Vu la procédure suivante :
I/ Sous le n° 23BX00211, par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 janvier 2023, 22 mars 2023 et 19 septembre 2024, la société Ferme éolienne du Fourris, représentée par Me Guiheux demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté n° A6419 du 24 novembre 2022 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de faire droit à sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation de construire et d'exploiter les éoliennes n° 1, 2 et 6, sur le territoire des communes de Brioux-sur-Boutonne, Lusseray et Melle, ensemble la décision du 3 janvier 2023 rejetant le recours gracieux formé le 13 décembre 2022 et de délivrer, au titre de ses pouvoirs de plein contentieux, l'autorisation sollicitée ;
2°) subsidiairement, d'ordonner au préfet des Deux-Sèvres, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer l'autorisation sollicitée, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- c'est au prix d'une erreur de droit, doublée d'une erreur d'appréciation, que la préfète s'est fondée sur la seule distance séparant les éoliennes n° 1, 2 et 6 des sites Natura 2000 alentours pour refuser l'autorisation sollicitée alors d'ailleurs que l'étude écologique a démontré que le projet ne serait " pas susceptible d'avoir une incidence notable vis-à-vis de ces zonages et les populations d'espèces qui les ont désignées " ;
- c'est au prix d'une erreur d'appréciation que la préfète a estimé que les trois éoliennes litigieuses généreraient un risque de saturation visuelle sur les bourgs environnants, alors même que le seul constat du nombre d'éoliennes présentes dans l'aire d'étude ne suffit pas à caractériser un impact, seul un impact significatif étant de nature à justifier un refus d'autorisation, ou à entacher d'illégalité l'autorisation délivrée ;
- l'arrêté est entaché d'erreurs de droit et d'appréciation en ce qu'il se fonde sur la seule distance de moins de 200 mètres séparant les éoliennes n° 2 et 6 des boisements et haies pour considérer qu'il existerait un effet barrière et un risque de collision avec les chiroptères ; les recommandations de la Société française pour l'étude et la protection des mammifères (SFEPM) ou d'Eurobats sont seulement théoriques.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2024, la préfète des Deux-Sèvres conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
II/ Sous le n° 23BX00676, par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 mars 2023, 12 juin 2024 et 2 septembre 2024, la communauté de communes Mellois en Poitou, représentée par Me Landot, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté n° A6419 du 24 novembre 2022 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a délivré à la société Ferme éolienne du Fourris une autorisation de construire et d'exploiter les éoliennes n°3, 4, 5, 7 et 8 sur le territoire des communes de Brioux-sur-Boutonne, Lusseray et Melle, ensemble la décision du 2 février 2023 rejetant le recours gracieux ;
2)° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à agir ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure en ce qu'en méconnaissance de l'article R. 181-36 du code de l'environnement, l'arrêté préfectoral d'ouverture d'enquête publique n'a été adopté par la préfète des Deux-Sèvres que le 21 janvier 2022, soit vingt-cinq jours après la désignation du commissaire enquêteur par le tribunal administratif au lieu de 15 jours ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure en ce qu'en méconnaissance de l'article R. 181-41 du code de l'environnement, il n'a été adopté que le 24 novembre 2022, soit 7 mois et 12 jours après la production le 12 avril 2022 du rapport du commissaire enquêteur, au lieu de deux mois ;
- en méconnaissance de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude d'impact est insuffisante ; d'une part, les seuils d'alerte utilisés dans l'étude d'impact afin de quantifier la saturation visuelle sont supérieurs à ceux identifiés par des études scientifiques et repris par les services de l'Etat ainsi que par les juges ; en effet, si le seuil d'alerte relatif à l'indice d'occupation de l'horizon est identique à celui repris par les services de l'Etat, le seuil de densité sur les horizons occupés défini par l'étude d'impact du projet est cinq fois plus élevé (0,5° contre 0,1°) que ce dernier ; plus précisément alors que le niveau d'alerte doit être atteint si l'angle cumulé est supérieur à 120° pour l'indice d'occupation des horizons, s'il est supérieur à 0,1° pour l'indice de densité sur les horizons occupés et si l'angle est inférieur à 160° pour l'espace de respiration, l'exploitant estime à tort que le niveau d'alerte est atteint si l'angle cumulé est supérieur à 120° pour l'indice d'occupation des horizons, s'il est supérieur à 0,5° pour l'indice de densité sur les horizons occupés et si l'angle est inférieur à 90° pour l'espace de respiration ; concernant l'angle de respiration maximal, les études scientifiques identifient le seuil de saturation pour un angle inférieur à 160° ; en conséquence, du fait de cette inexactitude, les seuils de plusieurs bourgs sont susceptibles d'avoir été identifiés dans l'étude d'impact du projet comme n'ayant pas été atteints alors qu'en vertu des valeurs reprises par les services de l'Etat, ces mêmes seuils pourraient être dépassés ; enfin, les résultats n'étant pas communiqués, seules les mentions " atteint " et " non atteint " étant indiqués dans le tableau, il était impossible pour des personnes ayant connaissance des seuils repris par les services de l'Etat d'identifier et d'apprécier les réelles atteintes paysagères et la saturation visuelle générées par le projet ; d'autre part, l'insuffisance de l'étude d'impact concerne aussi les enjeux avifaune et chiroptères ;
- dès lors que le projet devait être regardé comme étant susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales protégées et de leurs habitats, le pétitionnaire aurait dû présenter, pour la réalisation de son projet de parc éolien, un dossier de demande de dérogation aux interdictions de destruction d'espèces protégées, en application de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ; il ressort tant de l'avis de la Mission Régionale d'Autorité environnementale (MRAe) que de l'étude d'impact que le site concerné par le projet est un site à fort enjeu environnemental ; or, il ressort de l'étude d'impact que si le projet prévoit plusieurs mesures de réduction d'impact, comme l'alignement avec les parcs existants et un espacement de 400 m minimum entre éoliennes ainsi qu'une distance entre les éoliennes et les haies et prévoit encore le suivi écologique du chantier, la réalisation des travaux hors période favorable pour la faune, le maintien d'habitats peu favorables en-dessous des éoliennes ainsi que l'arrêt des éoliennes en période de fauche, moisson et labour, toutefois, la MRAe relève que le projet ne semble pas prévoir de mesures de bridage lors des pics migratoires, ni de système de détection automatisé des situations à risques ; dans le même sens, si un plan de bridage des éoliennes durant les périodes d'activités les plus fortes des chiroptères est prévu, toutefois, la MRAe a demandé de justifier le plan de bridage retenu (période, heures, vitesses de vent et températures) au regard des éléments de connaissance disponibles compte tenu de la forte sensibilité du secteur d'étude pour les chiroptères et recommande également que ces modalités de bridage fassent l'objet d'un appui et d'un suivi de mise en œuvre par un écologue spécialisé, en lien avec l'exploitation des données issues du dispositif réglementaire de suivi d'activité et des mortalités mentionné plus loin dans l'avis ; enfin, la MRAe conclut que le dossier ne présente aucune alternative prenant en compte ces recommandations, alors que les chiroptères représentent un enjeu fort pour le projet, avec notamment la proximité de sites Natura 2000 désignés pour ce groupe d'espèces (Carrière de Loubeau, Vallée de la Boutonne, Massif forestier de Chizé) ; la MRAe considère que ce point n'est pas satisfaisant ; en outre, pour l'enjeu avifaune, les mesures d'évitement se limitent à la phase des travaux alors que des risques de collision existent pour la phase exploitation du projet et l'enjeu relatif aux chiroptères n'appelle aucune mesure d'évitement si ce n'est lors de l'étude d'implantation du parc qui ne réduit pas à néant tout risque de mortalité pour les espèces concernées ; le risque résiduel en phase d'exploitation concernant la perte d'habitats, le dérangement et la mortalité par collision (après prise en compte des mesures d'évitement et de réduction) étant modéré pour le pluvier doré et l'alouette des champs, il doit être considéré comme étant suffisamment caractérisé ; les exploitants ne décrivent pas suffisamment les raisons pour lesquelles les impacts bruts (post choix d'implantation) modérés ou forts sont ramenés à un niveau faible après application des mesures d'évitement et de réduction tant en phase de travaux que d'exploitation ;
