Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Guyane Nature Environnement a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 28 mars 2022 par lequel le préfet de la Guyane a autorisé la SARL Socarmines à exploiter une mine aurifère alluvionnaire située sur la crique Prosper James Nord-Ouest à Roura, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2201317 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 13 et 19 juin 2023, l'association Guyane Nature Environnement, représentée par Me Le Briero, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 avril 2023 du tribunal administratif de la Guyane ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 28 mars 2022, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles afin de savoir si les articles L. 211-1, R. 181-53 et R. 212-13 du code de l'environnement sont conformes aux articles 1er et 4 de la directive 2000/CE/60 du 23 octobre 2000 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à agir ;
- le jugement est irrégulier par insuffisance de motivation ; d'une part, alors qu'elle avait clairement mentionné dans ses écritures les éléments de droit définissant le bon état écologique, à savoir l'article R. 212-10 du code de l'environnement, ainsi que et surtout l'extrait pertinent de l'annexe 1 de l'arrêté ministériel modifié du 25 janvier 2010 relatif aux méthodes et critères d'évaluation de l'état écologique, de l'état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface pris en application des articles R. 212-10, R. 212-11 et R. 212-18 du code de l'environnement (transposant l'annexe V de la directive cadre sur l'eau 2000/60/CE) définissant le très bon état écologique, le jugement s'est abstenu de les mentionner expressément alors même que l'examen de la légalité au fond de l'autorisation querellée l'exigeait assurément ; d'autre part, alors qu'elle avait clairement mentionné dans ses écritures les éléments substantiels de fait tenant au process d'exploitations aurifères alluvionnaires choisi par le pétitionnaire et in fine autorisé par l'administration et ne s'est donc pas contentée - comme l'indique à tort le jugement querellé - d'" évoquer les impacts généraux sur l'environnement de l'orpaillage en Guyane, légal ou illégal ", tiré de la littérature technique et scientifique en rapport et qu'elle a encore mis en lumière la dégradation de très nombreuses masses d'eau en très bon état écologique en relation avec l'exploitation minière aurifère qui résulte des éléments comparés des schémas directeurs d'aménagement et gestion des eaux successifs (SDAGE) de Guyane, ces éléments substantiels de fait ne sont pas mentionnés dans le jugement querellé ;
- le jugement est irrégulier par méconnaissance du principe du contradictoire ; le second mémoire en défense préfectoral n'a, en effet, pas été soumis au débat contradictoire ; or, aucune autre pièce du dossier ne fait état de " précisions ultérieures apportées par le pétitionnaire " (notamment le rapport d'instruction en commission des carrières, dont le contenu - mis à part l'identité du pétitionnaire et la localisation du site - est identique au mot près avec tous les rapports d'instruction de même nature présentés à cette commission) ;
- le jugement est irrégulier par insuffisance de motivation car il s'abstient de préciser les motifs techniques et scientifiques permettant d'écarter l'avis défavorable émis par l'Office français de la biodiversité ; au demeurant, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, aucun avis administratif n'est venu infirmer ou retirer l'efficacité des observations contenues dans l'avis de l'OFB ;
- en refusant de faire droit à la demande de questions préjudicielles vers la Cour de justice de l'Union européenne par la formule lapidaire : " sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer et de renvoyer des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne ", le tribunal a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation ;
- par voie d'exception, l'article L. 211-1 du code de l'environnement méconnaît les articles 1 et 4 de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 dès lors qu'il comprend des éléments contraires à celle-ci ; les dispositions de l'article 1er de cette directive s'avèrent " précises et inconditionnelles ; c'est à tort que le tribunal a procédé à un contrôle d'incompatibilité, alors que la transposition exige une conformité stricte, claire et précise, intelligible de tous ;
- par voie d'exception, les articles R. 181-53 et R. 212-13 du code de l'environnement méconnaissent l'article 4 de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 dès lors qu'ils ne prévoient qu'un simple rapport de compatibilité en ce qui concerne la prévention de la détérioration de la qualité des eaux ;
- le point 13 du jugement de première instance est empreint d'erreur d'appréciation ; les premiers juges n'ont de toute évidence pas voulu appliquer le référentiel du très bon état écologique, qui interdit tout impact humain visible ; la dégradation de très nombreuses masses d'eau en très bon état écologique en relation avec l'exploitation minière aurifère projetée résulte des éléments comparés des schémas directeurs d'aménagement et gestion des eaux successifs (SDAGE) de Guyane ; les altérations précitées sont corroborées par la littérature scientifique ; les premiers juges se sont abstenus, de préciser les motifs techniques et scientifiques lui permettant d'écarter l'avis défavorable émis par l'office français de la biodiversité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 ;
- le code de l'environnement ;
- le code minier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Ellie, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 juin 2021, la SARL Socarmines a déposé un dossier de demande d'autorisation d'exploiter une mine aurifère alluvionnaire située dans la crique Prosper James sur la commune de Roura. Un rapport d'instruction de la direction générale des territoires et de la mer (DGTM) a été remis le 25 février 2022. Le dossier a ensuite été présenté à la commission des mines qui a rendu un avis favorable le 16 mars 2022. Par un arrêté du 28 mars 2022, le préfet de la Guyane a délivré l'autorisation d'exploitation sollicitée. L'association Guyane Nature Environnement relève appel du jugement du 13 avril 2023, par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 28 mars 2022.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La requérante ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de fait, de droit et d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour rejeter sa demande.
