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06/05/2025 | FRANCE | N°24BX02918

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 06 mai 2025, 24BX02918


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2302316 du 3 octobre 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête.



Procédure devant la cour :

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Par une requête enregistrée le 9 décembre 2024, Mme B... A..., représentée par Me Desroches, demande à la Cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2302316 du 3 octobre 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2024, Mme B... A..., représentée par Me Desroches, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2302316 du 3 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser son conseil en application des dispositions des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ou à lui verser directement en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative si l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordée.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; dès lors qu'elle est entrée régulièrement sur le territoire, le préfet aurait dû examiner sa situation afin de déterminer si elle pouvait bénéficier d'une dispense de visa de long séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé dans l'impossibilité de lui délivrer un titre de séjour au seul motif qu'elle ne disposait pas d'un visa de long séjour, sans examiner la possibilité de l'en dispenser en application de l'alinéa 2 de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreurs d'appréciation pour l'application des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qui concerne la preuve de son inscription universitaire au titre de l'année 2022-2023, le caractère suffisant de ses ressources et la régularité de son entrée en France ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet de la Vienne, qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 20 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2025.

Mme B... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/003090 du 07 novembre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) 2016/399 du parlement européen et du conseil du 9 mars 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante colombienne, est entrée en France le 8 mars 2022 selon ses déclarations. Après avoir sollicité un rendez-vous auprès de la préfecture de la Vienne pour une première demande de titre de séjour le 20 mai 2022, elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " le 14 septembre 2022. Par un arrêté du 18 juillet 2023, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Elle relève appel du jugement du 3 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2023.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 18 juillet 2023 précise tant les motifs de droit que les éléments de fait sur lesquels le préfet de la Vienne s'est fondé pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité. En particulier, il vise l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constitue le fondement en droit du titre de séjour " étudiant " et indique que la requérante ne remplit pas les conditions de délivrance d'un tel titre en l'absence de présentation d'un visa de long séjour, de preuve d'une inscription universitaire et de justifications de ressources suffisantes. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé. Par suite, ce moyen doit être écarté.

3. En second lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". L'article L. 412-3 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 412-1 l'autorité administrative peut, sans que soit exigée la production du visa de long séjour mentionné au même article, accorder les cartes de séjour suivantes : / 1° La carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " prévue à l'article L. 422-1 ; (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 6 du règlement (UE) 2016/399 du parlement européen et du conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : / a) être en possession d'un document de voyage en cours de validité autorisant son titulaire à franchir la frontière (...) ; / b) être en possession d'un visa en cours de validité si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) n o 539/2001 du Conseil ( 1), sauf s'ils sont titulaires d'un titre de séjour ou d'un visa de long séjour en cours de validité ; (...) ". En application des dispositions combinées de l'article 4 et de l'annexe II du règlement (UE) 2018/1806 du parlement européen et du conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, la Colombie figure parmi les pays tiers dont les ressortissants sont exemptés de l'obligation de visa lors du franchissement extérieure des frontières des États membres pour des séjours dont la durée n'excède pas 90 jours sur toute période de 180 jours.

5. Il résulte des dispositions citées au point 3 que la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " est en principe subordonnée à une condition de présentation d'un visa de long séjour. Toutefois, en vertu de son pouvoir de régularisation, le préfet peut, sous réserve d'une entrée régulière sur le territoire, dispenser l'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études, de la présentation d'un de visa long séjour dans certains cas particuliers, en tenant compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études.

6. Il ne ressort pas des termes de la décision de refus de séjour attaquée, tels que rappelés au point 2, que le préfet de la Vienne aurait commis une erreur de droit en s'estimant dans l'impossibilité de délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " à Mme B... A... en raison de la seule circonstance qu'elle ne disposait pas d'un visa de long séjour, et se serait abstenu de se livrer à un examen sérieux et complet de sa situation.

7. Il est constant qu'en qualité de ressortissante colombienne, la requérante était exemptée de l'obligation de détenir un visa pour franchir les frontières extérieures des États membres de l'espace Schengen pour un séjour prévu sur leur territoire d'une durée n'excédant pas 90 jours, en application des dispositions citées au point 4. Toutefois, cette exemption ne concerne pas un séjour supérieur à 90 jours en qualité d'étudiant, pour l'accomplissement duquel elle restait soumise à l'obligation d'obtenir préalablement un visa de long séjour. Si Mme B... A... indique avoir souhaité poursuivre ses études dans le domaine de la biologie en France et s'être inscrite au préalable au Centre français langues étrangères de l'université de Poitiers dans cet objectif, elle n'apporte cependant aucune explication sur les raisons pour lesquelles elle n'a pas sollicité de visa de long séjour. Par ailleurs, si elle établit avoir obtenu deux diplômes d'études de langue française de niveau A2 et B1 au cours de l'année universitaire 2022-2023, au terme de laquelle elle s'est préinscrite pour l'année universitaire de 2023-2024, elle n'établit pas qu'elle serait dans l'impossibilité de poursuivre ses études dans son pays d'origine, et il ne ressort des pièces du dossier aucune nécessité liée au déroulement de ses études de nature à justifier une dispense de visa de long séjour. Dans ces conditions, alors même que Mme B... A... démontre avoir perçu entre les mois de décembre 2022 et juin 2023 des revenus à hauteur de 6 504,94 euros, le préfet de la Vienne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, dès lors que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour sont écartés, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.

9. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Mme B... A... fait valoir l'exemplarité de sa scolarité au titre de l'année universitaire 2022-2023, au terme de laquelle elle a obtenu deux diplômes d'études de niveaux A2 et B1 avec la mention " bien ", son contrat à durée indéterminée à temps partiel afin de financer ses études, le suivi médical dont elle bénéficie depuis un accident du travail en février 2023, ainsi que son implication dans son travail et ses qualités humaines, soulignées par ses collègues de travail au moyen de diverses attestations. Toutefois, la requérante, qui est arrivée en France il y a moins de deux ans à la date de la décision attaquée, n'établit pas, par les seules pièces qu'elle produit, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France. Par ailleurs, elle ne démontre pas être dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans. Dans ces conditions, par la décision attaquée, le préfet de la Vienne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise, ni méconnu par conséquent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, dès lors que les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français sont écartés, le moyen tiré de ce la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale ne peut être accueillie.

12. En second lieu, l'arrêté attaqué vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constitue le fondement en droit de la décision fixant le pays de renvoi. Il indique également que Mme B... A..., ressortissante colombienne, n'établit pas être exposée à un risque de subir des peines ou des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui fondent cette décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi manque en fait et doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

14. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de Mme B... A... présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2025 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

Mme Vincent Bureau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

L'assesseure la plus ancienne,

Valérie RéautLe président-rapporteur,

Laurent Pouget Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 24BX02918 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02918
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;24bx02918 ?
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