- l'arrêté contesté méconnait les dispositions combinées des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement en ce que les éoliennes portent atteinte aux paysages (saturation visuelle), à la commodité du voisinage, à l'avifaune, aux chiroptères et à la sécurité publique ;
- la préfète a commis une erreur de droit en qualifiant l'implantation du projet en zone A alors que les éoliennes autorisées par l'acte attaqué sont situées dans la zone N du plan local d'urbanisme ; les ouvrages auraient dû être autorisés à la condition qu'ils n'aient pas un impact notable sur l'environnement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ce dont résulte une erreur d'appréciation.
Par des mémoires en défense enregistrés les 12 décembre 2023, 27 août 2024 et 25 septembre 2024 (non communiqué), la société Ferme éolienne du Fourris, représentée par Me Guiheux, conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire au rejet au fond de la requête, à titre infiniment subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la régularisation de l'autorisation en application de l'article L. 181-18 I 2° du code de l'environnement et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2024, la préfète des Deux-Sèvres conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
III/ Sous le n° 23BX00811, par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 mars 2023, 13 juin 2024 et 24 septembre 2024 (non communiqué), la commune de Melle, représentée par Me Coussy, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté n° A6419 du 24 novembre 2022 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a délivré à la société Ferme éolienne du Fourris une autorisation de construire et d'exploiter les éoliennes n°3, 4, 5, 7 et 8 sur le territoire des communes de Brioux-sur-Boutonne, Lusseray et Melle, ensemble la décision du 2 février 2023 rejetant le recours gracieux ;
2)° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à agir ;
- la décision de rejet de son recours gracieux n'est pas motivée ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure en ce qu'en méconnaissance de l'article R. 181-41 du code de l'environnement, il n'a été adopté que le 24 novembre 2022, soit plus de 7 mois après la production le 12 avril 2022 du rapport du commissaire enquêteur, au lieu de deux mois ;
- en apportant une modification substantielle au projet présenté par la société pétitionnaire, l'autorité administrative a outrepassé ses compétences et entaché la procédure administrative d'un vice qui a privé le public d'une garantie ;
- dès lors que le projet devait être regardé comme étant susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales protégées et de leurs habitats, le pétitionnaire aurait dû présenter, pour la réalisation de son projet de parc éolien, un dossier de demande de dérogation aux interdictions de destruction d'espèces protégées, en application de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ; le site concerné par le projet a un enjeu environnemental important qui justifie parfaitement une demande de dérogation espèces protégées ; l'impact du projet sur le pluvier doré, espèce protégée, est très inquiétant ; la MRAe qualifie les mesures prises d'insuffisantes ; l'expert ornithologique de la commission départementale de la nature, des paysages, et des sites (CDNPS) confirme ces observations en insistant sur le fait que " les mesures de protection proposées ne paraissent pas très sérieuses " ;
- en méconnaissance de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude d'impact est insuffisante ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure en ce qu'en méconnaissance de l'article R. 181-36 du code de l'environnement, l'arrêté préfectoral d'ouverture d'enquête publique n'a été adopté par la préfète des Deux-Sèvres que le 21 janvier 2022, soit vingt-cinq jours après la désignation du commissaire enquêteur par le tribunal administratif au lieu de quinze jours ; les mesures effectuées dans l'étude d'impact dépassent les niveaux " d'ambiance calme en milieu rural " du plan de prévention du bruit dans l'environnement de la commune ; le plan de prévention du bruit met en exergue que 321 résidants sont potentiellement exposés à un dépassement du niveau sonore limite de 68 db(A) en période jour-soirée-nuit ;
- l'architecte des bâtiments de France n'a jamais été consulté alors qu'à l'échelle de l'aire d'étude globale, 55 monuments historiques, classés et/ou inscrits, sont recensés et que selon le commissaire enquêteur, 3 monuments historiques présentent un véritable risque de covisibilité avec le projet ; le projet présente même un risque de covisibilité " fort " avec le Château de Melzéard, monument historique depuis 2004, dont la protection porte sur la totalité du monument ;
- l'arrêté contesté méconnait les dispositions combinées des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement en ce que les éoliennes portent atteinte à la commodité du voisinage et aux paysages ; l'impact est fort sur la frange ouest de Luché sur Brioux avec une " modification du paysage quotidien ", sur le centre bourg de Charzay avec une " modification du paysage quotidien ", sur les habitats isolés de Bois Moreau avec une " modification du paysage quotidien", sur les habitats isolés de Puy-Bourrassier avec une " modification du paysage quotidien ", sur le centre du hameau de Canteau avec une " modification du paysage quotidien ", sur la frange ouest de Paizay-le-Tort avec une " modification du paysage quotidien ", sur la frange nord-ouest de Lusseray avec un effet d'écrasement du bâti et une " modification du paysage quotidien ", sur la frange nord de Chantecaille avec une " modification du paysage quotidien ", sur la frange nord de Vezancais avec une " modification du paysage quotidien " et sur les habitats isolés de " La Cantine " avec une " modification du paysage quotidien " ; un effet de saturation visuelle ressort des vues panoramiques alors d'ailleurs qu'au sein de ce territoire déjà marqué par la présence de 45 aérogénérateurs dans un rayon de 10 km, les angles de vue dans lesquels ces machines s'imposent aux habitants deviennent considérables ; la plantation d'un linéaire de 344 m d'arbres et 594 m de haies champêtres ne suffit pas ; alors même qu'elle est exposée à une forte saturation visuelle, la commune de Saint-Romain-lès-Melle est exclue des mesures de compensation ; au surplus, l'impact fort subi depuis les habitats isolés de Bois Moreau et de " La Cantine " ne seront compensés que par la plantation de haies champêtres, et non de haies composées d'arbres de haut jet ; le projet génère des nuisances sonores ; les mesures effectuées dans l'étude d'impact dépassent les niveaux " d'ambiance calme en milieu rural " du plan de prévention du bruit dans l'environnement de la commune ; l'installation est située dans le champs de visibilité d'un monument historique, le château de Melzéard qui subira aussi des nuisances sonores ;
- les éoliennes autorisées par l'acte attaqué sont situées dans la zone N du plan local d'urbanisme ; les ouvrages auraient dû être autorisés à la condition qu'ils n'aient pas un impact notable sur l'environnement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ce dont résulte une erreur d'appréciation.
