Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 mars 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours.
Par un jugement n° 2402155 du 29 octobre 2024, le tribunal administratif de Bordeaux, a constaté un non-lieu à statuer sur les demandes de M. B... à l'exception de celle dirigée contre le refus de délivrance d'un titre de séjour, qu'il a rejetée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 novembre 2024 et le 13 mars 2025, M. B..., représenté par Me Landète, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 29 octobre 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de renouvellement de son certificat de résidence algérien été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il est marié depuis mars 2018 avec une ressortissante espagnole qui vit régulièrement en France depuis 2006 ; ils ont deux enfants nés en France en 2018 et 2020, de nationalité espagnole ; l'atteinte à l'ordre public que sa présence constituerait en France, retenue par le préfet, n'est pas fondée eu égard à l'absence de gravité des délits qui lui ont été reprochés, constitués de la conduite d'un véhicule sans permis et sans assurance ; il ne peut être tenu compte des mentions du fichier des antécédents judiciaires, qui ne correspondent pas à des faits établis ni davantage des mentions d'un fichier similaire tenu par les autorités espagnoles ; il a obtenu un titre de préparateur de commandes et a pu travailler pendant les quatre années d'instruction de sa demande de renouvellement du certificat de résidence grâce aux récépissés périodiques dont il a bénéficié ; son épouse a également travaillé ; il n'a plus de famille en Algérie ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3§1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2025, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.
Par une ordonnance du 6 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 avril 2025 à 12h00.
M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut,
- et les observations de Me Vinial, substituant Me Landète, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 1er avril 1989, est entré irrégulièrement en France en 2016 selon ses déclarations. Il s'est vu délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " valable du 22 novembre 2019 au 21 novembre 2020, dont il a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 26 mars 2024, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours, dans la perspective de son éloignement. M. B... relève appel du jugement du 29 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement et ses décisions accessoires ainsi que sur celles dirigées contre l'assignation à résidence, a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de renouvellement de son certificat de résidence algérien par arrêtés du 26 mars 2024.
Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 5 décembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions de l'appelant tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont dépourvues d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une d'rée supérieure à 'rois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent un activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. /(...) ". Aux termes de l'article L. 233-3 du même code : " Les ressortissants étrangers mentionnés à l'article L. 200-5 peuvent se voir reconnaître le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 233 2. ".
4. Si en se prévalant de l'activité salariée de son épouse, de nationalité espagnole, M. B... doit être regardé comme soutenant qu'il peut bénéficier d'un droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois en qualité de membre d'une famille d'une citoyenne de l'Union européenne en application des articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'établit pas, y compris en tenant compte des pièces produites en appel, qu'à la date de la décision attaquée, son épouse était employée de manière continue et percevait des revenus réguliers assurant à la famille des ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale. Le préfet n'a ainsi pas méconnu ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement en France à l'âge de 27 ans et ne peut justifier d'une insertion professionnelle stable. S'il se prévaut de son mariage avec une ressortissante espagnole, célébré en mars 2018, et de la scolarisation en France de leurs enfants de même nationalité, la cellule familiale peut toutefois être maintenue, notamment en Espagne où vivent les parents de chacun des époux et la fratrie du requérant ainsi que la fille ainée de celui-ci. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... est très défavorablement connu des services de police avec plusieurs antécédents en Catalogne pour vol simple, usurpation d'identité, délit routier, falsification de documents, violences volontaires et qu'il a été condamné en France, le 24 janvier 2023, au paiement d'une amende pour conduite d'un véhicule sans permis et sans assurance en récidive. Au vu de ces éléments et compte tenu de la réitération des faits délictueux, alors même qu'ils n'ont pas tous été commis en France, en considérant que la présence en France du requérant est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française et en refusant de renouveler son certificat de résidence algérien, le préfet de la Gironde n'a pas fait une inexacte application des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco algérien ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des effets de la décision sur sa situation personnelle.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être énoncées et dès lors que le refus de renouvellement du titre de séjour en litige n'a ni pour effet ni pour objet de séparer l'appelant de ses filles, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur la demande de M. B... tendant à être admis au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.
La rapporteure,
Valérie Réaut
Le président,
Laurent PougetLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 24BX02763 2