Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017.
Par un jugement n° 2100386 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 avril 2023, M. C..., représenté par la SELARL Franz Touche Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 à 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la remise en cause de la demi-part supplémentaire, un accord verbal a été conclu avec son ex épouse précisant que leur fils serait élevé et financé par son père ;
S'agissant de la réduction d'impôts de l'article 199 septvicies du code général des impôts :
- il établit que le bien était loué pendant la période de neuf ans en cause à titre de résidence principale ;
- en tout état de cause, le droit de reprise est prescrit s'agissant des années 2011 à 2014 ;
S'agissant de la déduction de la pension alimentaire, il se prévaut de l'instruction administrative référencée BOI-IR-BASE-20-30- 20-30.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé et au rejet du surplus des conclusions de la requête et fait valoir que :
- la requête est irrecevable en tant qu'elle porte sur la réintégration des intérêts d'emprunt, dès lors que M. C... ne développe aucun moyen relatif à ce chef de redressement ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 janvier 2025 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,
- et les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a fait l'objet d'un contrôle sur pièce à l'issue duquel, par proposition de rectification du 6 septembre 2018, le service lui a notifié des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2015 à 2017. Il relève appel du jugement du 9 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 14 septembre 2023, postérieure à l'enregistrement de la requête de M. C..., le service a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 7 591 euros, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. C... a été assujetti au titre de l'année 2015, et correspondant à la réduction d'impôt de l'article 199 septivicies dont a bénéficié l'intéressé de 2011 à 2014. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense :
En ce qui concerne le bénéfice d'une demi part supplémentaire :
3. Aux termes de l'article 194 du code général des impôts : " I. Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 193 est déterminé conformément aux dispositions suivantes : (...) Lorsque les enfants sont réputés être à la charge égale de chacun des parents, ils ouvrent droit à une majoration de : / a) 0,25 part pour chacun des deux premiers et 0,5 part à compter du troisième, lorsque par ailleurs le contribuable n'assume la charge exclusive ou principale d'aucun enfant ; (...) II. Pour l'imposition des contribuables célibataires ou divorcés qui vivent seuls, le nombre de parts prévu au I est augmenté de 0,5 lorsqu'ils supportent à titre exclusif ou principal la charge d'au moins un enfant. Lorsqu'ils entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée avec l'autre parent, la majoration est de 0,25 pour un seul enfant et de 0,5 si les enfants sont au moins deux. Ces dispositions s'appliquent nonobstant la perception éventuelle d'une pension alimentaire versée en vertu d'une convention de divorce par consentement mutuel déposée au rang des minutes d'un notaire ou d'une décision de justice pour l'entretien desdits enfants. ".
4. Il résulte de l'instruction que lors de la souscription de ses déclarations de revenus au titre des années 2015, 2016 et 2017, M. C... a déclaré son fils en tant qu'enfant mineur à sa charge exclusive et bénéficié en conséquence d'une demi-part supplémentaire pour le calcul de son quotient familial. Toutefois, lors du contrôle sur pièces, le service a constaté que la mère de l'enfant l'avait déclaré à sa charge en 2015 et en résidence alternée au titre des années 2016 et 2017. Par courriers du 14 juin 2018 et du 10 juillet 2018, le service a demandé à M. C... de lui communiquer une copie du jugement fixant les modalités de garde de l'enfant, mais M. C... n'a pas donné suite à ces courriers. En revanche, la mère de l'enfant a communiqué au service une attestation de M. C..., que l'administration produit devant la cour, affirmant que l'enfant était en garde alternée pendant l'année 2015. L'administration a donc considéré que M. C... bénéficiait au titre de 2015 non d'une demi-part, mais d'une majoration de 0,25, et en l'absence de tout élément produit par l'intéressé, elle a appliqué la même majoration en 2016 et 2017. Si M. C... persiste à soutenir qu'il supportait au titre des trois années en cause la charge exclusive de son fils, il n'apporte devant la cour comme d'ailleurs devant les premiers juges, strictement aucun élément au soutien de ces allégations.
