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22/04/2025 | FRANCE | N°23BX01851

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 22 avril 2025, 23BX01851


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er octobre 2020 par lequel le centre intercommunal d'action sociale (CIAS) du Fronsadais lui a refusé le bénéfice d'un congé de longue maladie et l'a placée en disponibilité d'office dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur, ensemble le rejet de son recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, et, d'autre part, la décision du 19 avril 2021 confirmant ce refus, portant

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er octobre 2020 par lequel le centre intercommunal d'action sociale (CIAS) du Fronsadais lui a refusé le bénéfice d'un congé de longue maladie et l'a placée en disponibilité d'office dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur, ensemble le rejet de son recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, et, d'autre part, la décision du 19 avril 2021 confirmant ce refus, portant à sa connaissance l'avis du comité médical supérieur et l'informant de la saisine pour avis du comité médical départemental sur son aptitude à reprendre ses fonctions,.

Par un jugement n° 2103160 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, non communiqué, enregistrés les 6 juillet 2023 et 3 septembre 2024, Mme B... A..., représentée par Me Vigreux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2020 par lequel la présidente du CIAS du Fronsadais lui a implicitement refusé le bénéfice d'un congé de longue maladie et l'a placée en disponibilité d'office dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur, ensemble le rejet de son recours gracieux à l'encontre de cet arrêté ;

3°) d'annuler la décision du 19 avril 2021 par laquelle la présidente du CIAS du Fronsadais a confirmé le refus du bénéfice du congé de longue maladie, a porté à sa connaissance l'avis du comité médical supérieur et l'a informé de la saisine pour avis du comité médical départemental sur son aptitude à reprendre ses fonctions ;

4°) d'enjoindre au centre intercommunal d'action sociale (CIAS) du Fronsadais de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge du CIAS du Fronsadais la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- en examinant le moyen tiré du vice de procédure dont était entachée la décision du 19 avril 2021, le tribunal a, d'une part, dénaturé le moyen qui ne portait pas sur l'absence de mention de la composition du comité médical supérieur mais sur l'irrégularité de la composition de ce comité médical supérieur, entachant son jugement d'une erreur de droit ; d'autre part, le tribunal a fait peser à tort sur elle la charge de la preuve de la régularité de la composition de ce comité, sans faire usage de son pouvoir d'instruction, méconnaissant ainsi son office et entachant son jugement d'erreur de droit ; enfin, le tribunal a, à tort, commettant ainsi une erreur de droit, estimé que cette irrégularité ne la privait d'aucune garantie ;

- en écartant le moyen tiré de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation dont était entachée la décision lui refusant le bénéfice du congé de longue maladie, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation ;

- la décision de refus d'octroi d'un congé de longue maladie est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que le comité médical supérieur était régulièrement composé ;

- la décision de refus attaquée est entachée d'une erreur de droit ainsi que d'une erreur d'appréciation dès lors que la dépression, pathologie dont elle souffre, est une maladie mentale ouvrant droit au bénéfice du congé de longue maladie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2024, le centre intercommunal d'action sociale du Fronsadais, représenté par Me Raux, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.

Par une décision n° 2023/009706 du 20 décembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;

- l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carine Farault,

- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,

- et les observations de Me Raux pour le CIAS du Fronsadais.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... exerçait ses fonctions d'agent social de 2ème classe titulaire au sein du centre intercommunal d'action sociales (CIAS) du Fronsadais (Gironde) depuis le 1er juin 2017. Placée en congé de maladie ordinaire à compter du 19 mars 2019, Mme A... a demandé au CIAS par un courrier du 19 novembre 2019, reçu le 21 novembre, le bénéfice d'un congé de longue maladie et la saisine du comité départemental pour avis à cet effet. Le comité médical départemental, par un rapport du 3 juin 2020, a émis un avis favorable à l'attribution d'un congé de longue maladie, pour une durée totale de douze mois, prenant effet rétroactivement le 19 mars 2019, jusqu'au 19 mars 2020.

2. Par un arrêté du 9 juillet 2020, le CIAS a décidé de ne pas suivre l'avis du comité médical départemental du 3 juin 2020 et de maintenir Mme A..., à titre conservatoire, en position d'activité avec paiement du demi-traitement, dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur.

3. Par un arrêté du 1er octobre 2020, le CIAS a retiré l'arrêté du 9 juillet 2020 maintenant Mme A... en activité avec paiement de demi-traitement et l'a placée en position de disponibilité d'office à compter du 20 mars 2020, à titre conservatoire, dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur. Mme A... a exercé un recours gracieux contre cet arrêté par un courrier du 5 décembre 2020, reçu le 7 décembre par le CIAS, qui a implicitement rejeté ce recours.

