Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler les décisions des 27 juillet et 18 août 2020 par lesquelles l'association Qualibat a déclaré non valide l'attestation de réussite à la formation " Efficacité énergétique " délivrée le 15 mai 2020 par l'institut pour le développement de l'efficacité énergétique (IDEE) et qu'il a fourni à l'appui de sa demande tendant à ce que lui soit reconnue la qualification " Reconnu garant de l'environnement " (RGE) et d'annuler, d'autre part, la décision du 25 mai 2020 par laquelle Certibat, service de l'association Qualibat, a suspendu l'agrément de l'organisme de formation IDEE.
Par un jugement n° 2100866 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 27 juillet 2020 du directeur régional de la délégation centre-ouest de l'association Qualibat et la décision du 18 août 2020 du directeur général de cette association refusant de reconnaître, à l'appui du dossier de demande de qualification RGE déposé par M. B..., la validité de l'attestation de réussite à la formation " Efficacité énergétique " délivrée le 15 mai 2020 par l'organisme de formation IDEE, a enjoint à l'association Qualibat de reconnaître la validité de cette attestation du 15 mai 2020 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2023, et des mémoires, enregistrés les 7 décembre 2023 et 15 avril 2024, l'association Qualibat, représentée par la SELARL AAPS Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler partiellement ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 mai 2023 en tant qu'il a annulé les décisions des 27 juillet et 18 août 2020 ;
2°) de rejeter les demandes de première instance de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 9 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est parfaitement recevable et la fin de non-recevoir opposée par M. B..., tirée de l'insuffisante motivation de sa requête, doit être écartée ;
- l'attestation de réussite délivrée par l'IDEE à M. B... est invalide en raison des manquements de l'IDEE à la réglementation prévue par l'arrêté du 19 décembre 2014, l'IDEE ayant permis à M. B... de suivre une formation et de réaliser son évaluation de fin de formation à distance ;
- la demande d'annulation par M. B... de la décision de suspension de l'agrément de l'IDEE du 25 mai 2020 est irrecevable dès lors que, d'une première part, la décision de la commission supérieure du 15 septembre 2020 s'est substituée à la décision du 25 mai 2020, de deuxième part, la décision du 25 mai 2020 ne fait pas grief à M. B..., de troisième part, M. B... ne dispose d'aucun intérêt à agir, tant à l'encontre de la décision du 25 mai 2020 qu'à l'encontre de celle du 15 septembre 2020 et, de dernière part, sa demande est tardive dès lors que sa requête a été déposée plus d'un an après la publicité des décisions des 25 mai et 15 septembre 2020 ;
- M. B... n'apporte aucun élément de nature à établir l'incompétence des signataires des décisions attaquées ;
- les décisions contestées par M. B... sont intervenues au terme d'une procédure régulière dès lors, d'une part, que l'invalidité de son attestation de formation ne procède pas de la suspension de l'agrément de l'IDEE qui n'a, au demeurant, pas rétroagi, et, d'autre part, le principe du contradictoire a été respecté dans le cadre des procédures ayant abouti aux décisions des 25 mai et 15 septembre 2020 ;
- les décisions contestées par M. B... sont parfaitement motivées ;
- les décisions des 25 mai et 15 septembre 2020 n'ont pas de portée rétroactive ;
- M. B... n'a plus d'intérêt à agir contre les décisions des 27 juillet et 18 août 2020 par lesquelles l'association Qualibat a invalidé son attestation de réussite dès lors qu'il a obtenu une nouvelle attestation de réussite, dans des conditions conformes à la réglementation, et a informé l'association Qualibat qu'il renonçait à sa demande de qualification RGE pour laquelle l'attestation de réussite litigieuse était nécessaire ;
- les décisions des 27 juillet et 18 août 2020 ont été prises par des autorités compétentes ;
- elles ont été prises au terme d'une procédure régulière ;
- elles sont motivées et parfaitement fondées dès lors que si la réglementation n'interdisait pas formellement le contrôle des connaissances à distance, cette modalité de contrôle n'était pas prévue par l'arrêté du 19 décembre 2014 et n'était donc pas autorisée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 novembre 2023, 13 février 2024 et 7 mai 2024, M. B..., représenté par Me Le Gall, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de confirmer le jugement attaqué ;