Par des mémoires en défense enregistrés les 6 novembre 2023 et 30 juillet 2024, la société Ferme éolienne du Fourris, représentée par Me Guiheux, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la régularisation de l'autorisation en application de l'article L. 181-18 I 2° du code de l'environnement et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par ordonnance du 9 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 25 septembre 2024 à 12 heures.
La préfète des Deux-Sèvres a présenté un mémoire qui a été enregistré le 28 mars 2025 après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.
IV/ Sous le n° 24BX01055, par une requête enregistrée le 26 avril 2024, la société Ferme éolienne du Fourris, représentée par Me Guiheux demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler la décision implicite de rejet du 6 mars 2024 par laquelle la préfète des Deux-Sèvres a rejeté sa demande sollicitant une adaptation de la prescription énoncée à l'article 7g de l'arrêté portant autorisation environnementale du 24 novembre 2022 et de délivrer, au titre de ses pouvoirs de plein contentieux, l'autorisation modificative sollicitée ;
2°) subsidiairement, d'ordonner au préfet des Deux-Sèvres, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'adapter la prescription énoncée à l'article 7g de l'arrêté portant autorisation environnementale du 24 novembre 2022, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en refusant d'adapter la prescription litigieuse, l'autorité administrative a commis une erreur de droit ; s'agissant d'un projet éolien venant en extension d'un ou plusieurs parc(s) existant(s), comme en l'espèce, l'obligation de prise en compte du bruit généré par le parc existant dans le bruit particulier (de telle sorte que le bruit généré par le parc existant ne soit pas pris en compte dans le bruit résiduel) ne s'impose que lorsque le titulaire de l'autorisation du parc existant et la société pétitionnaire portant le projet d'extension sont les mêmes ;
- en refusant d'adapter la prescription litigieuse, l'autorité préfectorale a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation, celle-ci s'avérant manifestement disproportionnée et, en tout état de cause, impossible à mettre en œuvre.
Par un mémoire enregistré le 28 mars 2025, la préfète des Deux-Sèvres conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,
- les observations de Me Rochard représentant la société Ferme éolienne du Fourris, de Me Doucy représentant la communauté de communes de Mellois en Poitou, et de Me Dumet représentant la commune de Melle.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferme éolienne du Fourris a déposé le 5 février 2021, une demande tendant à la délivrance d'une autorisation environnementale relative à l'implantation de 8 éoliennes présentant une hauteur en bout de pâle maximale de 180 mètres sur le territoire des communes de Brioux-sur-Boutonne, Lusseray et Melle. Par un arrêté du 24 novembre 2022 dont la communauté de communes Mellois en Poitou et la commune de Melle demandent l'annulation, la préfète des Deux Sèvres a autorisé l'implantation des éoliennes n° 3, 4, 5, 7 et 8. Par ce même arrêté dont la société Ferme éolienne du Fourris demande l'annulation, la préfète de la Charente a rejeté l'implantation des éoliennes n° 1, 2 et 6. La société Ferme éolienne du Fourris demande également l'annulation de la décision implicite de rejet du 6 mars 2024 par laquelle la préfète des Deux-Sèvres a rejeté sa demande sollicitant une adaptation de la prescription énoncée à l'article 7g de l'arrêté portant autorisation environnementale du 24 novembre 2022.
Sur la jonction :
2. Les requêtes présentées par la communauté de communes Mellois en Poitou, la commune de Melle et la société Ferme éolienne du Fourris sont relatives au même projet de construire et d'exploiter des éoliennes sur le territoire des communes de Brioux-sur-Boutonne, Lusseray et Melle, et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur l'office du juge :
3. Eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées, lorsqu'il relève que l'autorisation environnementale contestée devant lui méconnaît une règle de fond applicable à la date à laquelle il se prononce, peut, dans le cadre de son office de plein contentieux, lorsque les conditions sont remplies, modifier ou compléter l'autorisation environnementale délivrée afin de remédier à l'illégalité constatée, ou faire application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 novembre 2022 refusant la délivrance d'une autorisation de construire et d'exploiter les éoliennes n° 1, 2 et 6 :
4. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : "I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".
5. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions précitées en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.
