Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 4 juin 2024 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur le territoire pour une durée de dix ans et fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2403637 du 25 juin 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a renvoyé à une formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour et a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur le territoire français et fixant le pays de destination.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 12 juillet 2024 et le 23 janvier 2025, le préfet de la Gironde demande à la cour d'annuler le jugement no 2403637 du 25 juin 2024 de la magistrate désignée par le tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il annule les décisions du 4 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire et fixant le pays de destination.
Il soutient que :
- le comportement de M. B... représente une menace actuelle et grave à l'ordre public ;
- les décisions attaquées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2025, M. B..., représenté par Me Lanne, demande à la cour de rejeter la requête du préfet de la Gironde et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et de le mettre en possession d'un récépissé l'autorisant à travailler dans cette attente ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de le mettre en possession d'un récépissé l'autorisant à travailler dans cette attente, d'enjoindre au préfet de la Gironde de prendre sans délai toute mesure propre à mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen, et enfin, l'ayant admis à l'aide juridictionnelle provisoire, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne le moyen commun :
- l'arrêté est entaché d'incompétence de l'auteur de l'acte dès lors que le préfet de la Gironde ne justifie pas d'une délégation de signature complète et régulièrement publiée ;
En ce qui concerne, par voie d'exception, la décision portant refus de délivrer un titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'un vice de procédure tiré de l'absence de saisine des services de police ou de gendarmerie ainsi que le procureur de la république aux fins de demande d'information sur les suites judiciaires données aux mentions figurant dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et porte une atteinte excessive à son droit au respect à une vie privée et familiale.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour entraine, par voie de conséquence, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle l'expose à un traitement inhumain et dégradant en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation tant dans son principe que dans sa durée.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/002494 du 19 septembre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n ° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les observations de Me Lanne, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité camerounaise, est entré en France le 14 décembre 2004 à l'âge de 3 ans. Il s'est vu délivrer le 7 novembre 2007 un document de circulation pour mineur valable du 7 novembre 2007 au 18 novembre 2015. Il a obtenu le 1er février 2019 une carte de séjour temporaire au titre de ses liens privés et familiaux, valable du 1er février 2019 au 31 janvier 2020, puis le 25 mai 2020 une carte de séjour pluriannuelle au titre de ses liens privés et familiaux, valable du 1er février 2020 au 31 janvier 2022. Par une demande enregistrée le 4 décembre 2023, M. B..., placé en détention provisoire à compter du 22 septembre 2022 pour meurtre et destruction de bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de ses liens privés et familiaux sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 juin 2024, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de dix ans et a fixé le pays de renvoi. Par la présente requête, le préfet de la Gironde relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il annule ses décisions du 4 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix ans et fixant le pays de renvoi.
Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 septembre 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant à se voir accorder l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont donc dépourvues d'objet et doivent être rejetées.
Sur le motif d'annulation retenu pas le jugement attaqué :
3. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et liberté d'autrui ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. Pour obliger M. B... à quitter le territoire français au motif de la menace à l'ordre public qu'il représenterait, le préfet de la Gironde s'est notamment fondé sur un certain nombre de mentions figurant au fichier de traitement des affaires judiciaires (TAJ) et sur la circonstance qu'il faisait l'objet, à la date de l'arrêté du 4 juin 2024, d'une détention provisoire depuis le 22 septembre 2022 pour des faits de meurtre.
5. M. B..., pour contester cette décision, se prévaut de l'ancienneté et de la durée de son séjour en France, où résident sa mère, naturalisée française, ainsi que sa sœur et son frère, et indique qu'il est dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. S'il ne conteste pas avoir fait l'objet de plusieurs convocations devant le juge des enfants et le délégué du procureur de la République au cours de sa minorité, il souligne à juste titre qu'il n'est pas établi par les seules mentions au TAJ que les signalements y figurant aient abouti à des mises en cause et des condamnation pénales. Il ressort toutefois des mentions du bulletin n° 2 de son casier judiciaire qu'il a été condamné le 6 novembre 2023 par le tribunal correctionnel de Dax à une peine de 3 mois d'emprisonnement pour des faits de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique sans incapacité, vol et tentative de vol commis le 16 juillet 2022. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'au moment de la décision attaquée, M. B... était placé en détention provisoire pour des faits de meurtre et de destruction de bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, commis en septembre 2022. S'il ressort d'une expertise psychiatrique du 11 avril 2023 que ces faits ont été commis alors que l'intimé, pour lequel un diagnostic de schizophrénie a été posé en 2017, ne prenait plus son traitement médicamenteux et se trouvait dans un état de " délire schizophrénique ayant aboli son discernement ", ce qui a conduit la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau à prononcer le 18 juin 2024 un non-lieu pour irresponsabilité pénale avec placement d'office, cette circonstance est sans incidence pour la qualification de menace à l'ordre public, qui procède de considérations objectives indépendantes de la responsabilité pénale de leur auteur. Eu égard à la particulière gravité de l'acte considéré, précédé de faits délictueux ayant donné lieu à condamnation pénale, la présence de M. B... sur le territoire français est de nature à représenter une menace grave pour l'ordre public. L'intéressé ne justifie par ailleurs d'aucune insertion particulière au sein de la société française, les circonstances décrites ci-avant étant au demeurant de nature à démontrer un défaut d'intégration. Il est par ailleurs célibataire et sans charge de famille. Dans ces circonstances, en l'obligeant à quitter le territoire, le préfet de la Gironde n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect à la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux s'est fondée sur le motif tiré d'une méconnaissance des stipulations citées au point 3 pour annuler ses décisions du 4 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire et fixant le pays de destination.