3°) de mettre à la charge de l'association Qualibat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le recours en appel est irrecevable faute de développer des moyens dirigés contre le jugement attaqué ;
- il dispose d'un intérêt à agir contre les décisions de l'association Qualibat refusant de lui reconnaître le bénéfice de son attestation de réussite ;
- les décisions par lesquelles l'association Qualibat a remis en cause le bénéfice de son attestation de réussite ont été prises par des autorités incompétentes ;
- ces décisions ne sont pas motivées en droit ;
- elles sont intervenues au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence de respect de la procédure contradictoire telle qu'elle est prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elles sont dépourvues de base légale et entachées d'erreur de droit dès lors qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne permettait à l'association Qualibat de refuser de reconnaître la validité d'une attestation de réussite délivrée par un organisme agréé lors de la délivrance de l'attestation et alors que l'agrément de l'organisme concerné n'a été suspendu que postérieurement à la délivrance de l'attestation ; en outre, aucune disposition n'interdisait clairement aux organismes de formation de procéder à des évaluations de fin de formation en distanciel ; enfin, les décisions contestées sont illégales en raison de leur portée rétroactive.
Par une décision n° 2023/009010 du 21 septembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 13 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 juin 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 19 décembre 2014 définissant les cahiers des charges des formations relatives à l'efficacité énergétique et à l'installation d'équipements de production d'énergie utilisant une source d'énergie renouvelable ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,
- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,
- et les observations de Me Batbare, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. L'association Qualibat est une association régie par la loi du 1er juillet 1901 qui a reçu de l'Etat, sous son contrôle, une mission de qualification et de certification des entreprises du bâtiment. Son service de certification des organismes de formation, Certibat, a, par deux agréments délivrés les 12 avril 2016 et 30 mars 2018, autorisé l'Institut pour le développement de l'efficacité énergétique (IDEE) à dispenser la formation " Efficacité énergétique " et le module " Rénove ", destinés aux professionnels réalisant des travaux concourant à améliorer la performance énergétique du bâtiment dans le cadre du dispositif RGE, label " Reconnu garant de l'environnement ". Le 15 avril 2020, M. B..., auto-entrepreneur, a conclu une convention de formation professionnelle avec l'IDEE aux fins de suivre la formation " Efficacité énergétique " et obtenir la certification RGE. A l'issue de sa formation, M. B... a obtenu une attestation de réussite le 15 mai 2020. Par décision du 25 mai suivant, Certibat a décidé de suspendre les agréments délivrés à l'IDEE après avoir relevé une non-conformité majeure aux dispositions de l'Agrément Efficacité énergétique. Cette décision a été confirmée par la commission supérieure de l'association Qualibat le 15 septembre 2020. Puis, par deux décisions des 27 juillet 2020 et 18 août 2020, l'association Qualibat a invalidé l'attestation de réussite délivrée à M. B.... Par un jugement n° 2100866 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Limoges a déclaré irrecevables les conclusions aux fins d'annulation de M. B... dirigées contre les décisions des 25 mai et 15 septembre 2020 suspendant l'agrément de l'IDEE et annulé les décisions des 27 juillet et 18 août 2020 par lesquelles l'association Qualibat a refusé de reconnaître la validité de l'attestation de réussite à la formation " Effacité Energétique " délivrée par l'IDEE, le 15 mai 2020, à M. B.... Par la présente requête, l'association Qualibat interjette appel de ce jugement en tant qu'il annule les décisions des 27 juillet et 18 août 2020 et lui enjoint de reconnaître la validité de l'attestation délivrée le 15 mai 2020 à M. B....