En ce qui concerne l'atteinte aux chiroptères et aux avifaunes :
6. Il résulte de l'instruction que le projet en cause qui comportait huit éoliennes s'implante à proximité des sites Natura 2000 et notamment " Vallée de la Boutonne " qui est une zone spéciale de conservation (ZSC), qui jouxte la zone d'implantation potentielle (ZIP), abritant des chauves-souris et des oiseaux, et " Carrières de Loubeau " qui est une ZSC constituant un site majeur pour l'hibernation et la reproduction de nombreuses espèces de chiroptères. Dans ce cadre, la majorité des enjeux pour l'avifaune et les chiroptères ont été relevés sur la partie ouest de l'aire d'étude immédiate, zone d'implantation des éoliennes 1, 2 et 6, qui est davantage bocagée et qui présente une plus grande variété d'habitats (prairies humides, friches, vergers, boisements), ainsi que cela ressort de l'étude écologique qui précise que " l'extrémité ouest de la ZIP est la plus fréquentée par les chauves-souris. Il s'agit en effet de la zone abritant le plus de haies multi-strates et arbustives permettant un déplacement des chiroptères facilité. Cette zone est celle où l'espace est le plus confiné et le plus resserré, et donc très apprécié par les chiroptères. Elle est également humide favorisant la prolifération des insectes permettant aux espèces de pouvoir s'alimenter en abondance lors des émergences. Toutes les haies multi-strates ont donc un enjeu fort ". Si l'étude d'impact retient un risque modéré pour les chiroptères pour les éoliennes 2 et 6 et un risque faible pour l'avifaune, cependant la décision de refus se fonde également, pour apprécier l'impact sur la biodiversité, sur l'effet barrière induit par la ligne des trois éoliennes 1, 2 et 6. Et il ressort de l'étude écologique que la partie ouest du projet, la plus sensible pour les chiroptères et l'avifaune constitue un corridor écologique et un axe de migration. Or, la ligne des parcs éoliens existants forme déjà une barrière de 3,5 km perpendiculaire à l'axe préférentiel de migration et l'emprise supplémentaire même estimée à 500 mètres par la pétitionnaire, constituerait un rétrécissement notable du couloir de migration déjà affecté par les parcs existants, et entrainerait une dépense énergétique supplémentaire pour les migrateurs, contraints d'adapter leur trajet soit par prise d'altitude soit par changement de trajectoire alors que cette énergie est cruciale pour la survie des individus en période de migration. En outre, ces changements de trajectoires énergivores peuvent être assortis d'un risque de collision lors de mauvaises conditions météorologiques ou de déviation tardive de trajectoire. Par suite, il résulte de ce qui précède que le motif de refus, tiré de l'atteinte excessive à la biodiversité, opposé par le préfet pour refuser l'installation et l'exploitation des éoliennes 1, 2 et 6, n'est pas entaché d'erreur d'appréciation.
En ce qui concerne l'impact visuel et l'effet d'encerclement :
7. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
8. Il appartient également au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte, lorsqu'une telle argumentation est soulevée devant lui, de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.
9. Le projet initial composé de huit éoliennes a vocation à s'implanter dans un secteur au relief peu marqué, situé entre les " Plaines calcaires " et les "Plateaux des terres rouges", constitué principalement de plaines vallonées, de terres agricoles et des zone boisées. Le relief ne présente pas de sensibilité particulière. Toutefois, le projet s'implante dans un secteur fortement marqué par le motif éolien ainsi que le souligne l'avis défavorable de la MRAe, du fait de la présence de quarante-cinq mats dans un rayon de 10 km, et de plus de cent éoliennes dans un rayon de 20 km. Aussi les effets cumulés du projet liés aux co-visibilités avec les autres parcs, notamment les parcs de la Tourette 1 et 2, de Luzeray-Paisay-le-Tort et de Périgné sont significatifs. Ainsi, s'agissant de l'effet de saturation visuelle depuis le bourg de Paizay-le-Tort, les indices d'occupation de l'horizon, de densité sur les horizons occupés et de prégnance visuelle sont atteints, voire dépassés. Il en va de même depuis le bourg de Lusseray et de Saint-Romans-lès-Melle à l'exception de l'indice de densité. Ainsi que l'indique l'étude d'impact, les franges bâties orientées en direction de la ZIP présentent des vues dégagées sur le plateau agricole où prend place la ZIP et les photomontages font ressortir un impact supplémentaire significatif des trois éoliennes 1, 2 et 6 sur les bourgs de Paizay-le-Tort et de Lusseray. Alors même que pour certains des lieux de vie concernés, le projet ne paraît pas susceptible d'aggraver une situation de saturation visuelle résultant des parcs éoliens déjà créés ou autorisés, le projet en ce qu'il ajoute les trois éoliennes en cause est, malgré la présence de quelques masques végétaux, de nature à aggraver de façon significative le phénomène de saturation visuelle pour au moins trois des lieux de vie concernés, ainsi que l'ont relevé le service de l'inspection des installations et le commissaire enquêteur dans leurs avis défavorables. Par suite, il résulte de ce qui précède que le motif de refus, tiré de la saturation visuelle et du risque d'encerclement, opposé par la préfète pour refuser l'installation et l'exploitation des éoliennes 1, 2 et 6 n'est pas entaché d'erreur d'appréciation.
10. Ces motifs ci-dessus examinés suffisent à justifier légalement le refus d'autorisation qui a été opposé à la société pétitionnaire au regard de l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par suite, il résulte de ce qui précède que la société Ferme éolienne du Fourris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la préfète des Deux-Sèvres a refusé de faire droit à sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation de construire et d'exploiter les éoliennes n° 1, 2 et 6, sur le territoire des communes de Brioux-sur-Boutonne, Lusseray et Melle et a rejeté par sa décision du 3 janvier 2023 son recours gracieux formé le 13 décembre 2022.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 novembre 2022 autorisant la réalisation et l'exploitation des éoliennes n° 3, 4, 5, 7 et 8 :
En ce qui concerne la motivation de la décision de rejet du recours gracieux :
11. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par la commune de Melle est insuffisamment motivé doit être écarté comme inopérant. En tout état de cause, la décision du 3 janvier 2023 par laquelle la préfète des Deux-Sèvres a rejeté le recours gracieux dirigé contre l'arrêté attaqué est motivée par l'étude approfondie de l'ensemble du dossier de demande d'autorisation environnemental comprenant l'analyse de la qualité technique du projet, la conformité à la réglementation en vigueur et le contexte local ainsi que la balance entre les objectifs gouvernementaux de développement des énergies renouvelables et les enjeux locaux. Cette décision est suffisamment motivée.
En ce qui concerne le contenu de l'étude d'impact :
12. D''une part, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement ;e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées. Les projets existants sont ceux qui, lors du dépôt du dossier de demande comprenant l'étude d'impact, ont été réalisés. Les projets approuvés sont ceux qui, lors du dépôt du dossier de demande comprenant l'étude d'impact, ont fait l'objet d'une décision leur permettant d'être réalisés. Sont compris, en outre, les projets qui, lors du dépôt du dossier de demande comprenant l'étude d'impact : (...) ont fait l'objet d'une évaluation environnementale au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité environnementale a été rendu public (...) ". D'autre part, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
S'agissant de l'étude paysagère :
13. Il ressort de l'étude paysagère qu'elle analyse l'état initial de l'aire d'étude immédiate (AEI) comprenant les perceptions depuis l'habitat ainsi que les impacts paysagers depuis l'AEI et déploie une méthodologie d'appréhension de l'occupation visuelle depuis 8 bourgs avoisinants. Les indices chiffrés d'analyse de la saturation visuelle depuis les bourgs étudiés figurent dans l'analyse paysagère en première page de l'étude de chacun des 8 bourgs, contenant les différents indices à l'état initial, à l'état projeté avec le projet du Fourris, avec celui de la Cerisaie et en cumulé avec les deux parcs. Si l'indice d'espace de respiration maximale correspondant à la mesure du plus grand angle sans éoliennes est à Saint-Romans-lès-Melle, de 112°, angle inférieur au seuil de 160 degrés retenu par les études scientifiques, il n'en demeure pas moins inchangé par rapport à l'état initial, compte tenu du choix fait par le porteur initial d'insérer son projet en continuité des parcs existant. Par suite, l'étude d'impact ne comporte pas de ce fait une insuffisance. La circonstance que certaines mesures aient fait l'objet des seules mentions " atteint" et " non atteint " dans le tableau des mesures, ne traduit pas davantage une insuffisance de l'étude d'impact.
