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10/04/2025 | FRANCE | N°24BX01938

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 10 avril 2025, 24BX01938


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 20 mars 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par le jugement n° 2300458 du 5 mars 2024, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 31 juillet,

24 et 27 septembre 2024, Mme B..., représentée par Me Djimi, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 20 mars 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par le jugement n° 2300458 du 5 mars 2024, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 31 juillet, 24 et 27 septembre 2024, Mme B..., représentée par Me Djimi, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 5 mars 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 20 mars 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de parent d'enfant français, et subsidiairement, en vertu de l'article L. 423-23 du même code, au titre de la vie privée et familiale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est mère de deux enfants nés en France et dont un est français, que le père de son enfant français a toujours pourvu à l'entretien et à l'éducation de leur enfant, qu'elle est insérée dans la société française au sein de laquelle elle a développé le centre de ses intérêts personnels et affectifs, qu'elle n'a plus de famille en Haïti, que ses frères et sœurs résident tous en France de manière régulière ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation dès lors qu'elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale compte tenu des liens personnels et familiaux qui la lient à la France ;

S'agissant de la décision d'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de sa situation personnelle et de son insertion au sein de la société française ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation, qui apparaissent disproportionnées et lui sont préjudiciables, au vu de ses attaches personnelles et affectives sur le territoire ;

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation dès lors que celle-ci répond à l'ensemble des conditions posées par l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Guadeloupe le 30 janvier 2025.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/000697 du 11 avril 2024 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux.

Par un courrier du 12 mars 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français, dès lors que le préfet de la Guadeloupe n'a pas pris de décisions ayant un tel objet le 20 mars 2023.

Mme B... a produit des observations enregistrées le 15 mars 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante haïtienne née le 16 avril 1980, serait entrée sur le territoire français le 12 janvier 2016, sous couvert d'un visa de long séjour. Le 22 août 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 mars 2023, le préfet de la Guadeloupe a refusé de faire droit à sa demande. Mme B... relève appel du jugement du 5 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français :

2. Si en appel Mme B... épouse C... soutient que l'arrêté du 20 mars 2023 lui refuse la délivrance d'un titre de séjour mais lui fait également obligation de quitter le territoire français et prononce également à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire, il ne ressort toutefois pas de l'examen de celui-ci qu'il comporterait de telles décisions. Dès lors, les moyens et les conclusions à fin d'annulation invoqués nouvellement à l'appui de ces décisions, inexistantes, doivent être rejetées comme étant en tout état de cause irrecevables.

Sur le surplus des conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L412-1. " et aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". Enfin, aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif qu'il est parent d'un enfant français doit justifier, outre de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, de celle de l'autre parent, de nationalité française, lorsque la filiation à l'égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l'article 316 du code civil. Le premier alinéa de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que cette condition de contribution de l'autre parent doit être regardée comme remplie dès lors qu'est rapportée la preuve de sa contribution effective ou qu'est produite une décision de justice relative à celle-ci. Dans ce dernier cas, il appartient seulement au demandeur de produire la décision de justice intervenue, quelles que soient les mentions de celle-ci, peu important notamment qu'elles constatent l'impécuniosité ou la défaillance du parent français auteur de la reconnaissance.

5. Pour refuser de délivrer à Mme B... un titre de séjour, le préfet de la Guadeloupe s'est fondé sur le motif que la requérante n'établissait pas que M. F..., le père français de sa fille, née le 14 janvier 2019, contribuait à son entretien et à son éducation. Il ressort des pièces du dossier que la participation effective du père à l'entretien de l'enfant n'est justifiée que par deux achats d'articles au cours de l'année 2022 et des placements ponctuels de sommes sur le livret A, ouvert au nom de l'enfant au cours des années 2021 et 2022, tous les autres achats et remises de sommes étant intervenus au cours de 2023 postérieurement à l'arrêté attaqué. Ainsi, les seuls éléments produits par Mme B..., notamment les quelques photos sans date, ni précision et les attestations de proches peu circonstanciées ne permettent pas de démontrer la contribution de M. F... à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, alors qu'il ressort en outre des pièces du dossier qu'il ne réside pas avec l'enfant. Par suite, les conditions de délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français n'étant

pas remplies, le préfet de la Guadeloupe n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à Mme B... un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme B... fait valoir qu'elle est entrée sur le territoire français en 2016 et s'est vue délivrer un titre de séjour en qualité de conjointe de français jusqu'au 6 novembre 2016. Le jugement de divorce a été prononcé le 10 novembre 2023 entre les époux, sans enfant etséparés depuis le mois de septembre 2022. Si MmeDélice se prévaut de son apprentissage de la langue française, du suivi de stages d'accès à l'emploi, ainsi que de la présence de sa fratrie et de ses deux enfants A..., né le 22 janvier 2017 et Leina, née le 14 janvier 2019, elle ne justifie ni de son insertion sociale et professionnelle, ni de l'intensité des liens qu'elle allègue avoir développés sur le territoire français. Compte tenu des conditions de séjour de l'intéressée, laquelle n'établit pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder l'arrêté contesté comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Bénédicte Martin, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andreo, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 avril 2025.

La présidente-assesseure,

Béatrice Molina-Andreo La présidente,

Bénédicte D...

La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01938
Date de la décision : 10/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : CABINET DJIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-10;24bx01938 ?
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