Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2022 par lequel le préfet des Deux-Sèvres lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2200417 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Lassort, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2022 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de renouveler son titre de séjour ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, à la préfète des Deux-Sèvres de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'erreurs de fait au regard de sa situation personnelle, familiale et professionnelle sur le territoire français ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 7 bis f) de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2025, la préfète des Deux-Sèvres conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est tardive ;
- le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2023/009749 du 23 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 4 décembre 1959 à Makouda (Algérie), est, selon ses déclarations, entré une première fois en France le 19 septembre 2002. Le 9 septembre 2005, il s'est marié à Bourges (Cher) avec une compatriote titulaire d'une carte de résident pluriannuelle. Le 7 février 2006, il a fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français, qu'il a exécuté le 26 mai 2007. Son épouse ayant obtenu le regroupement familial à son profit, M. B... s'est vu délivrer un certificat de résidence algérien de dix ans, valable du 21 octobre 2010 au 20 octobre 2020 sur le fondement de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le 31 janvier 2018, son épouse a porté plainte à son encontre pour bigamie, du fait de l'existence d'un précédent mariage conclu en Algérie en 1986. Leur mariage a été dissout par un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bourges du 17 janvier 2020. Le 3 août 2020, M. B... a sollicité le renouvellement de sa carte de résident. Par un arrêté du 11 janvier 2022, le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer le certificat de résidence algérien sollicité. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision attaquée vise les considérations de droit sur lesquelles elle est fondée et, en particulier, les dispositions de l'accord franco-algérien applicables aux faits de l'espèce, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour refuser à M. B... le renouvellement de son certificat de résidence algérien obtenu au titre du regroupement familial, le préfet des Deux-Sèvres s'est notamment fondé sur la circonstance que son mariage, contracté en France, a été dissout par un jugement du tribunal de grande instance de Bourges pour bigamie, qu'il ne vit plus avec son épouse, n'établit pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine et qu'il ne justifie pas d'une activité professionnelle. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit donc être écarté et il ne ressort ni de cette motivation ni d'aucun autre élément du dossier que le préfet des Deux-Sèvres n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B....
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention 'vie privée et familiale' est délivré de plein droit : 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".
5. M. B... fait valoir qu'à la date de dépôt de son dossier de demande de renouvellement de son certificat de résident algérien, il résidait en France depuis plus de dix ans. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si M. B... a bénéficié d'un certificat de résidence algérien de dix ans, valable du 21 octobre 2010 au 20 octobre 2020, et établit, par les pièces qu'il verse au dossier, qu'il a résidé en France de 2012 à 2016 et de 2018 à 2020, ces documents ne suffisent pas à établir la réalité de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans. Il ressort d'ailleurs de la plainte déposée le 31 janvier 2018 par l'ex-épouse de M. B... que ce dernier se rendait régulièrement en Algérie dès 2012, où vivent sa première épouse, avec laquelle il est toujours marié, et ses deux filles. Il suit de là que, alors même que sa demande ne portait que sur le renouvellement d'un certificat de résidence algérien présenté sur le fondement de l'article 4 de l'accord franco-algérien, le préfet des Deux-Sèvres a pu légalement lui refuser le renouvellement de son droit au séjour en estimant qu'il n'entrait " dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application de l'accord franco-algérien ".
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. / (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) / f) Au ressortissant algérien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " étudiant " / (...) ". Aux termes de l'article 7 du même accord : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau (...) : (...) d) Les ressortissants algériens autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial, s'ils rejoignent un ressortissant algérien lui-même titulaire d'un certificat de résidence d'un an, reçoivent de plein droit un certificat de résidence de même durée de validité, renouvelable et portant la mention " vie privée et familiale " ; / (...) ".
7. L'article 7 de l'accord franco-algérien, modifié par le troisième avenant du 11 juillet 2001, fixe les conditions de délivrance aux ressortissants algériens d'un certificat de résidence valable un an, selon que les demandeurs sollicitent le bénéfice d'un tel titre en qualité de visiteur, de travailleur salarié, en vue de l'exercice d'une activité professionnelle soumise à autorisation, au titre de la vie privée et familiale, en qualité de travailleur temporaire, de scientifique ou encore au titre d'une profession artistique ou culturelle. L'article 7 bis de ce même accord fixe les conditions de délivrance du certificat de résidence de dix ans et précise les catégories de personnes auxquelles ce certificat est délivré de plein droit.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du f) de l'article 7 bis et que le préfet des Deux-Sèvres, qui n'y était pas tenu, ne l'a pas examiné de son propre chef. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces stipulations.
9. En quatrième lieu, aux termes du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, sur le fondement duquel le préfet des Deux-Sèvres a examiné la demande de M. B... : " (...)Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) ; / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
10. Le requérant se prévaut de sa durée de résidence en France en faisant valoir que, entré en France en 2002, il y résidait depuis plus de quinze ans à la date de l'arrêté en litige. Toutefois, si M. B... est entré en France au titre du regroupement familial pour rejoindre son épouse, il est désormais célibataire et sans charge de famille depuis la dissolution de son mariage prononcée le 17 janvier 2020 pour des faits de bigamie. La présence régulière de son fils majeur en France ne requiert pas sa présence à ses côtés et M. B... n'est pas dépourvu de toutes attaches familiales en Algérie où résident ses deux filles et sa première épouse, avec laquelle il est toujours marié. Quant à la circonstance qu'il vit en colocation avec une personne âgée de 87 ans, il n'apporte aucun élément établissant que leur relation serait caractérisée par des liens anciens, stables et intenses. Enfin, quoique M. B... justifie avoir occupé des emplois de chauffeur routier de 2012 à janvier 2021, il ne justifiait d'aucune activité professionnelle à la date de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à faire valoir, qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet des Deux-Sèvres a méconnu les articles 6-5 de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en prenant la décision en litige doit être écarté.
11. En cinquième lieu, les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France étant régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne peut pas davantage se prévaloir utilement de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'est pas au nombre de celles qui sont opposables au sens de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration dans les conditions fixées à l'article R. 312-10 du même code. Au surplus, elle ne comporte que des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation.
12. En dernier lieu, et contrairement à ce que soutient M. B..., l'arrêté en litige fait état de la présence en France de son fils et de sa relation amicale avec Mme C.... Le préfet n'indique pas davantage qu'il se trouvait en état de bigamie à la date de la demande de renouvellement de son certificat de résidence algérien mais bien lors de la délivrance de la carte de résident algérien obtenue au titre du regroupement familial. Dans ces conditions, les erreurs de fait invoquées par M. B... ne sont pas fondées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
14. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par Me Lassort, avocat de M. B..., et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 24BX02697