S'agissant de l'étude avifaunistique et chiroptérologique :
14. L'étude écologique prévoit après analyse de l'état initial pour l'avifaune et les chiroptères (parties VII et VIII), les impacts bruts en phase chantier et en phase d'exploitation (parties XVI et XVII), les mesures relatives aux effets temporaires du chantier et celles portant sur les effets pérennes pour la biodiversité (parties XX et XXI) et en particulier, pour les mesures d'évitement, les conditions d'implantation du projet, pour les mesures de réduction, la limitation de l'attractivité des éoliennes pour la faune, la réduction de l'éclairage, l'arrêt conditionnel des éoliennes en faveur des chiroptères, l'arrêt conditionnel des éoliennes lors des travaux agricoles de moisson et fauche pour préserver l'avifaune en chasse, et pour les mesures compensatoires, la création/gestion de parcelles en jachère comme espaces de ressources alimentaire. Par ailleurs, la société Ferme éolienne du Fourris a répondu aux interrogations de la MRAe concernant les mesures de bridage envisagées dans sa réponse du 26 janvier 2022 en proposant comme mesure ERC, le maintien d'habitats peu favorables en dessous des éoliennes, la limitation de l'éclairage, le suivi de l'activité alimentaire des rapaces diurnes et l'arrêt potentiel des éoliennes lors des travaux de moisson et de fauche suite à la réalisation du suivi, la compensation du linéaire de haie coupé, la création/gestion de parcelles en jachère et prairie, la sensibilisation des acteurs locaux et la protection des nids de busards. En outre, les modalités de bridage en faveur des chiroptères sont exposées dans l'étude d'impact et en pages 8-10 de la réponse à l'avis de la MRAe.
En ce qui concerne la régularité de l'enquête publique :
15. Aux termes de l'article R. 181-36 du code de l'environnement : " La consultation du public est organisée selon les modalités du chapitre III du titre II du livre Ier, sous réserve des dispositions de l'article L. 181-10, de l'article R. 181-35, ainsi que des dispositions suivantes : 1° Lorsque la consultation du public est réalisée sous la forme d'une enquête publique, le préfet prend l'arrêté d'ouverture et d'organisation de l'enquête prévu par l'article R. 123-9 au plus tard quinze jours après la désignation du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête ou, lorsque la réponse du pétitionnaire requise par le dernier alinéa du V de l'article L. 122-1 est plus tardive que cette désignation, après la réception de cette réponse (...) ".
16. S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à la publicité de l'ouverture de l'enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions précitées, la méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.
17. La circonstance que l'enquête publique ait été prescrite par un arrêté de la préfète des Deux-Sèvres du 21 janvier 2022, plus de 15 jours après la désignation du commissaire enquêteur, n'est pas de nature à avoir exercé une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique doit être écarté.
En ce qui concerne l'instruction de la demande d'autorisation environnementale :
18. D'une part, aux termes de l'article R. 181-41 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " Le préfet statue sur la demande d'autorisation environnementale : 1° Dans les deux mois à compter du jour de l'envoi par le préfet au pétitionnaire du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur en application de l'article R. 123-21, sous réserve des dispositions de l'article R. 214-95, ou de synthèse des observations et propositions du public en application du II de l'article R.123-46-1 ; 2°) Ou dans le délai prévu par le calendrier du certificat de projet lorsqu'un tel certificat a été délivré et que l'administration et le pétitionnaire se sont engagés à le respecter. /Ce délai est toutefois prolongé d'un mois lorsque l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ou celui du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques est sollicité sur le fondement de l'article R. 181-39. /Ces délais peuvent être prorogés par arrêté motivé du préfet dans la limite de deux mois, ou pour une durée supérieure si le pétitionnaire donne son accord. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-42 du même code : " Le silence gardé par le préfet à l'issue des délais prévus par l'article R. 181-41 pour statuer sur la demande d'autorisation environnementale vaut décision implicite de rejet ".
19. Il résulte de l'instruction que le rapport et les conclusions du commissaire-enquêteur ont été rédigés le 12 avril 2022 et qu'en réponse aux observations du commissaire enquêteur, le défendeur a communiqué ses écrits le 7 avril 2022. Ainsi, les éléments du commissaire enquêteur lui avaient nécessairement été communiqués à cette date. Dans ces conditions, le silence gardé pendant plus de deux mois par la préfète des Deux-Sèvres sur la demande d'autorisation présentée par la société Ferme éolienne du Fourris a fait naître une décision implicite de rejet au plus tard le 7 juin 2022 en application des articles R. 181-43 et R. 181-41 du code de l'environnement. Dès lors que l'arrêté d'autorisation contesté a été pris le 24 novembre 2022, il a implicitement mais nécessairement retiré cette décision implicite de rejet. Le moyen tiré de ce que cet arrêté serait illégal en ce qu'il méconnaitrait les dispositions de l'article R. 181-42 du code de l'environnement ne peut donc qu'être écarté.
20. D'autre part, aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme (...) 3° L'architecte des Bâtiments de France si l'autorisation environnementale tient lieu des autorisations prévues par les articles L. 621-32 et L. 632-1 du code du patrimoine (...). Aux termes de l'article L. 621-32 du code du patrimoine : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1 ". Aux termes de l'article L. 621-30 du même code : " I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords [...] II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques. En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci ". Aux termes enfin de l'article L. 632-1 du même code : " Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis. Sont également soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des éléments d'architecture et de décoration, immeubles par nature ou effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, lorsque ces éléments, situés à l'extérieur ou à l'intérieur d'un immeuble, sont protégés par le plan de sauvegarde et de mise en valeur. Pendant la phase de mise à l'étude du plan de sauvegarde et de mise en valeur, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties intérieures du bâti. L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable ".
