Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 18 août 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2301286 du 30 septembre 2024, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 décembre 2024 et 13 février 2025, M. A..., représenté par Me Navin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 30 septembre 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 août 2023 du préfet de la Guadeloupe ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer une carte de séjour temporaire avec autorisation de travail, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- il est entaché d'un vice de procédure en ce que le préfet a méconnu le droit d'être entendu tel qu'il est garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il est entaché d'erreur de fait dès lors que, contrairement à ce qu'a indiqué le préfet, ses deux fils âgés de vingt ans résident en Guadeloupe avec lui ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce que le préfet s'est cru en situation de compétence liée, faute d'avoir examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et avoir limité son examen au fondement de sa demande présentée au titre de l'article L. 421-5 du même code ;
- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de la situation en Haïti ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un vice de procédure en ce que le préfet a méconnu le droit d'être entendu tel qu'il est garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet s'est cru en situation de compétence liée, faute d'avoir examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et avoir limité son examen au fondement de sa demande présentée au titre de l'article L. 421-5 du même code ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de la situation en Haïti ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne le signalement aux fins de non admission dans le fichier d'information Schengen des personnes recherchées :
- il est illégal en raison de l'illégalité dont est entachée l'obligation de quitter le territoire français.
La requête de M. A... a été communiquée au préfet de la Guadeloupe qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 14 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 février 2025 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant haïtien né le 14 mars 1967 à Croix-des-Bouquets (Haïti), déclare être entré en France en 2004. Le 7 juin 2022, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur / profession libérale ". Par un arrêté du 18 août 2023, le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé et l'a informé de ce qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le fichier des personnes recherchées. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 30 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, M. A... réitère devant la cour le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu tel qu'il est prévu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il y a lieu d'écarter ce moyen, à l'appui duquel le requérant ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
4. Il est constant que M. A... a présenté une demande de titre de séjour sur le seul fondement de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet n'a pas examiné sa situation sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
6. M. A... se prévaut tout d'abord de sa durée de résidence en France. Toutefois, il ne justifie pas avoir résidé de façon continue sur le territoire français depuis 2004, date alléguée de son entrée en France, ni même avoir séjourné en France en situation régulière, excepté sur la période allant du 3 décembre 2020 au 2 juin 2021 pour laquelle il justifie de l'obtention d'une autorisation provisoire de séjour. S'il fait valoir qu'il vit avec ses deux fils en Guadeloupe, il ne ressort pas des pièces du dossier que ses fils, tous deux majeurs, seraient en situation régulière sur le territoire français et que sa présence à leur côté serait indispensable. Quant à la circonstance qu'il vivrait avec sa compagne depuis quatre ans, elle n'est nullement établie. Il n'établit pas davantage que sa compagne serait mère d'un enfant français. M. A... produit enfin deux contrats à durée indéterminée, respectivement conclus les 26 février 2017 et 26 février 2019, avec la même société et prévoyant tous deux une prise de fonctions au 18 février 2019 en qualité de maçon. Toutefois, il n'établit pas avoir effectivement travaillé pour cette société, ses avis d'imposition établis en 2020 et 2021 ne faisant mention d'aucun revenu. Si M. A... produit également des pièces attestant de l'exercice d'une activité de ventes de fruits et légumes et produits alimentaires en qualité de travailleur indépendant, depuis le 2 mars 2020, il n'établit pas tirer de cette activité des moyens d'existence suffisants. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ainsi que, pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
7. En dernier lieu, si M. A... entend invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est inopérant à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour, qui ne fixe pas par elle-même le pays de renvoi.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, pour le même motif que celui indiqué au point 2 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en prenant la décision en litige ne peuvent qu'être écartés.
10. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant en ce que l'obligation de quitter le territoire français ne fixe pas le pays de destination.
En ce qui concerne le pays de renvoi :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
12. La décision en litige vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle la nationalité haïtienne du requérant. Le préfet de la Guadeloupe précise que l'intéressé n'allègue pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, cette décision comporte les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
13. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le requérant n'établit pas l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.
14. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
15. Si M. A... fait état, en termes généraux, de la dégradation de la situation sécuritaire en Haïti, il n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'à la date de la décision contestée, à laquelle doit être appréciée sa légalité, il aurait été personnellement exposé, en cas de retour dans son pays, à des risques portant atteinte aux droits protégés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
16. Toutefois, la situation actuelle en Haïti est de nature à faire obstacle à l'exécution de la décision fixant cet Etat comme pays de renvoi, eu égard aux stipulations précitées de l'article 3 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le signalement aux fins de non admission dans le fichier d'information Schengen des personnes recherchées :
17. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par M. A..., et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1 : La requête présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Bénédicte Martin, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Bénédicte Martin La greffière,
Laurence Mindine La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX03055