En ce qui concerne le bénéfice de l'article 199 septvicies du code général des impôts :
5. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / (...) / h) Pour les logements situés en France, acquis neufs ou en l'état futur d'achèvement entre le 3 avril 2003 et le 31 décembre 2009, et à la demande du contribuable, une déduction au titre de l'amortissement égale à 6 % du prix d'acquisition du logement pour les sept premières années et à 4 % de ce prix pour les deux années suivantes. La période d'amortissement a pour point de départ le premier jour du mois de l'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure. / (...) / Le bénéfice de la déduction est subordonné à une option qui doit être exercée lors du dépôt de la déclaration des revenus de l'année d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure. Cette option est irrévocable pour le logement considéré et comporte l'engagement du propriétaire de louer le logement nu pendant au moins neuf ans à usage d'habitation principale à une personne autre qu'un membre de son foyer fiscal. Cette location doit prendre effet dans les douze mois qui suivent la date d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure. Cet engagement prévoit, en outre, que le loyer ne doit pas excéder un plafond fixé par décret. (...) / l) Une déduction fixée à 30 % des revenus bruts lorsque le contribuable a exercé l'option prévue au h pendant la durée de l'engagement de location du logement ou provenant des logements au titre desquels la réduction d'impôt prévue à l'article 199 septvicies a été acquise lorsque le contribuable respecte les engagements prévus aux I ou V de cet article et pendant la durée de ceux-ci. (...). / Pour l'application du premier alinéa, les personnes concernées, les investissements éligibles et les conditions d'application de cette déduction sont identiques à ceux prévus au h ou à l'article 199 septvicies (...) / ". Aux termes de l'article 199 septivicies du même code : " I. 1. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui acquièrent, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à condition qu'ils s'engagent à le louer nu à usage d'habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de l'avantage fiscal qu'elles prévoient est subordonné à la condition que le locataire fasse effectivement de l'immeuble qui lui est loué par le contribuable son habitation principale.
7. Il résulte de l'instruction que M. C... a acquis en 2011 un appartement situé 4 allée des Roseaux aux Haillan (Gironde), qu'il a placé sous le dispositif Scellier, secteur intermédiaire. Par courriers des 14 juin 2018 et 10 juillet 2018, le service a demandé à l'intéressé de lui communiquer les pièces justificatives afférentes à l'investissement (dates d'acquisition ou d'achèvement et de première location, surface, copie des baux depuis la première location, justificatifs de perception des loyers...) ainsi qu'un justificatif de paiement des intérêts d'emprunts déduits au titre des années 2015, 2016 et 2017. A défaut de réponse, le service a remis en cause le bénéfice de l'avantage fiscal ainsi que la déduction opérée à raison des intérêts d'emprunt.
8. M. C... fait valoir que l'appartement en cause a été loué une première fois du 12 janvier 2012 au 1er novembre 2013, puis à un deuxième locataire, M. B..., du 4 novembre 2013 au mois de novembre 2016, et enfin une troisième fois à compter du 1er décembre 2016. Toutefois, s'agissant du second bail, produit devant les premiers juges, outre qu'il mentionne M. C... comme locataire et non comme bailleur, le bailleur étant M. B..., associé de M. C... dans la société Dekom France, créée le 1er octobre 2013, il précise que, conclu pour une durée de trois ans, il commence, non le 4 novembre 2013, mais " le 1er mars 2014 pour se terminer le 28 février 2017 ". Surtout, l'administration affirme sans être contredite que M. B... a mentionné dans ses déclarations de revenus 2014, 2015 et 2016 une autre adresse comme étant sa résidence principale, et que, de même, l'adresse de M. B... portée sur les imprimés des liasses fiscales souscrites par la société Dekom France au titre des exercices 2014, 2015 et 2016 (imprimé n° 2059 F " composition du capital social " et imprimé n° 2067 " relevé de frais généraux "), ne correspond pas davantage à l'adresse de l'appartement du Haillan. Si M. C... fait valoir que M. B... avait conservé son appartement à Champigny-sur-Marne en attendant que sa compagne puisse être muté à Bordeaux, il n'apporte en tout état de cause aucun élément au soutien de ses allégations. De même, ni la facture EDF adressée à M. B... pour la période du 31 novembre 2013 au 4 janvier 2014, ni le relevé de compte de l'assureur de l'appartement pour la période du 31 octobre 2014 au 30 janvier 2016, qui mentionne que le bien constitue une " résidence principale " mais précise que M. B... a la qualité de " locataire occ. partiel " ne permettent de regarder le bien comme la résidence principale de M. B... pendant la période en cause. En outre, il n'est pas contesté que les ressources du foyer fiscal de M. B... excédaient, au titre des années en cause, les plafonds fixés par décret. C'est dès lors à bon droit que le service a remis en cause le bénéfice de la réduction d'impôt de l'article 199 septvicies du code général des impôts.
