Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2402250 du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Haas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juin 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2023 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la date de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Gironde qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2024.
Par une ordonnance du 6 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 21 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vincent Bureau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant indien né le 9 février 1990, est entré en France le 25 janvier 2014 en possession d'un visa de long séjour portant la mention " visiteur " valable du 13 janvier 2014 au 12 janvier 2015. Le 18 juillet 2014, l'intéressé a obtenu la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français valable du 25 janvier 2014 au 24 janvier 2015, qui a ensuite été renouvelée jusqu'au 23 avril 2019. Le 1er septembre 2020, M. A... a obtenu la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 21 juillet 2020 au 20 juillet 2022. Le 24 mai 2022, il a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 décembre 2023, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 6 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père d'un enfant français né le 27 novembre 2012, qu'il a eu de sa relation avec Mme B..., ressortissante française dont il s'est séparé. Par une ordonnance du 16 octobre 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Libourne a constaté l'autorité parentale conjointe sur l'enfant, a fixé, avec l'accord des parents, la résidence habituelle de l'enfant chez la mère, a précisé que le droit de visite du père devait s'exercer, en l'absence de domicile du père, au point rencontre de Libourne à raison de deux samedis après-midi par mois, et a condamné le père au paiement de la somme de 100 euros par mois au titre de la pension alimentaire, sous la condition qu'il " bénéficie de revenus équivalents au SMIC ". Si le préfet fait valoir que l'intéressé n'a pas procédé au versement de cette pension alimentaire notamment sur la période de novembre 2021 à octobre 2023, se prévalant d'un courrier de la caisse d'allocations familiales de la Gironde en date du 2 novembre 2023, il ressort des pièces du dossier que M. A... a exercé des missions d'intérim ponctuelles sur cette période pour des montants souvent inférieurs au salaire minimum de croissance. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des attestations produites par son ancienne belle-famille, que Mme B... et M. A... ont convenu de renforcer à l'amiable le droit de visite de ce dernier, qu'il exerce chaque weekend et à d'autres occasions, qu'il est proche de ses enfants, et qu'il paye la pension alimentaire dans la mesure de ses moyens. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. A... a été condamné à accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière par le tribunal de judiciaire de Libourne le 11 mars 2020 pour des faits de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et trois mois d'emprisonnement avec sursis par le tribunal judiciaire de Libourne le 18 novembre 2022 pour des faits de récidive de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique. Eu égard à la nature des faits ayant donné lieu à ces condamnations et à leur relative ancienneté, le préfet de la Gironde ne pouvait se fonder sur la menace à l'ordre public que représenterait le comportement de M. A... pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. En outre, si le préfet de la Gironde a relevé que l'intéressé fait l'objet de signalements dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires, l'existence de procédures judiciaires à l'encontre de l'intéressé à raison des faits relatifs à ces signalements n'est aucunement établie par l'administration.
5. L'annulation de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour entraine, par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de deux ans.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. L'exécution du présent jugement implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, que le préfet de la Gironde délivre à M. A... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et lui délivre dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2402250 du 6 juin 2024 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 14 décembre 2023 du préfet de la Gironde sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer un titre de séjour à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, en le munissant dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : L'État versera à M. A... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au préfet de la Gironde et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX02623