21. En premier lieu, l'installation litigieuse ne se situe pas dans le " périmètre d'un site patrimonial remarquable " au sens de l'article L. 632-1 du code du patrimoine.
22. En second lieu, elle ne porte pas sur des " travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords " au sens des articles L. 621-30 et L. 621-32 du code du patrimoine puisqu'il ressort de l'étude d'impact qu'aucun monument protégé n'est situé à moins de 500 mètres du projet d'éolienne en cause, pas même le château de Melzéard pour lequel la sensibilité en termes de covisibilité a été qualifiée de forte, qui est situé à 2,4 Km.
23. Il suit de là que l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France n'était pas requis et que l'autorisation environnementale pouvait être délivrée malgré l'absence d'avis de l'architecte des bâtiments de France.
En ce qui concerne les modifications apportées au dossier de demande postérieurement à l'enquête publique :
24. Aux termes de l'article L. 123-14 du code de l'environnement : " Au vu des conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, la personne responsable du projet, plan ou programme visé au I de l'article L. 123-2 peut, si elle estime souhaitable d'apporter à celui-ci des changements qui en modifient l'économie générale, demander à l'autorité organisatrice d'ouvrir une enquête complémentaire portant sur les avantages et inconvénients de ces modifications pour le projet et pour l'environnement. Dans le cas des projets d'infrastructures linéaires, l'enquête complémentaire peut n'être organisée que sur les territoires concernés par la modification. Dans le cas d'enquête complémentaire, le point de départ du délai pour prendre la décision après clôture de l'enquête est reporté à la date de clôture de la seconde enquête. Avant l'ouverture de l'enquête publique complémentaire, le nouveau projet, plan ou programme, accompagné de l'étude d'impact ou du rapport sur les incidences environnementales intégrant ces modifications, est transmis pour avis à l'autorité environnementale conformément, selon les cas, aux articles L. 122-1 et L. 122-7 du présent code et à l'article L. 104-6 du code de l'urbanisme et aux collectivités territoriales et à leurs groupements consultés en application du IV de l'article L. 122-1 ".
25. Il est possible de modifier les caractéristiques du projet à l'issue de l'enquête publique, sous réserve, d'une part, que ne soit pas remise en cause l'économie générale du projet et, d'autre part, que cette modification procède de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire enquêteur, des observations du public et des avis émis par les collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.
26. Si la demande d'autorisation environnementale formulée par la société pétitionnaire portait sur un parc composé de huit aérogénérateurs, et que la préfète des Deux-Sèvres n'a autorisé que cinq d'entre eux, supprimant ainsi 37,5% des aérogénérateurs initialement prévus, cette situation de fait et de droit ne résulte pas d'une modification portée aux caractéristiques du projet par la pétitionnaire, à l'issue de l'enquête publique. D'autre part, l'autorité préfectorale peut régulièrement, pour la délivrance d'une autorisation d'exploiter un parc éolien, réduire le nombre d'éoliennes à implanter demandé par le pétitionnaire, sans qu'elle soit regardée comme procédant à une modification substantielle du projet privant le public d'une garantie au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 123-14 du code de l'environnement.
En ce qui concerne les atteintes alléguées aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
27. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".
28. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions précitées en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.
S'agissant de l'atteinte aux chiroptères et aux avifaunes :
29. Il ressort tant de l'étude écologique que de l'avis défavorable de la MRAe et du mémoire en réponse apporté par la requérante à cet avis que le projet s'implante à proximité des sites Natura 2000 et notamment " Vallée de la Boutonne " qui est une ZSC qui jouxte la zone d'implantation potentielle (ZIP) abritant notamment des chauves-souris et des oiseaux, et "Carrières de Loubeau" qui est une ZSC qui constitue un site majeur pour l'hibernation et la reproduction de nombreuses espèces de chiroptères.
30. De première part, il ressort des documents précités que les impacts bruts les plus importants sur l'avifaune en phase d'exploitation concernent les risques de mortalité par collision pour le busard cendré, le faucon crécerelle et l'alouette des champs. Pour limiter les effets de ces impacts bruts, le choix a été fait d'implanter les éoliennes projetées en continuité de parcs existants (parcs de Lusseray-Paizay-le-Tort et de la Tourette 1 et 2), de concentrer les appareils à l'est de la zone d'implantation présentant moins d'enjeux, de choisir des machines de grand gabarit avec une distance de bas de pâle importante (44 mètres) et de retenir un espacement minimal de 400 m entre les éoliennes permettant le transit entre les appareils pour les espèces les moins craintives. En outre, les mesures prévues permettent d'atteindre des niveaux d'impacts résiduels faibles à négligeables pour la majorité des espèces, et modérés pour deux d'entre elles (l'alouette des champs et le pluvier doré). Elles portent notamment au cours du chantier sur l'adaptation calendaire pour la réalisation des travaux afin d'éviter les impacts sur les populations nicheuses ou le suivi écologique du chantier et en cours d'exploitation, sur la limitation de l'attractivité des éoliennes pour la faune, l'arrêt conditionnel des éoliennes lors des travaux agricoles de moisson et fauche (mesure favorable aux rapaces diurnes), le suivi de l'activité alimentaire des rapaces diurnes et grands échassiers lors des travaux agricoles, la protection des nids de busards et la sensibilisation des acteurs locaux en vue de la conservation des busards, la création et la gestion de parcelles en jachère attractives pour les rapaces et oiseaux de plaine. Si les requérantes font valoir, en s'appuyant sur l'avis de la MRAe, que le projet ne comporte pas de mesures de bridage lors des pics migratoires ou de système de détection automatisé des situations à risque, toutefois, en privilégiant in fine un alignement des éoliennes parallèles aux axes de déplacements principaux identifiés au cours du suivi de la migration, aussi bien en automne qu'au printemps, et en supprimant les trois éoliennes 1, 2 et 6, le niveau d'impact a été fortement réduit de sorte que le risque est faible pour le pluvier doré et le faucon crécerelle, très faible pour 9 espèces, et nul pour l'ensemble des autres espèces. S'agissant du risque de mortalité par collision, à la suite de la mise en œuvre de la démarche Eviter-Réduire-Compenser (ERC), le risque d'impact résiduel est considéré comme très faible à faible pour l'avifaune en migration à l'exception, du pluvier doré et de l'alouette des champs. Ce risque reste toutefois largement théorique compte tenu de l'effet repoussoir des parcs éoliens observé pour le pluvier doré, de la possibilité de report sur les nombreuses zones d'habitats favorables sur le secteur et des mesures agro-environnementales prévues en l'article 8b de l'arrêté par la création d'une surface égale au double de celle liée à la perte d'habitat (parcelles en jachère), de milieux riches en ressources alimentaires ainsi que de sites de nidifications terrestres en dehors de la zone d'implantation du parc. Par ailleurs, des suivis renforcés sont prévus afin de s'assurer de l'efficacité des mesures de prévention, à savoir un suivi de mortalité sur la base de 52 passages par an durant les 3 premières années d'exploitation et un suivi d'activité sur la base de 15 passages annuels les 3 premières années d'exploitation. Enfin, ainsi qu'il a été précédemment indiqué ces deux oiseaux ne figurent pas sur la liste des oiseaux à protéger.