3. En deuxième lieu, la requérante avait soulevé les moyens tirés de ce que la décision attaquée méconnaissait l'objectif de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau tel que défini à l'article L. 211-1 du code de l'environnement et était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant au respect des exigences prévues par les articles L. 161-1 du code minier et L. 211-1 du code de l'environnement, et notamment la nécessité de maintenir un bon état écologique du milieu naturel à anthropiser à savoir la masse d'eau Affluent Comté FRKR8056. Pour écarter ces moyens, le tribunal qui a cité les dispositions précitées, a jugé que " le projet prévoit de nombreuses mesures en ce qui concerne la gestion de l'eau et la réhabilitation du site et qu'il recense les sources d'impacts sur le milieu aquatique en associant, pour chacune d'elles, des mesures correctrices ", que " les différentes autorités consultées et notamment la DGTM (...) ont émis des avis favorables au projet ", que " l'arrêté en litige mentionne également de nombreuses prescriptions afin de limiter la pollution des eaux telles que la création de bassins de décantation distincts des cours d'eau avec des berges d'une hauteur suffisante afin d'éviter tout débordement en cas de forte pluie, une utilisation de l'eau en circuit fermé, un encadrement des prélèvements d'eau dans le milieu naturel, une teneur en matières en suspension totale des eaux rejetées inférieure à 35 mg/l ou encore une obligation de maintenir dans le lit du cours d'eau, un débit minimal garantissant la permanence de la vie aquatique ", et " prévoit un suivi des éventuels impacts pouvant survenir en cours d'exploitation dès lors que tout fait, incident ou accident de nature à porter atteintes aux intérêts environnementaux doit être immédiatement porté à la connaissance du Préfet et du DGTM ". Par suite, et alors que le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par la requérante, il a apporté une réponse suffisamment motivée aux moyens précités quand bien même d'une part, il n'a pas cité l'annexe 1 de l'arrêté ministériel modifié du 25 janvier 2010 relatif aux méthodes et critères d'évaluation de l'état écologique, de l'état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface pris en application des articles R. 212-10, R. 212-11 et R. 212-18 du code de l'environnement définissant le très bon état écologique, invoquée par la requérante, et d'autre part, il ne s'est pas appuyé sur les éléments comparés des schémas directeurs d'aménagement et gestion des eaux successifs (SDAGE) de Guyane également cités par la requérante dans ses écritures.
4. En troisième lieu, pour écarter le moyen tiré de ce que l'auteur de l'arrêté attaqué a commis un détournement de pouvoir de pouvoir en omettant volontairement de citer l'avis défavorable de l'Office français de la biodiversité consulté dans le cadre de l'examen du dossier de demande d'exploitation, le tribunal a répondu que " l'avis de cet organisme avait été sollicité par la DGTM laquelle a finalement émis un avis favorable au projet, tout comme les nombreuses autres autorités consultées, après avoir demandé à la société pétitionnaire, postérieurement à la date dudit avis, de fournir des explications complémentaires ". Ce faisant, le tribunal a suffisamment motivé la réponse qu'il a apportée au moyen soulevé.