4. Par un avis du 26 janvier 2021, notifié au CIAS le 2 avril 2021, les membres du comité médical supérieur ont émis un avis défavorable à l'octroi d'un congé de longue maladie. Par un courrier du 19 avril 2021, le CIAS a informé Mme A... qu'en conséquence de l'avis défavorable du comité médical supérieur, dans la mesure où la période de congé maladie ordinaire avait expiré, il sollicitait le comité médical afin qu'il se prononce sur sa reprise d'activité. Ce faisant, la présidente du CIAS doit être regardée comme ayant confirmé à Mme A... la décision de refus d'octroi d'un congé de longue maladie à compter rétroactivement du 19 mars 2019.

5. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2020 par lequel le CIAS du Fronsadais lui a implicitement refusé le bénéfice d'un congé de longue maladie et l'a placée en disponibilité d'office dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur, ensemble le rejet de son recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, et, d'autre part, d'annuler la décision du 19 avril 2021 par laquelle la président du CIAS du Fronsadais a confirmé le refus du bénéfice du congé de longue maladie, a porté à sa connaissance l'avis du comité médical supérieur et l'a informé de la saisine pour avis du comité médical départemental sur son aptitude à reprendre ses fonctions. Elle relève appel du jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions d'annulation :

6. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) ".

7. Aux termes de l'article 19 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Le ministre chargé de la santé détermine par arrêté (...) une liste indicative de maladies qui, si elles répondent en outre aux caractéristiques définies à l'article 57 (3°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée, peuvent ouvrir droit à un congé de longue maladie (...) ".

8. Aux termes des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie, applicables aux fonctionnaires territoriaux : " Les affections suivantes peuvent donner droit à un congé de longue maladie dans les conditions prévues aux articles 29 et 30 des décrets susvisés : / (...) / - maladies mentales (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'expertise du docteur C..., médecin psychiatre agréé, du 10 mars 2020, que Mme A... souffrait depuis près d'un an à cette date d'un état anxio-dépressif au long cours avec baisse de l'élan vital, troubles du sommeil et perte d'appétit. Il ressort également des pièces du dossier qu'en raison de cette pathologie anxio-dépressive, présentant le caractère d'une maladie mentale au sens des dispositions précitées, Mme A... suivait, depuis mars 2019 un traitement psychologique et médicamenteux. En outre, pour Mme D..., psychologue au service des pathologies professionnelles de l'hôpital Pellegrin, dans son rapport du 3 octobre 2019, il semblerait prioritaire " d'accompagner [Mme A...] et de privilégier des soins psychothérapeutiques pour lui permettre de se reconstruire et de questionner, dans un second temps, une fois son état stabilisé, son parcours professionnel ". De plus, le comité médical départemental indique, dans son avis du 3 juin 2020, que l'intéressée est inapte temporairement à l'exercice de ses fonctions, ce que confirme le médecin de prévention du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Gironde dans son certificat du 14 aout 2020, dans lequel il indique que la reprise est inenvisageable à cette date. Enfin, si le comité médical supérieur et la présidente du CIAS ont respectivement estimé que l'intéressée ne remplissait pas les critères pour bénéficier d'un congé de longue maladie, ils n'apportent toutefois aucun élément de nature à remettre en cause la réalité des soins qui lui étaient nécessaires et le caractère invalidant et grave de son état. Dans ces conditions, en refusant d'accorder à Mme A... un congé de longue maladie, la présidente du CIAS du Fronsadais a entaché ses décisions d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement ni les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. L'exécution du présent arrêt implique que la demande de Mme A... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au CIAS de Fronsadais de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le CIAS du Fronsadais demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

13. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Vigreux, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge du CIAS du Fronsadais le versement à Me Vigreux de la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 mai 2023, l'arrêté du 1er octobre 2020, la décision de rejet du recours gracieux à l'encontre de cet arrêté et la décision du 19 avril 2021 de la présidente du CIAS du Fronsadais sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au CIAS du Fronsadais de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le CIAS du Fronsadais versera à Me Vigreux une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Vigreux renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Les conclusions du CIAS du Fronsadais tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au centre intercommunal d'action sociale du Fronsadais et à Me Vigreux.

Copie en sera adressée au préfet de la Région Nouvelle-Aquitaine, préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

M. Nicolas Normand, président assesseur,

Mme Carine Farault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 avril 2025.

La rapporteure,

Carine Farault

La présidente,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de la Région Nouvelle-Aquitaine, préfet de la Gironde, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01851
Date de la décision : 22/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Carine FARAULT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : VIGREUX

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-22;23bx01851 ?
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