environnementale du 4 mai 2021. Elle demande également qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SCI Cop et Co.
Elle fait valoir que la régularisation est complète et que le nouveau moyen soulevé par la SCI requérante est inopérant dès lors, d'une part, que les moyens ont été cristallisés deux mois après la présentation du premier mémoire en défense et, d'autre part, que seuls les moyens dirigés contre la mesure de régularisation décidée par le juge sont désormais recevables.
Par un mémoire enregistré le 27 février 2025, la SCI Cop et Co, représentée par Me Cadro, conclut à l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2021 par lequel la préfète de la Charente a délivré à la société IEL Exploitation 72 une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Vervant et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que le projet est mitoyen d'un projet de parc éolien sur les communes d'Amberac, Coulonges, Villognon et Xambes, qui a reçu un avis défavorable du ministre des armées eu égard au transfert de l'école de chasse de Tours nécessitant la mise en œuvre de zones d'entrainement supplémentaires à proximité de ce parc. Il en va de même pour le parc situé sur les communes de Maine de Boixe et Cellettes qui a reçu un avis défavorable du ministre des armées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,
- et les observations de Me Cadro représentant la SCI Cop et Co et Me Deldique représentant la société IEL Exploitation 72.
Considérant ce qui suit :
1. La société IEL Exploitation 72 a déposé le 11 avril 2019 une demande d'autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre éoliennes d'une hauteur de 150 mètres et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Vervant. Par un arrêté du 4 mai 2021, la préfète de la Charente a délivré à la société l'autorisation sollicitée. Par la requête n°21BX03537, la SCI Cop et Co demande l'annulation de cet arrêté.
2. Par un arrêt avant-dire droit n°21BX03537 du 19 décembre 2023, la cour, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, a sursis à statuer sur la requête de la SCI Cop et Co, jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois impartis à la société IEL Exploitation 72 pour justifier d'une mesure de régularisation du vice entachant l'arrêté du 4 mai 2021. Le vice retenu par la cour est tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact, en ce que l'étude de dangers, qui est l'une de ses composantes, n'a pas prise en compte l'existence, sur le site du projet, d'une carrière à ciel ouvert de calcaire pourtant autorisée à la date du dépôt du dossier de demande d'autorisation. La cour a estimé que cette omission, alors que des risques spécifiques devaient être pris en compte dès lors que deux des quatre éoliennes étaient destinées à s'implanter sur le même site que la carrière, avait nui à l'information du public et avait été de nature à exercer une influence sur la décision prise. Elle a en conséquence décidé que cette insuffisance avait été de nature à vicier la procédure et à entrainer l'illégalité de la décision attaquée. La société IEL Exploitation 72 a transmis à la cour la décision du 5 novembre 2024 du préfet de la Charente lui donnant acte du complément apporté à l'étude de dangers et permettant selon elle la régularisation de l'autorisation environnementale du 4 mai 2021.
Sur la régularisation de l'arrêté du 4 mai 2021 :
3. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (...) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".
4. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 181-18 du code de l'environnement, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant-dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'afin de régulariser l'autorisation contestée, la société IEL Exploitation 72 a élaboré une étude de dangers actualisée et complétée suite aux demandes du préfet, portant sur les risques engendrés par la proximité de la carrière G2 pierres. Il résulte de l'instruction que cette étude analyse les risques, les localise, évoque les différents scénarios d'accident possibles, envisage les mesures de sécurité, prévoit les possibilités de mouvements de terrains notamment dus aux vibrations ou à l'utilisation d'explosifs, évalue la gravité des accidents potentiels et expose les mesures propres à réduire la probabilité et les effets de ces accidents, dont l'origine pourrait provenir des éoliennes ou de l'activité de la carrière. Ainsi, le contenu de cette étude, qui justifie que le projet permet d'atteindre un niveau de risque acceptable même en cas d'accidents majeurs les plus significatifs, est en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation et répond aux exigences des articles L. 181-25 et D. 181-15-2 du code de l'environnement.
6. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'étude de dangers régulièrement constituée ainsi qu'il a été dit ci-dessus a été soumise à une participation du public du 17 au 31 octobre 2024 par voie électronique, ainsi que cela ressort de l'attestation délivrée par les services de la préfecture et conformément à l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement.
7. Enfin, dès lors que l'étude de dangers n'a révélé aucune nécessité de modifier ou compléter par des prescriptions complémentaires l'autorisation initiale contestée, le préfet a pu se borner, par une décision du 5 novembre 2024, à " donner acte " des éléments présentés par la société pétitionnaire dans le " porter à connaissance " mis à jour au 12 septembre 2024.
Sur l'autre moyen :
8. La SCI requérante soutient que le projet en cause est mitoyen de projets de parcs éoliens sur les communes d'Amberac, Coulonges, Villognon et Xambes, et de Maine de Boixe et Cellettes, lesquels ont reçu des avis défavorables du ministre des armées eu égard au transfert de l'école de chasse de Tours à Cognac nécessitant la mise en œuvre de zones d'entrainement supplémentaires à proximité de ces parcs en projet. Toutefois, ce moyen ne porte ni sur les vices que la mesure de régularisation a pour objet de régulariser, ni sur des vices propres à cette mesure, et n'a pas été révélé par la mesure de régularisation. Il doit dès lors être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le vice entachant l'arrêté du 4 mai 2021 tiré de l'insuffisance de l'étude de dangers, relevé par l'arrêt avant dire droit du 19 décembre 2023 de la cour, a été régularisé par la décision du préfet de la Charente du 5 novembre 2024. Par suite, la requête présentée par la SCI Cop et Co tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente du 4 mai 2021 doit être rejetée.
Sur les frais d'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont la requérante était fondée à soutenir qu'elle était illégale et dont elle est, par son recours, à l'origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'elle présente à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Cop et Co est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société IEL Exploitation 72 tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Cop et Co, à la société IEL Exploitation 72 et à la ministre de la transition de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera délivrée au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-rapporteure,
Mme Carine Farault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.
Le président,
Luc DerepasLa présidente-rapporteure,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de la transition de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX03537