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06/05/2025 | FRANCE | N°24BX00037

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 06 mai 2025, 24BX00037


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 20 juillet 2022 par laquelle le président de la communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud (MACS) a rejeté sa demande tendant à l'abrogation partielle du plan d'urbanisme intercommunal (PLUI) en tant qu'il a grevé d'une servitude de protection des zones humides les parcelles du territoire de la commune de Soustons dont elle est propriétaire, cadastrées section AD n° 19 et n° 20.



Par un jugement n° 2201937 du 8 novembre 2023, le tribunal administratif de Pau a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 20 juillet 2022 par laquelle le président de la communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud (MACS) a rejeté sa demande tendant à l'abrogation partielle du plan d'urbanisme intercommunal (PLUI) en tant qu'il a grevé d'une servitude de protection des zones humides les parcelles du territoire de la commune de Soustons dont elle est propriétaire, cadastrées section AD n° 19 et n° 20.

Par un jugement n° 2201937 du 8 novembre 2023, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2024, Mme A..., représentée par Me Wattine, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 8 novembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 20 juillet 2022 par laquelle le président de la communauté de communes MACS a refusé d'abroger le plan d'urbanisme intercommunal approuvé le 27 février 2020 en tant qu'il a grevé d'une servitude de protection des zones humides sa propriété de Soustons ;

3°) d'enjoindre au président de la communauté de communes MACS d'engager une procédure de modification du plan local d'urbanisme intercommunal dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes MACS une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa propriété ne saurait être qualifiée de zone humide au sens de l'article L. 211-1 du code de l'environnement pour la totalité de sa superficie de 12 600 m² dès lors qu'il n'est pas démontré que les plantes hygrophiles seraient présentes dans l'ensemble du terrain ; elle relève de la catégorie des terrains de fauche pour lesquels la méthode d'investigation mise en œuvre par les auteurs du plan local d'urbanisme pour identifier les zones humides est difficile à appliquer et doit conduire à une double recherche, à un inventaire floristique des lieux et à des sondages pédologiques des sols ; or, aucun sondage pédologique n'a été réalisé dans sa propriété contrairement à ce que le tribunal a retenu ;

- la servitude porte atteinte au principe de proportionnalité dès lors qu'elle couvre l'ensemble de l'unité foncière, ce qui excède l'objectif de protection de la zone humide, dont la présence ne saurait être identifiée qu'au droit de la frange boisée du terrain ;

- ce classement en zone humide est entaché de détournement de pouvoir dans la mesure où il est opportunément intervenu après que la commune a renoncé à acquérir le terrain dans le cadre du droit de délaissement qu'elle avait mis en œuvre, son bien étant alors affecté d'un emplacement réservé depuis vingt ans ; sa propriété est la seule au cœur du bourg de Soustons qui est qualifiée de zone humide.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2024, la communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud (MACS), représentée par la selarl HMS Atlantique Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2024 à 12h 00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Réaut,

- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,

- les observations de Me Wattine, représentant Mme A... ;

- et les observations de Me Cazcarra, représentant la communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 27 février 2020, le conseil communautaire de la communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud (MACS) a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) applicable sur son territoire. Par un courrier du 23 mai 2022, Mme A... a saisi le président de l'établissement public d'une demande tendant à l'abrogation du document d'urbanisme en tant que l'unité foncière dont elle est propriétaire à Soustons, composée des parcelles cadastrées section AD n° 19 et n° 20, est affectée d'une servitude de protection au titre des zones humides. Un rejet lui a été opposé par une décision du 20 juillet 2022. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement du 8 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 20 juillet 2022.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : (...) / 6. La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques (...) ". L'article L. 151-23 du même code prévoit que : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation. (...). Il peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant, les desservent. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, dans la version applicable au litige : " (...) on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année. ". Aux termes du I de l'article R. 211-108 du même code : " I.- Les critères à retenir pour la définition des zones humides mentionnées au 1° du I de l'article L. 211-1 sont relatifs à la morphologie des sols liée à la présence prolongée d'eau d'origine naturelle et à la présence éventuelle de plantes hygrophiles. Celles-ci sont définies à partir de listes établies par région biogéographique. En l'absence de végétation hygrophile, la morphologie des sols suffit à définir une zone humide. / En l'absence de végétation hygrophile, la morphologie des sols suffit à définir une zone humide. / (...). ".