31. De seconde part, s'agissant des chiroptères, il ressort des documents précités que le risque d'impact brut de collision est modéré pour les espèces ne pratiquant pas le haut vol (barbastelle d'Europe, grand rhinolophe, minioptère de Schreibers, murin à moustaches, murin à oreilles échancrées, murin d'Alcathoe, murin de Bechstein, murin de Daubenton, murin de Natterer, oreillard gris, oreillard roux et petit rhinolophe) dès lors que le bas de pale doit s'élever à environ 44 m, soit plus de 2 fois la hauteur de canopée (10 - 15 m), très fort pour la pipistrelle commune et la pipistrelle de Kuhl, fort pour les Noctules (commune et de Leisler), et modéré pour le grand murin. Toutefois, après prise en compte de la distance séparant ces éoliennes des haies, l'impact pour chaque taxon est faible ou très faible sauf pour les pipistrelles communes et de Kuhl où l'enjeu est modéré. L'impact résiduel après mise en œuvre des mesures d'évitement et de réduction est ramené, pour tous ces taxons, à " faible à très faible ". Au demeurant, la distance de séparation des éoliennes des espaces boisés est supérieure à la préconisation de l'accord européen Eurobats, d'une distance minimale de 200 mètres, accord qui n'a d'ailleurs pas de valeur réglementaire. De plus, la perte d'habitats liée à la destruction de 373 mètres linéaires de haies à forts enjeux pour la chasse ou le transit, qui ne représente toutefois que moins de 2 % du linéaire total de l'aire immédiate, sera compensée par la plantation de 1 085 mètres linéaires, à réaliser avant l'arrachage selon une localisation définie par un écologue afin de reconstituer ou renforcer (mesure de réduction) des corridors de déplacement avant même la construction du parc. Enfin la suppression des éoliennes 1, 2 et 6 situées à proximité des haies à fort enjeu, permet de réduire les risques d'atteinte aux chiroptères et à l'avifaune. L'appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation ne permet donc pas de caractériser une atteinte aux intérêts environnementaux mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
S'agissant de l'atteinte au paysage et à la commodité du voisinage :
32. Dès lors que les éoliennes 1, 2 et 6 ont été refusées par la préfète des Deux-Sèvres, il ne ressort pas des photomontages joints à l'étude paysagère, dont la méthodologie n'est pas sérieusement contestée, que les éoliennes créeraient un effet d'écrasement ou une rupture d'échelle significative avec le paysage existant compte tenu de la distance avec les autres éléments paysagers et de la topographie des lieux. Il ressort également des photomontages réalisés depuis les aires d'étude éloignée, rapprochée et immédiate que les parcs éoliens existants ou à venir génèrent relativement peu d'effets cumulés avec le projet de la Ferme éolienne du Fourris. En effet, le parc autorisé composé de 5 éoliennes est tronqué par le relief et la trame végétale et ponctuellement, il s'inscrit dans la continuité et le prolongement des implantations existantes et en projet, générant ainsi de façon générale une augmentation de l'angle horizontal occupé par les éoliennes. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que, dès lors que les éoliennes 1, 2 et 6 ont été refusées, les bourgs de Saint-Romans-lès-Melle, Lusseray et Paizay-le-Tort subiraient, un effet d'encerclement et ce compte tenu de la présence de barrières visuelles. Ainsi, s'agissant du bourg de Saint-Romans-lès-Melle, les photomontages, réalisés depuis la frange nord du village, démontrent que la quasi-totalité des parcs éoliens sera masquée par la végétation dense ou le relief légèrement ondulé de sorte que la prégnance des parcs est très faible, y compris en hiver. Il en va de même dans la frange Sud au regard de l'ondulation du relief créée par la vallée de la Béronne et du fait que la végétation de la ripisylve joue un rôle de filtre visuel et dans le centre-bourg où le parc litigieux sera intégralement masqué. Concernant le bourg de Lusseray, les photomontages réalisés démontrent qu'aucun risque d'encerclement n'est à craindre tant depuis la frange Nord du village, où le projet litigieux s'additionne aux parcs existants en étendant très légèrement l'occupation de l'angle horizontal, que depuis la frange Est, la plupart des parcs étant dissimulée derrière la trame végétale et bâtie, que depuis le Sud où le relief marqué dissimule la plupart des parcs, y compris le projet litigieux. Ce n'est donc que depuis le centre bourg et depuis la frange Ouest du village, que plusieurs éoliennes seront visibles au niveau des champs et d'un hangar agricole sans toutefois confiner à un effet d'encerclement. Enfin, concernant le bourg de Paizay-le-Tort, depuis le Nord-Est, le centre-bourg, et le Nord le projet litigieux est masqué, par un filtre de végétation. Le projet n'est ainsi visible que depuis le Sud du village sans confiner à une saturation paysagère. Au demeurant, une mesure d'accompagnement de mise en place de plantations de haies hautes est proposée à la mise en service de la Ferme éolienne du Fourris en fonction des vues ouvertes aux habitations les plus proches concernées, notamment pour les franges des bourgs de Lusseray, Brioux-sur-Boutonne, Paizay-le-Tort ainsi que pour les habitats isolés pouvant avoir une incidence identifiée comme très forte. Elle consiste notamment en la mise en place de 550 ml de haies bocagères constituées d'un mélange d'arbustes, d'arbrisseaux ainsi que ponctuellement d'arbres de haut jet. Enfin, si la densité d'éolienne dans un rayon de 10 Km est de 8 parcs totalisant 45 mâts et 1 parc en construction représentant 6 mâts, ce constat ne suffit pas davantage à caractériser un phénomène d'encerclement. Par suite, et alors même que les mesures effectuées dans l'étude d'impact dépassent les niveaux " d'ambiance calme en milieu rural " du plan de prévention du bruit dans l'environnement de la commune de Melle et que l'installation est située dans le champ de visibilité du château de Melzéard mais sans impact significatif, le moyen tiré de ce que l'autorisation attaquée porte atteinte aux intérêts paysagers doit être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance du règlement du PLU de Brioux-sur-Boutonne :
33. Selon l'article 2 du chapitre 4 du règlement du PLU de Brioux-sur-Boutonne sont autorisées en zone N " Les ouvrages nécessaires au bon fonctionnement des services publics ou d'intérêt collectif (...) à condition qu'ils n'aient pas un impact notable sur l'environnement en particulier s'ils sont situés en zone Natura 2000 ".