5. En quatrième lieu, le tribunal a refusé de faire droit à la demande de questions préjudicielles vers la Cour de justice de l'Union européenne par la formule " sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer et de renvoyer des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne ". Dès lors que ce refus résulte d'une analyse de la compatibilité du droit national avec la directive 2000/CE/60 du 23 octobre 2000 précisée aux points 9 et 10 du jugement, le moyen tiré de ce que la réponse du tribunal est insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté.
6. En dernier lieu, la requérante soutient que le jugement est irrégulier par méconnaissance du principe du contradictoire en ce qu'il a exploité des pièces jointes au deuxième mémoire en défense du préfet de la Guyane enregistré le 1er février 2023 qui ne lui ont pourtant pas été communiquées au motif que ce mémoire a été produit postérieurement à la clôture de l'instruction. En indiquant qu'aucune autre pièce du dossier ne fait état de " précisions ultérieures apportées par le pétitionnaire " (notamment le rapport d'instruction en commission des carrières, dont le contenu - mis à part l'identité du pétitionnaire et la localisation du site - est identique au mot près avec tous les rapports d'instruction de même nature présentés à cette commission), la requérante n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes. Au demeurant, les seules pièces jointes à ce mémoire en défense sont le schéma d'aménagement régional de la Guyane, le schéma départemental d'orientation minière de la Guyane et le procès-verbal de la commission départementale des mines sur lesquels le tribunal ne s'est pas appuyé.
7. Il résulte de ce qui précède que le jugement n'est pas irrégulier.
Sur le cadre juridique :
8. Aux termes de l'article L. 161-1 du code minier : " Les travaux de recherches ou d'exploitation minière doivent respecter, sous réserve des règles prévues par le code du travail en matière de santé et de sécurité au travail, les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité, de la santé et de la salubrité publiques, de la solidité des édifices publics et privés, à la conservation des voies de communication, de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre, littoral ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles particulièrement des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 219-7, L. 331-1, L. 332-1 et L. 341-1 du code de l'environnement, l'intégrité des câbles, des réseaux ou des canalisations enfouis ou posés, à la conservation des intérêts de l'archéologie, à la conservation des monuments historiques classés ou inscrits, des abords de monuments historiques et des sites patrimoniaux remarquables mentionnés au livre VI du code du patrimoine, ainsi que des intérêts agricoles et halieutiques des sites et des lieux affectés par les travaux et les installations afférents à l'exploitation. Ils doivent en outre assurer la bonne utilisation du gisement et la conservation de la mine ". Aux termes de l'article L. 611-14 du même code : " L'acte autorisant l'exploitation, qui peut à cet égard être complétée à tout moment, fixe les conditions particulières dans lesquelles les travaux sont entrepris, exécutés et arrêtés dans le respect des intérêts mentionnés aux articles L. 161-1 et des obligations énoncées à l'article L. 161-2 (...) ".
9. Aux termes de l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne " la directive lie tout État membre quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ".
10. Aux termes de l'article 1er de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau : " La présente directive a pour objet d'établir un cadre pour la protection des eaux intérieures de surface, des eaux de transition, des eaux côtières et des eaux souterraines, qui: a) prévienne toute dégradation supplémentaire, préserve et améliore l'état des écosystèmes aquatiques ainsi que, en ce qui concerne leurs besoins en eau, des écosystèmes terrestres et des zones humides qui en dépendent directement; b) promeuve une utilisation durable de l'eau, fondée sur la protection à long terme des ressources en eau disponibles; c) vise à renforcer la protection de l'environnement aquatique ainsi qu'à l'améliorer, notamment par des mesures spécifiques conçues pour réduire progressivement les rejets, émissions et pertes de substances prioritaires, et l'arrêt ou la suppression progressive des rejets, émissions et pertes de substances dangereuses prioritaires; d) assure la réduction progressive de la pollution des eaux souterraines et prévienne l'aggravation de leur pollution, et e) contribue à atténuer les effets des inondations et des sécheresses, et contribue ainsi: - à assurer un approvisionnement suffisant en eau de surface et en eau souterraine de bonne qualité pour les besoins d'une utilisation durable, équilibrée et équitable de l'eau, - à réduire sensiblement la pollution des eaux souterraines, - à protéger les eaux territoriales et marines, - à réaliser les objectifs des accords internationaux pertinents, y compris ceux qui visent à prévenir et à éliminer la pollution de l'environnement marin par une action communautaire au titre de l'article 16, paragraphe 3, à arrêter ou supprimer progressivement les rejets, émissions et pertes de substances dangereuses prioritaires présentant un risque inacceptable pour ou via l'environnement aquatique, dans le but ultime d'obtenir, dans l'environnement marin, des concentrations qui soient proches des niveaux de fond pour les substances présentes naturellement et proches de zéro pour les substances synthétiques produites par l'homme ".