3. L'article L. 151-23 du code de l'urbanisme permet au règlement d'un plan local d'urbanisme d'édicter des dispositions visant à protéger, mettre en valeur ou requalifier un élément du paysage ou un secteur à protéger dont l'intérêt le justifie. La légalité des prescriptions, qui doivent être proportionnées et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire à l'objectif recherché, s'apprécie au regard du parti d'urbanisme retenu, défini notamment par les orientations générales et par les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables. Une interdiction de toute construction ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de l'élaboration du document d'urbanisme en litige, la communauté de communes MACS a fait appel au bureau d'études de conseil et d'expertise en environnement Eliomys pour établir la cartographie des zones humides effectives au sein des zones à urbaniser du territoire intercommunal. Selon le rapport que ce bureau d'études a établi le 31 janvier 2019, la méthode d'identification appliquée a consisté, après la pré-localisation des sites concernés, en un examen sur place en vue d'identifier les espèces végétales relevant de la liste de l'annexe II de l'arrêté du 24 juin 2008 dont la présence est indicatrice de zones humides. Lorsque ces espèces hygrophiles se développent sur plus de 50 % du terrain observé, la zone est considérée comme une zone humide et, dans le cas contraire, l'étude est complétée par une analyse pédologique au moyen de sondages à la bèche ou bien à la tarière afin de dégager les profils du sol. C'est ainsi que l'unité foncière de Mme A... a été qualifiée de zone humide à la suite de l'analyse des types de végétation repérés sur place, relevant de la catégorie des hygrophiles, ce dont il a résulté, contrairement à ce qui est soutenu, qu'aucune étude complémentaire par sondage du sol n'était en l'espèce nécessaire. Par ailleurs, les experts n'ont pas répertorié les terrains de l'appelante, ni d'ailleurs les parcelles voisines, également qualifiées de zones humides, comme faisant partie des secteurs affectés d'un risque de mauvaise interprétation du caractère humide des lieux, même sur une partie de l'unité foncière. Si la requérante conteste la qualification issue de cette expertise, elle n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'analyse ainsi menée tant dans son principe que dans ses résultats. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la qualification juridique de " zone humide " a été retenue à tort en ce qui concerne l'unité foncière dont elle est propriétaire à Soustons.

5. D'autre part, compte tenu des objectifs du projet d'aménagement et de développement durables du PLUI, en particulier celui tenant à la protection des zones humides et celui tenant à la création de " corridors écologiques mettant en relation des noyaux de biodiversité et des zones d'urbanisation ", en décidant de protéger la zone humide constituée des parcelles de Mme A... ainsi que des terrains voisins situés au nord et au sud-est pour un motif d'ordre écologique tenant à la préservation d'un équilibre écologique, les auteurs du PLUI n'ont pas imposé une servitude qui ne serait pas proportionnée et nécessaire pour atteindre les objectifs recherchés. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme ne peut être accueilli.

6. En second lieu, la circonstance que la servitude de protection de la zone humide instaurée par le PLUI a fait obstacle au projet de cession de Mme A... au bénéfice d'un promoteur en charge d'un projet immobilier ne permet pas de considérer que la délibération en litige serait, sur ce point, entachée d'un détournement de pouvoir.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le PLUI est partiellement irrégulier ni, par suite, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juillet 2022 par laquelle le président de la communauté de communes MACS a refusé d'abroger ce document d'urbanisme. Par conséquent, les conclusions à fin d'injonction de l'appelante ainsi que les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

8. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes MACS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais liés au litige. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros à verser, au même titre, à la communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud.

.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera à la communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2025 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

M. Vincent Bureau, premier conseiller,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

Valérie RéautLe président,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au préfet des Landes en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX00037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00037
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Valérie RÉAUT
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : SELARL HMS ATLANTIQUE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;24bx00037 ?
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