34. Dès lors que la construction d'un parc éolien contribuant aux objectifs nationaux d'atteinte de la part des énergies renouvelables d'au moins 33 % en 2030 de la consommation finale brute d'énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030, correspond à une installation d'intérêt collectif au sens de ces dispositions et qu'ainsi qu'il a été précédemment indiqué, le projet du Fourris autorisé ne présente pas un impact notable sur l'environnement, le moyen tiré de ce que les ouvrages situés en zone N - dont la préfète aurait inexactement estimé qu'ils sont situés en zone A - portent un impact notable sur l'environnement en méconnaissance du règlement précité du PLU, doit être écarté.
En ce qui concerne l'absence de demande de dérogation pour la destruction d'espèces protégées :
35. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I.- Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : /1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces (...) 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces (...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". D'après l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique (...) ".
36. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
37. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres, d'oiseaux, d'amphibiens ou de reptiles figurant sur les listes fixées par les arrêtés des 23 avril 2007, 29 octobre 2009 et 8 janvier 2021, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.
38. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ". Pour apprécier si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé pour justifier la nécessité d'une telle dérogation, le juge administratif tient compte des mesures complémentaires d'évitement et de réduction des atteintes portées à ces espèces, prescrites, le cas échéant, par l'administration ou par le juge lui-même dans l'exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction.
39. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, compte tenu de l'enjeu identifié et des mesures d'évitement et de réduction retenues par la pétitionnaire, s'agissant des chiroptères et des avifaunes, le risque d'impact résiduel est considéré comme très faible à faible pour l'avifaune en migration à l'exception du pluvier doré et de l'alouette des champs qui ne figurent toutefois pas sur la liste des oiseaux à protéger dans l'arrêté du 29 octobre 2009. Les risques liés au projet ne sont ainsi pas suffisamment caractérisés et les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'illégalité en tant qu'il ne comporte pas la dérogation prévue par les dispositions citées ci-dessus.
40. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête de la communauté de communes Mellois en Poitou, que la communauté de communes Mellois en Poitou et la commune de Melle ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2022 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a délivré à la société Ferme éolienne du Fourris une autorisation de construire et d'exploiter les éoliennes n° 3, 4, 5, 7 et 8 sur le territoire des communes de Brioux-sur-Boutonne, Lusseray et Melle.
Sur la légalité de la décision du 6 mars 2024 refusant l'adaptation de la prescription énoncée à l'article 7g de l'arrêté portant autorisation environnementale du 24 novembre 2022 :
41. Selon les dispositions de l'article 26 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 modifié susvisé, les émissions sonores émises par une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ne doivent pas être pas à l'origine, dans les zones à émergence réglementée, d'une émergence supérieure de 5 db entre 7 heures et 22 heures et de 3 db entre 22 heures et 7 heures au niveau de bruit ambiant existant. Selon ces mêmes dispositions, " Lorsque plusieurs installations classées, soumises à autorisation au titre de rubriques différentes, sont exploitées par un même exploitant sur un même site, le niveau de bruit global émis par ces installations respecte les valeurs limites ci-dessus ".
42. La prescription énoncée à l'article 7g de l'arrêté portant autorisation environnementale du 24 novembre 2022 dont la requérante demande l'annulation prévoit que les contributions sonores des deux parcs déjà exploités ne sont pas rangées dans le " Bruit résiduel " du parc projeté de sorte que la contribution acoustique du parc éolien projeté doit être telle que l'émergence cumulée des parcs voisins respecte, dans la zone à émergence réglementée, quand le bruit ambiant y dépasse 35 dB, les valeurs limites notées dans le tableau de l'article 26 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 modifié susvisé. Or, il résulte des dispositions précitées de l'article 26 de l'arrêté du 26 août 2011, que ce n'est que lorsque plusieurs installations classées pour la protection de l'environnement sont exploitées par une même personne sur un même site que le niveau de bruit global émis par ces installations doit respecter les seuils de bruits règlementaires en vigueur. En conséquence, il ne saurait être fait grief à l'étude acoustique une absence de prise en compte des effets cumulés des bruits engendrés par les éoliennes dont la société pétitionnaire n'est pas l'exploitante, quand bien même elles sont situées dans les environs proches du projet. Le guide relatif à l'élaboration des études d'impacts des projets de parcs éoliens terrestres - Décembre 2016 en page 155, dans ses " Méthodes d'analyses des effets cumulés " préconise également cette solution. Par suite, dans le cas, comme en l'espèce, d'un nouveau projet indépendant des autres installations implantées par des exploitants différents, le bruit résiduel correspond nécessairement, pour les calculs d'émergence, au bruit mesuré avec ces autres parcs en fonctionnement. La prescription mentionnée dans l'arrêté attaquée, quand bien même elle précise qu'elle s'applique " sous réserve que les exploitants des parcs éoliens voisins aient communiqué à la société la caractérisation des émissions sonores (dont bridage) de leur parc éolien " et que le préfet indique dans son mémoire en défense que l'exploitant 3D Energies des parcs la Tourette 1 et la Tourette 2 a été sollicité afin qu'il communique les données acoustiques de ces parcs, est donc entachée d'une erreur de droit.
43. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il besoin d'examiner les autres moyens de la requête que l'article 7 g de l'arrêté de 2021 doit être annulé en tant qu'il prévoit que les parcs situés sur le même site que ceux visés dans le dit arrêté sont considérés en fonctionnement dans l'analyse des effets cumulés. Il y a lieu, conformément aux pouvoirs dévolus au juge du plein contentieux et rappelés au point 3 ci-dessus, de supprimer les deuxième et troisième alinéa de l'article 7 g de l'arrêté.
Sur les autres conclusions :
44. Le présent arrêt qui rejette les conclusions des parties n'implique aucune mesure d'exécution. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Ferme éolienne du Fourris, de la communauté de communes Mellois en Poitou et de la commune de Melle tendant au versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les deuxième et troisième alinéas de l'article 7g de l'arrêté portant autorisation environnementale du 24 novembre 2022 sont supprimés.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne du Fourris, à la communauté de communes Mellois en Poitou, à la commune de Melle, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente.
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Carine Farault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 avril 2025.
Le rapporteur,
Nicolas A...
La présidente,
Fabienne Zuccarello La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX00211, 23BX00676, 23BX00811, 24BX01055