En ce qui concerne la déduction d'une pension alimentaire :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
9. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal (...) sous déduction : (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211, 367 et 767 du code civil (...) ". Aux termes du 7 de l'article 158 du même code : " Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par un coefficient de 1,25. Ces dispositions s'appliquent : (...) 3° Aux sommes mentionnées au 2° du II de l'article 156 versées en vertu d'une décision de justice devenue définitive avant le 1er janvier 2006 ".
10. Lors du contrôle sur pièces des déclarations de M. C..., le service a relevé que dans sa déclaration au titre de 2015, l'intéressé avait déclaré en tant que charge déductible une pension d'un montant de 4 500 euros versée à un enfant majeur en application d'une décision de justice intervenue avant le 1er janvier 2006. En conséquence, une charge déductible de 5 625 euros a été retenue pour la détermination du revenu imposable de M. C..., les dispositions rappelées au point 9 du 3° du 7 de l'article 158 du code général des impôts prévoyant que les sommes versées en exécution d'une décision de justice devenue définitive avant le 1er janvier 2006 sont déductibles à concurrence de 125 % de leur montant. Par courrier des 14 juin et 10 juillet 2018, M. C... a été invité à communiquer les pièces justificatives afférentes à la pension ainsi déclarée, mais l'intéressé n'a pas donné de suite à cette demande.
11. Il résulte de l'instruction, et notamment du " Protocole d'accord sur les mesures relatives à l'enfant Kiara Benson ", née le 17 aout 1992, que par jugement du 17 octobre 2003 de conversion de séparation de corps en divorce, la pension alimentaire à la charge de M. C... a été fixée à la somme de 610 euros jusqu'à la majorité de l'enfant le 17 aout 2010. Dans ce protocole d'accord, les parents sont convenus qu'à compter du 1er novembre 2011, chacun d'eux versera à l'enfant une pension alimentaire mensuelle de 250 euros et que M. C... prendra également à sa charge les dépenses exceptionnelles dans l'intérêt de l'enfant. Ainsi, la pension en cause n'est pas versée en application d'une décision de justice. En tout état de cause, et ainsi que le fait valoir le ministre en défense, le requérant ne justifie devant le tribunal administratif comme devant la cour ni de l'état de besoin de sa fille, ni de la réalité des versements au bénéfice de cette dernière.
S'agissant de la doctrine :
12. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ".
13. Aux termes de l'instruction administrative référencée BOI-IR-BASE-20-30-20-30 : " La pension déductible est, en principe, celle qui a été fixée par le juge. Mais, dans un souci d'équité, il est admis de tenir compte des revalorisations spontanées de pensions dans les mêmes conditions que celles prévues à l'égard des parents d'enfants mineurs sous réserve néanmoins de la limite particulière de déduction mentionnée au II-D § 230 du BOI-IR-BASE-40. ".
14. M. C..., dont la pension qu'il prétend verser à sa fille majeure, ainsi qu'il a été dit au point 11, n'est pas fixée par un jugement, et qui de surcroit ne justifie pas de la réalité des versements au bénéfice de cette dernière, ne peut utilement se prévaloir de cette instruction, dans les prévisions desquelles sa situation n'entre pas.
Sur les frais de l'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est la partie perdante au principal dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais de l'instance.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. C... à concurrence du dégrèvement de 7 591 euros accordé en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.
La présidente-assesseure,
Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,
Frédérique Munoz-PauzièsLa greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX01004 2