La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2025 | FRANCE | N°24BX02735

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 07 mai 2025, 24BX02735


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée à défaut de se conformer à cette mesure.



Par un jugement n° 2404696 du 18 septembre 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa dema

nde.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2024, et u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée à défaut de se conformer à cette mesure.

Par un jugement n° 2404696 du 18 septembre 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2024, et un mémoire enregistré le 31 mars 2025, non communiqué, Mme B..., représentée par Me Reix, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 septembre 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 12 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros TTC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le président du tribunal a jugé sa requête irrecevable en l'estimant tardive ;

- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur sa situation personnelle et méconnaissent les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- ces deux décisions sont entachées d'erreurs de fait dès lors que, contrairement à ce qu'a indiqué le préfet dans son arrêté, elle n'était pas célibataire et justifiait de son intégration en France ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée l'obligation de quitter le territoire français.

La requête de Mme B... a été communiquée au préfet de la Gironde qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/002811 du 17 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante arménienne née le 14 février 1992 à Erevan (Arménie), déclare être entrée en France le 27 juillet 2021. Le 5 janvier 2022, elle a sollicité l'asile qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 avril 2022, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 12 avril 2023. Par un arrêté du 12 juillet 2022, la préfète de la Gironde l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée à défaut de se conformer à cette mesure. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 18 septembre 2024 par lequel le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le motif retenu par le tribunal administratif :

2. Il résulte de la lecture du jugement attaqué que, pour rejeter la requête de Mme B... enregistrée le 24 juillet 2024, le tribunal s'est fondé sur le motif tiré de ce que sa requête était tardive. Il a en effet jugé que, si le pli recommandé contenant l'arrêté en litige ne précise pas la date à laquelle il a été présenté à l'adresse de l'intéressée, il a été retourné le 4 août 2022 à l'administration avec la mention " pli avisé et non réclamé " et que l'arrêté doit donc être regardé comme ayant été notifié à cette date, au demeurant plus favorable à l'intéressée.

3. Toutefois, en cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressée, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposé par voie de duplication la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'avis de réception attaché au pli recommandé contenant l'arrêté contesté, adressé à Mme B... et retourné à l'administration, comporte la rubrique " présenté/avisé " mais que celle-ci n'est pas remplie. Dès lors, en l'absence de preuve de ce que Mme B... a été avisée de l'existence d'un pli en instance et, par suite, de la notification régulière de ce pli, le délai de recours prévu par l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ne lui était pas opposable. Il s'ensuit que c'est à tort que, pour rejeter la requête de Mme B..., le tribunal administratif de Bordeaux a retenu le motif tiré de la tardiveté de sa requête.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Bordeaux et la cour.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a épousé le 12 octobre 2021 à Mont-de-Marsan (Landes) un compatriote en situation régulière, avec lequel elle a eu un enfant, né le 13 novembre 2024, soit postérieurement à l'arrêté en litige. A la date de l'arrêté attaqué, ce mariage était encore très récent et l'existence d'une vie commune antérieure au mariage ne ressort pas des pièces du dossier, son époux indiquant d'ailleurs avoir rencontré Mme B... en juillet 2021. Si son époux justifie de revenus perçus depuis 2019, ces revenus sont fluctuants et n'apparaissent pas suffisants pour subvenir aux besoins de sa famille. Il n'est pas davantage établi que son entreprise de peinture et de vitrerie, au demeurant créée en mars 2023, postérieurement à l'arrêté attaqué, lui assure des moyens d'existence suffisants. Mme B... n'allègue d'aucune autre attache privée ou familiale en France autre que son époux et leur enfant, tous de nationalité arménienne, et elle n'établit pas être isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Par ailleurs, la seule circonstance qu'elle a commencé à suivre des cours de français un mois avant l'arrêté en litige et qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de femme de ménage, non datée, n'est pas de nature à attester d'une intégration particulière en France. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté. Enfin, dans la mesure où la préfète de la Gironde aurait pris la même décision si elle n'avait pas commis d'erreur de fait sur la situation familiale de Mme B..., le moyen tiré d'une erreur de fait commise par la préfète doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. La décision litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme B... de son enfant. Si Mme B... vit en France avec son époux de même nationalité, rien ne fait obstacle, eu égard notamment au jeune âge de leur enfant, à la reconstitution de la cellule familiale en Arménie. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au conseil de Mme B... d'une somme au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2404696 du 18 septembre 2024 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel et la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 12 juillet 2022 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2025.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX02735


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02735
Date de la décision : 07/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : REIX

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-07;24bx02735 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award