6. Il appartient dès lors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance et en appel.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions litigieuses :
7. L'arrêté contesté a été signé par Mme Aurore Le Bonnec, secrétaire générale de la préfecture de la Gironde à qui, par un arrêté du 30 janvier 2023 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'État n° 33-2023-021, librement accessible sur internet, le préfet de la Gironde a donné délégation à l'effet de signer toutes décisions dans les matières relevant des attributions de l'État dans le département, à l'exception de certaines matières parmi lesquelles ne figure pas la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne, par voie d'exception, l'illégalité de la décision refusant de délivrer un titre de séjour :
8. En premier lieu, aux termes de l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes (...) de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers (...) ". Aux termes de l'article 230-6 du code de procédure pénale : " Afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel (...) ". Et aux termes du I de l'article R. 40-29 du même code : " Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, (...), les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : / (...) 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'État. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code. (...) ".
9. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. La saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du procureur de la République, imposée par les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, a pour objet de protéger les personnes faisant l'objet d'une mention dans le traitement d'antécédents judiciaires constitué par les services de police et de gendarmerie nationales aux fins de faciliter leurs investigations. Elle constitue, de ce fait, une garantie pour toute personne dont les données à caractère personnel sont contenues dans les fichiers en cause.
10. Ainsi qu'il a été dit, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B... au motif de la menace grave à l'ordre public qu'il représenterait, le préfet de la Gironde s'est notamment fondé, suite à la consultation du traitement des antécédents judiciaires, sur les divers signalements dont il a fait l'objet auprès des services de police. M. B... soutient que le préfet de la Gironde n'établit pas qu'il aurait saisi les services compétents de la police nationale ou de la gendarmerie nationale pour complément d'information, ou le procureur compétent concernant d'éventuelles suites judiciaires, conformément aux dispositions précitées du I de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale. Il ressort toutefois des termes mêmes de l'arrêté attaqué que la menace grave à l'ordre public que représente M. B... a également été caractérisée au motif des faits de meurtre et de destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes pour lesquels l'intéressé a été placé en détention provisoire en septembre 2022. Il résulte donc de l'instruction que le préfet de la Gironde aurait, en tout état de cause, pris la même décision s'il s'était fondé sur ces seuls faits d'une gravité particulière. Dès lors, le moyen doit être écarté.
11. En deuxième lieu, le requérant soutient que la décision portant refus de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, ces moyens doivent être rejetés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5.
12 En troisième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : /1o Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ".
13. Il résulte des dispositions précitées que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions relatives à la délivrance de plein droit des cartes de séjour citées audit article, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Dès lors que M. B..., ainsi qu'il est indiqué au point 8, ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est pas fondé à soutenir que la commission précitée aurait dû être saisie avant l'intervention de la décision de refus du titre de séjour.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
15. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. Il est certes constant que l'intéressé souffre de schizophrénie, diagnostiquée tardivement en 2017, pour laquelle il bénéficie d'un traitement ainsi que d'une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Toutefois, s'il soutient qu'en raison de sa maladie, la décision attaquée l'expose, en cas d'exécution de son éloignement au Cameroun, à des traitements inhumains et dégradants en méconnaissance des stipulations précitées, il ne démontre pas l'impossibilité de suivre un traitement dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire :
17. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
18. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Or, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, en édictant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix ans à l'encontre de M. B..., le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Gironde est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé ses décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix ans et fixant le pays de renvoi, et a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
20. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 3 et 4 du jugement n° 2403637 du 25 juin 2024 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux, en tant qu'elle est dirigée contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, lui interdisant le retour sur le territoire pour une durée de dix ans et fixant le pays de renvoi, est rejetée, y compris en ses conclusions accessoires, ainsi que ses conclusions présentées en appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Pierre Lanne, au ministre de l'intérieur et au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 11 février 2025 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2025.
La présidente-assesseure,
Marie-Pierre Beuve-Dupuy Le président-rapporteur,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 24BX01890 2