11. Il en résulte que la directive mentionnée ci-dessus, dont les dispositions ont été transposées par la loi du 21 avril 2004, désormais codifiées aux articles L. 211-1 et suivants du code de l'environnement, pose le principe d'une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau qui doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population mais également de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences, d'une part, de la vie biologique du milieu récepteur, d'autre part, de la conservation et du libre écoulement des eaux ainsi que de la protection contre les inondations, enfin, de toutes les activités humaines légalement exercées.
12. En vertu du paragraphe 1 de l'article 4 de la même directive : " a) pour ce qui concerne les eaux de surface i) les Etats membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration de l'état de toutes les masses d'eau de surface, sous réserve de l'application des paragraphes 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8 ; / ii) les A... membres protègent, améliorent et restaurent toutes les masses d'eau de surface, sous réserve de l'application du point iii) en ce qui concerne les masses d'eau artificielles et fortement modifiées afin de parvenir à un bon état des eaux de surface au plus tard quinze ans après la date d'entrée en vigueur de la présente directive, conformément aux dispositions de l'annexe V, sous réserve de l'application des reports déterminés conformément au paragraphe 4 et de l'application des paragraphes 5, 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8 ; / iii) les A... membres protègent et améliorent toutes les masses d'eau artificielles et fortement modifiées, en vue d'obtenir un bon potentiel écologique et un bon état chimique des eaux de surface au plus tard quinze ans après la date d'entrée en vigueur de la présente directive, conformément aux dispositions énoncées à l'annexe V, sous réserve de l'application des reports déterminés conformément au paragraphe 4 et de l'application des paragraphes 5, 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8 ; / (...) b) pour ce qui concerne les eaux souterraines i) les A... membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir ou limiter le rejet de polluants dans les eaux souterraines et pour prévenir la détérioration de l'état de toutes les masses d'eau souterraines, sous réserve de l'application des paragraphes 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8 et sous réserve de l'application de l'article 11, paragraphe 3, point j); ii) les A... membres protègent, améliorent et restaurent toutes les masses d'eau souterraines, assurent un équilibre entre les captages et le renouvellement des eaux souterraines afin d'obtenir un bon état des masses d'eau souterraines, conformément aux dispositions de l'annexe V, au plus tard quinze ans après la date d'entrée en vigueur de la présente directive, sous réserve de l'application des reports déterminés conformément au paragraphe 4 et de l'application des paragraphes 5, 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8 et sous réserve de l'application de l'article 11, paragraphe 3, point j); iii) les A... membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour inverser toute tendance à la hausse, significative et durable, de la concentration de tout polluant résultant de l'impact de l'activité humaine afin de réduire progressivement la pollution des eaux souterraines. Les mesures destinées à inverser la tendance sont mises en œuvre conformément à l'article 17, paragraphes 2, 4 et 5, compte tenu des normes applicables fixées dans la législation communautaire pertinente, sous réserve de l'application des paragraphes 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8 (...) ".
13. En outre, il résulte de l'arrêt C-525/20 du 5 mai 2022 de la Cour de justice de l'Union européenne, compétente pour interpréter les directives, qu'il appartient à l'autorité administrative, dans son appréciation portée sur la compatibilité des programmes et des décisions administratives avec l'objectif de prévention de la détérioration de la qualité des eaux prévu par la loi, de prendre en compte l'ensemble de leurs impacts sur l'état des masses d'eau concernées, y compris les impacts temporaires de courte durée et sans conséquences de long terme sur celles-ci, à moins qu'il ne soit manifeste que ces impacts n'ont, par nature, que peu d'incidence sur l'état des masses d'eau concernées et qu'ils ne peuvent entraîner de détérioration au sens de la loi. Dès lors qu'un projet est susceptible de provoquer une détérioration de l'état des masses d'eau de surface, même si cette détérioration est de caractère temporaire, l'autorité administrative ne peut l'autoriser que si les conditions prévues à l'article 4 paragraphe 7 de ladite directive, transposées à l'article R. 212-16 du code de l'environnement, sont remplies.
14. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I.- Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; / 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, (...) ; / 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; / 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ; / 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ; / (...) 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. / (...) II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : / 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; / 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; / 3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées (...) ". Il en résulte que ces dispositions ont pour objet de poser le principe de la gestion équilibrée de la ressource en eau qu'elles définissent et de préciser notamment que celles-ci nécessitent diverses exigences, y compris de sécurité civile et de protection contre les inondations, lors des différents usages, activités ou travaux portant sur cette ressource.
15. Enfin, aux termes de l'article R. 181-53 du code de l'environnement : " " Le présent article s'applique aux projets relevant du 1° de l'article L. 181-1. / Les prescriptions prévues par l'article L. 181-12 et le dernier alinéa de l'article L. 181-14 tiennent compte, d'une part, des éléments énumérés à l'article L. 211-1, explicités par les schémas directeurs et les schémas d'aménagement et de gestion des eaux mentionnés aux articles L. 212-1 et L. 212-3 et, le cas échéant, des objectifs de qualité définis par les articles D. 211-10 et D. 211-11, enfin, de l'efficacité des techniques disponibles et de leur économie (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 212-13 du même code : " Pour l'application du 4° du IV de l'article L. 212-1, la prévention de la détérioration de la qualité des eaux consiste à faire en sorte que :
- pour l'état écologique et le potentiel écologique des eaux de surface, aucun des éléments de qualité caractérisant cet état ou ce potentiel ne soit dans un état correspondant à une classe inférieure à celle qui le caractérisait antérieurement ; - pour l'état chimique des eaux de surface, les concentrations en polluants ne dépassent pas les normes de qualité environnementale lorsqu'elles ne les dépassaient pas antérieurement ; - pour l'état des eaux souterraines, aucune des masses d'eau du bassin ou groupement de bassins ne soit dans un état correspondant à un classement inférieur à celui qui la caractérisait antérieurement. / Pour apprécier la compatibilité des programmes et décisions administratives mentionnées au XI de l'article L. 212-1 avec l'objectif de prévention de la détérioration de la qualité des eaux mentionné au 4° du IV du même article, il est tenu compte des mesures d'évitement et de réduction ".
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'exception d'inconventionnalité :
16. La transposition en droit interne d'une directive n'exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des dispositions de celle-ci dans une disposition légale expresse et spécifique. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé, dans une décision du 30 novembre 2006 n° C-32/05, que cette directive ne vise pas à une harmonisation totale de la réglementation des A... membres dans le domaine de l'eau et qu'elle prescrit aux A... membres de prendre les mesures nécessaires pour garantir que certains objectifs, parfois formulés de manière générale, soient atteints, tout en laissant aux dits A... une marge d'appréciation quant à la nature des mesures à prendre. Elle ajoute que la directive contient des dispositions comme l'article 1er, qui énoncent simplement les différents objectifs que celle-ci vise à atteindre.
17. En premier lieu, si l'article L. 211-1 du code de l'environnement, en ses 5° et 6°, mentionne des objectifs qui ne sont pas prévus par l'article 1er de la directive, tels que la valorisation de l'eau comme ressource économique ou la promotion d'une politique active de stockage de l'eau, et décline des mesures qui ne sont pas strictement prévues par l'article 4 de la directive, de telles dispositions ne sont pas, par elles-mêmes, incompatibles avec la directive dès lors qu'elles ne remettent pas en cause ses objectifs de préservation des milieux et ressources aquatiques. Et c'est sans portée utile que l'appelante se fonde sur une décision C-150/88 de la CJCE du 23 novembre 1989 pour soutenir que les 5° et 6° du I. de l'article L. 211-1 du code de l'environnement introduisent des dispositions supplémentaires à celles des articles 1 et 4 de la directive du 23 octobre 2000, dès lors que cette décision interprète la directive 76/768 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux produits cosmétiques. Il suit de là que les dispositions précitées du code de l'environnement ne méconnaissaient pas les objectifs précis et inconditionnels de la directive invoqués par la requérante.
18. En second lieu, il résulte de ce qui précède que c'est sans portée utile que l'association requérante fait valoir que les dispositions précitées des articles R. 181-53 et R. 212-13 du code de l'environnement ne s'inscrivent pas dans un rapport de conformité en ce qui concerne l'atteinte des objectifs fixés par la directive 2000/60/CE dès lors que la transposition de cette directive s'inscrit dans un rapport de compatibilité.
19. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'exception d'inconventionnalité doivent être écartés et qu'en l'absence de doute raisonnable sur la conformité des dispositions précitées du code de l'environnement avec la directive 2000/CE/60 du 23 octobre 2000, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer et de renvoyer des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne.
En ce qui concerne l'autre moyen de la requête :
20. L'association GNE soutient que le projet d'exploitation minière en litige est de nature à compromettre le très bon état écologique et le bon état chimique atteint dès 2015 sur la masse d'eau Affluent Comté FRKR8056 sur laquelle il se situe. Cette masse d'eau est, selon la direction générale des territoires et de la mer de Guyane qui a procédé à l'examen au cas par cas du projet d'exploitation minière, dans un état chimique qualifié de bon et dans un état écologique qualifié de très bon au regard de l'objectif de la directive cadre sur l'eau. Ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, " il résulte de l'instruction, et notamment du dossier de demande d'autorisation d'exploitation, qui précise l'état initial du site et de son environnement, que le projet prévoit de nombreuses mesures en ce qui concerne la gestion de l'eau et la réhabilitation du site et qu'il recense les sources d'impacts sur le milieu aquatique en associant, pour chacune d'elles, des mesures correctrices. ". Contrairement à ce que fait valoir la requérante, la circonstance que l'Office français de la biodiversité (OFB) ait estimé que le projet était de nature à dégrader l'état écologique de la masse d'eau concernée n'est pas de nature, à elle seule, à démontrer la réalité des atteintes environnementales alléguées. Au demeurant, la direction générale des territoires et de la mer de la Guyane qui avait sollicité cet avis a elle-même émis un avis favorable au projet, tout comme d'ailleurs les nombreuses autres autorités consultées, après avoir demandé à la société pétitionnaire, postérieurement à la date dudit avis de l'OFB, de fournir des explications complémentaires. De même, contrairement à ce que prétend la requérante, le fait qu'un process d'exploitations aurifères alluvionnaires par fragmentation mécanique et hydraulique des roches puisse être de nature à impacter l'équilibre écologique d'une masse d'eau à raison, notamment, de la déforestation du linéaire du cours d'eau, de la dérivation du cours d'eau sur près de 1 700 m et des impacts bruts qu'il peut générer sur la ripisylve et les frayères, n'interdit pas la délivrance d'une autorisation si les mesures correctrices et préventives prévues par le projet et les prescriptions arrêtées préviennent suffisamment ce risque. A cet égard, au titre des mesures de réduction, le projet prévoit notamment la réalisation pendant le chantier d'un système en " circuit fermé " qui assurera l'absence de fuite de matières en suspension dans le milieu environnant. L'arrêté prévoit, pour sa part et notamment, que " les bassins de décantation et les zones de travail sont distincts des cours d'eau " et " doivent être de hauteur suffisante pour éviter en cas de forte pluie, tout débordement " , que " lorsque les travaux nécessitent l'utilisation d'eau, celle-ci est utilisée en circuit fermé, hors phase de constitution du stock nécessaire au fonctionnement de l'exploitation ", que " les travaux d'aménagement et d'exploitations sont réalisés de façon à limiter la mise en suspension des argiles et leur transfert dans le milieu naturel ", que " les prélèvements d'eau sont interdits s'ils ne permettent pas de maintenir dans le lit du cours d'eau un débit minimal garantissant en permanence la vie aquatique " et que " l'exploitant informe sans délai la DGTM/SPRIE/UIE, de toute anomalie constatée dans le cadre de ces prélèvements". Enfin, il ne résulte ni du schéma directeur d'aménagement et gestion des eaux de Guyane qui évalue en sa page 330 les enjeux liés à la ressource minière et à l'eau, ni de la littérature scientifique invoquée par la requérante, que la masse d'eau en cause en très bon état écologique soit nécessairement dégradée par l'exploitation minière autorisée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement doit être écarté.
21. Il résulte de ce qui précède, que l'association Guyane Nature Environnement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'association Guyane Nature Environnement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Guyane Nature Environnement est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Guyane Nature Environnement, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Socarmines.
Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Carine Farault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
Le rapporteur,
Nicolas B...
La présidente,
Fabienne ZuccarelloLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 23BX01624