Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du
30 septembre 2022 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2305005 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Autef, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2022 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable, la date de notification de la décision d'aide juridictionnelle ne pouvant être établie ;
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourra pas, eu égard à la circonstance qu'il habite en zone rurale isolée et aux insuffisances du système de soins marocain, bénéficier dans ce pays de la prise en charge rééducative dont il fait l'objet en France, et dont la poursuite est requise par son état séquellaire à la suite d'une agression, qui nécessite par ailleurs de se déplacer en fauteuil roulant électrique ; il justifie en appel, par la production d'un article issu de la revue marocaine de santé publique, des difficultés pratiques et quotidiennes d'accès aux soins pour les personnes en situation de handicap ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il ne justifiait pas contribuer à l'entretien et l'éducation de son fils, cette contribution devant s'apprécier à proportion de ses ressources, ainsi qu'en dispose l'article 371-2 du code civil ; il produit trois attestations, dont l'une de la mère de son enfant, dont il s'est séparé lorsque le jeune B... avait trois ans, qui font apparaître la réalité des liens qu'il a pu tisser avec son fils et qui indiquent qu'il lui achète des vêtements et des chaussures ; il produit également des prescriptions de transport pour lui rendre visite ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du fait de l'intensité des liens qui l'unissent à son fils ;
- elle méconnaît l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'une enquête pénale est en cours dans le cadre de l'agression dont il a été victime le 16 octobre 2021 ; c'est à tort que le tribunal a estimé que le " numéro parquet " n'établissait pas l'existence d'une plainte à raison de ces faits et qu'il ne justifiait pas de la nécessité de comparaître personnellement ; il aura besoin d'une expertise pour chiffrer son préjudice et cela implique sa présence sur le territoire ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 5° et du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors qu'elle prive son fils de la présence de son père à ses côtés ;
En ce qui concerne le pays de renvoi :
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2025, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il s'en rapporte à ses écritures de première instance, qu'il produit.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
1er février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant marocain né le 26 décembre 1987, a déclaré être entré en France le 8 janvier 2015. Le 16 mai 2022, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 septembre 2022, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement n° 2305005 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées et sans avoir à rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est pris en charge au centre de soins médicaux et de réadaptation de la Tour de Gassies, où il bénéficie de soins de rééducation en raison d'une tétraplégie traumatique C4 ASIA complète, ainsi que d'une entorse avec protrusion discale et contusion intra-médullaire au niveau de C3 et C4, consécutives à une chute survenue le 16 octobre 2021, qu'il impute à une agression dont il aurait été la victime. Toutefois, en se bornant à produire en appel un article de la revue marocaine de santé publique, publié en 2017, faisant état de l'insuffisance du développement des services de soins de suite et de réadaptation dans le secteur public marocain, il n'apporte pas d'élément précis de nature à remettre en cause l'avis des médecins du collège de l'OFII du 30 août 2022, dont le préfet s'est approprié les termes, indiquant que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé marocain, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
6. M. A..., qui n'a pas présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, soutient participer à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française, né le 21 novembre 2016, qu'il n'a reconnu que le 19 novembre 2021. Cependant, ni les trois attestations très insuffisamment circonstanciées et rédigées dans des termes quasiment similaires par deux de ses amis ainsi que par la mère de l'enfant, ni les quelques prescriptions de transport médicalisé depuis la Tour de Gassies jusqu'au domicile de la mère et de l'enfant, dont certaines sont au demeurant postérieures à la décision attaquée, ne sont de nature à l'établir, alors au demeurant que la condition de durée de participation à l'entretien et l'éducation de l'enfant n'est pas remplie. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'étranger qui invoque la protection du droit à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
8. Au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
M. A... se prévaut de l'intensité des liens l'unissant à son fils. Toutefois, ainsi qu'il a été précédemment exposé, il n'en justifie pas par les pièces produites, alors que, par ailleurs, il ressort de sa demande de titre de séjour qu'à l'exception de son enfant, le reste de sa famille, composée de sa mère et de son frère, réside au Maroc. Enfin, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, s'il est présent sur le territoire français depuis 2015, l'essentiel de son séjour a été effectué dans des conditions irrégulières, l'intéressé n'ayant sollicité la délivrance d'un titre de séjour que le 16 mai 2022. Dans ces conditions, le refus de séjour en litige n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ".
10. M. A... réitère en appel le moyen tiré de ce que, en raison de la procédure pénale pendante relative à l'agression dont il aurait été victime le 16 octobre 2021, le refus de séjour qui lui a été opposé méconnaîtrait l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales consacrant le droit à un procès équitable. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la seule mention dans ses écritures d'un numéro qu'il indique être un " numéro parquet ", non assortie de la production de pièce, ne permet pas d'établir l'existence d'une plainte déposée par l'intéressé et d'une enquête pénale en cours. En tout état de cause, une telle décision ne fait pas obstacle par elle-même à ce que, dans l'hypothèse où le parquet déciderait d'engager des poursuites, il puisse, muni d'un visa de court séjour, assister personnellement à l'audience au cours de laquelle son affaire sera appelée ou, à défaut d'un tel document, qu'il s'y fasse représenter. En l'absence de tout élément de nature à établir la nécessité d'une expertise à laquelle il devrait se soumettre personnellement dans un délai proche, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à un procès équitable doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) "
13. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 et 6 que le requérant ne peut pas se prévaloir des dispositions précitées des 5° et 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen doit être écarté.
14. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points 8 et 10 que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
15. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
16. M. A... soutient que la décision en litige méconnaîtrait l'intérêt supérieur de son fils dès lors qu'elle aura pour effet de le priver de la présence de son père. Toutefois, et ainsi que cela a déjà été dit, l'intéressé n'établit pas contribuer effectivement à son entretien et à son éducation, ni même avoir tissé avec cet enfant des liens d'une particulière intensité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur le pays de renvoi :
17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Sabrina Ladoire, première conseillère,
M. Antoine Rives, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.
Le rapporteur,
Antoine C...
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24BX02836