Sur le bien-fondé du jugement en ce qu'il annule les décisions des 27 juillet et 18 août 2020 :
2. En premier lieu, la circonstance que M. B... a informé l'association Qualibat, par courriel du 9 février 2023, qu'il ne pouvait répondre au dossier de qualification du RGE Menuiserie en l'absence d'un certain nombre de pièces qui étaient demandées, n'est pas de nature à le priver d'un intérêt à agir contre les décisions attaquées.
3. En second lieu, pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif de Limoges a jugé qu'aucun texte n'imposait à l'organisme de formation IDEE de faire subir à ses stagiaires un QCM en présentiel pour procéder au contrôle des connaissances relatif à la formation intitulée " devenir RGE ", suivie par M. B....
4. D'une part, il ressort de la convention conclue entre l'Etat et Certibat que les formations effectuées par les organismes agréés par Certibat sont réputées conformes aux dispositions de l'arrêté du 19 décembre 2014. Aux termes de l'article 11 de l'arrêté du 19 décembre 2014 : " Le contrôle individuel de connaissance des stagiaires porte sur l'ensemble des objectifs pédagogiques des volets théoriques et, le cas échéant, pratiques des formations. Le contrôle individuel des connaissances théoriques des stagiaires est établi à partir d'un questionnaire à choix multiple ou d'un questionnaire à réponses courtes composé de trente questions. / L'organisme de formation organise le contrôle individuel des connaissances théoriques en fin de formation (...) ". Aux termes de l'article 12 de ce même arrêté : " Pour chaque stagiaire, l'organisme de formation compose le questionnaire mentionné au deuxième alinéa de l'article 11 à partir d'un outil, fourni par l'organisme de contrôle de la formation qui a agréé l'organisme de formation, qui sélectionne les questions de manière aléatoire dans une base de données mise à jour et transmise aux organismes de contrôle de la formation par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ".
5. D'autre part, l'article 3.5 du référentiel de l'agrément des formations relatives aux travaux en efficacité énergétique dans le cadre du dispositif RGE relatif au " contrôle individuel des connaissances ", reprenant l'arrêté du 19 décembre 2014 précité, prévoit que " L'organisme de formation doit mettre en place, en fin de formation, à partir du 1er janvier 2015 un contrôle individuel des connaissances portant sur l'ensemble des objectifs pédagogiques. Il est établi à partir d'un questionnaire à choix multiple ou d'un questionnaire à réponses courtes, composé de trente questions sélectionnées aléatoirement dans une base de questions. La réglementation impose à CERTIBAT de mettre à disposition des organismes de formation, à partir du 1er juillet 2015, un outil permettant de générer à distance des QCM. (...) ". Enfin, le mode d'emploi relatif à la gestion des QCM depuis l'espace réservé à Certibat et aux centres de formation agréés par Certibat indique dans son paragraphe 3.4 intitulé " Passage QCM en ligne " : " (...) les évaluations se dérouleront en ligne sur un site internet prévu à cet effet. Il faut donc prévoir le matériel informatique nécessaire pour permettre aux stagiaires de passer l'évaluation (un poste par candidat) (...) ".
6. Il ressort de ce qui précède, qu'en l'absence de toute interdiction faite aux organismes de formation de faire réaliser aux stagiaires l'évaluation de fin de formation à distance, l'association Qualibat ne pouvait régulièrement fonder les décisions en litige, refusant de reconnaître la validité de l'attestation délivrée à M. B..., sur ce motif. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, l'association Qualibat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé les décisions des 27 juillet et 18 août 2020 et lui a enjoint de reconnaître la validité de l'attestation délivrée à M. B... le 15 mai 2020.
Sur les frais liés au litige :
7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Le Gall, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée sur ce même fondement par l'association Qualibat.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association Qualibat est rejetée.
Article 2 : L'association Qualibat versera à Me Le Gall, avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Les conclusions de l'association Qualibat présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Qualibat, à M. B... et à Me Le Gall.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX02092