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08/04/2025 | FRANCE | N°24BX02237

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 08 avril 2025, 24BX02237


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Deux-Sèvres Nature Environnement, Mme N... AS..., Mme BD... BB..., Mme BL... E..., M. BA... AA..., M. C... J..., M. A... K..., Mme BP... K..., Mme AQ... L..., Mme BI... AN..., Mme S... BQ..., M. A... O..., Mme AG... BH..., Mme P... AR..., Mme X... BK..., Mme BC... Q..., M. R... AD..., Mme Y... AD..., Mme AO... AE..., Mme BO... AF..., M. BF... AH..., M. BA... BM..., Mme BR... BM..., M. W... U..., Mme AB... U..., M. BE... AI..., Mme H... AI..., M. G... V..., M. BG... AU...

, Mme AT... AU..., M. BJ... AV..., Mme AP... AV..., M. D... AJ..., Mme F......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Deux-Sèvres Nature Environnement, Mme N... AS..., Mme BD... BB..., Mme BL... E..., M. BA... AA..., M. C... J..., M. A... K..., Mme BP... K..., Mme AQ... L..., Mme BI... AN..., Mme S... BQ..., M. A... O..., Mme AG... BH..., Mme P... AR..., Mme X... BK..., Mme BC... Q..., M. R... AD..., Mme Y... AD..., Mme AO... AE..., Mme BO... AF..., M. BF... AH..., M. BA... BM..., Mme BR... BM..., M. W... U..., Mme AB... U..., M. BE... AI..., Mme H... AI..., M. G... V..., M. BG... AU..., Mme AT... AU..., M. BJ... AV..., Mme AP... AV..., M. D... AJ..., Mme F... AW..., M. B... AM..., M. Z... AY..., Mme I... AK..., M. W... AL..., Mme T... AL..., Mme AC... AX..., M. M... W..., Mme T... BN..., et Mme F... AZ... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la preuve de dépôt de la déclaration d'une installation classée pour la protection de l'environnement délivrée le 20 février 2023 par la préfète des Deux-Sèvres pour l'exploitation par la société par actions simplifiées (SAS) Deux-Sèvres Biogaz 4 d'une installation de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute et valorisation du biogaz par injection de biométhane.

Par un jugement 2302515 du 8 juillet 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 septembre 2024, le 20 janvier 2025 et le 10 février 2025, l'association Deux-Sèvres Nature Environnement, Mme AC... AX..., M. M... W..., T... BN..., Mme I... AK..., M. Z... AY..., M. W... AL..., Mme T... AL..., M. B... AM..., Mme BI... AN..., Mme S... BQ..., M. A... O..., Mme P... AR..., Mme N... AS..., Mme X... BK..., M. R... AD..., Mme Y... AD..., Mme AO... AE..., Mme BO... AF..., M. BF... AH..., M. BA... BM..., Mme BR... BM..., M. W... U..., Mme AB... U..., M. BE... AI..., Mme H... AI..., M. BG... AU..., Mme AT... AU..., M. BJ... AV..., Mme AP... AV... et M. D... AJ..., représentés par Me Le Briero, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 juillet 2024 ;

2°) d'annuler la preuve de dépôt de la déclaration d'une installation classée pour la protection de l'environnement délivrée le 20 février 2023 par la préfète des Deux-Sèvres pour l'exploitation par la société par actions simplifiées (SAS) Deux-Sèvres Biogaz 4 d'une installation de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute et valorisation du biogaz par injection de biométhane ;

3°) de mettre en demeure l'exploitant de déposer une demande d'enregistrement s'appliquant aux deux sites de méthanisation prévus sur le territoire de la commune de Lezay et respectant la procédure de délivrance applicable ;

4°) dans l'intervalle, de suspendre l'exploitation pendant le délai nécessaire à la mise en œuvre des mesures propres à faire disparaître les dangers ou inconvénients ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Deux-Sèvres Biogaz 4 la somme de 5 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable dès lors qu'elle a été formée dans le délai de recours, qu'ils ont intérêt à agir et que la notification prévue à l'article R. 181-51 du code de l'environnement a été effectuée ;

- le dossier déclaratif est incomplet ; le sort des digestats et du biogaz n'est pas mentionné en méconnaissance de l'article R. 512-47 du code de l'environnement ;

- l'évaluation des incidences Natura 2000 est insuffisante ;

- le projet ne relevait pas du régime déclaratif mais de l'enregistrement ; il existe des contradictions sur le tonnage journalier et sur l'existence de l'épandage ;

- des prescriptions spéciales auraient dû être imposées en application de l'article L. 512-12 du code de l'environnement pour permettre la préservation des espèces animales et végétales protégées et la prise en compte des enjeux Natura 2000 ; une injonction de déposer une demande de dérogation espèce protégée aurait dû être faite ; un dossier déclaratif au titre de la législation IOTA devait être déposé ; des prescriptions liées aux cultures intermédiaires à valeur énergétique devaient être fixées ;

- la preuve de dépôt est incompatible avec le plan local d'urbanisme en méconnaissance de l'article L. 514-6 du code de l'environnement ;

- la cour devra exiger, au titre des mesures de régularisation, que la société Deux-Sèvres Biogaz 4 produise les pièces requises par l'article R. 512-47 du code de l'environnement avec une évaluation complète des incidences Natura 2000 et les éléments requis pour la procédure d'enregistrement ou d'autorisation ;

- la société Deux-Sèvres Biogaz 4 doit déposer une demande portant sur les deux projets qui seront implantés sur la commune de Lezay ;

- la société Deux-Sèvres Biogaz 4 a dissimulé l'existence d'une zone humide sur les parcelles d'implantation du projet.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 et 31 janvier 2025, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la requête est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir des personnes physiques et s'en rapporte aux écritures en défense de la préfète des Deux-Sèvres développées dans ses mémoires de première instance pour les moyens dirigés contre la légalité du permis de construire.

Par un mémoire enregistré le 13 janvier 2025, M. AH... déclare se désister de sa requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,

- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,

- et les observations de M.Z... AY....

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 février 2023, la société Deux Sèvres Biogaz 4 a déclaré à la préfecture des Deux-Sèvres son installation de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute et de valorisation du biogaz par injection de biométhane, située sur la commune de Lezay. Le même jour, la préfète des Deux-Sèvres lui a délivré une preuve de dépôt. Les requérants ont demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de cette preuve de dépôt. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté leur demande d'annulation de la preuve de dépôt de la déclaration d'une installation classée pour la protection de l'environnement délivrée le 20 février 2023.

Sur le désistement de M. AH... :

2. M. AH..., par un mémoire enregistré le 13 janvier 2025, a déclaré se désister de sa requête. Ce désistement est pur et simple et rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées devant le tribunal administratif de Poitiers :

3. Il ressort de l'objet défini par les statuts de L'association Deux-Sèvres Nature Environnement qu'elle a pour objet de protéger, de conserver et de restaurer les espaces, ressources, milieux et habitat naturels, les espèces animales, de lutter contre les nuisances et, d'une manière générale d'agir pour la sauvegarde de ses intérêts dans le domaine de l'environnement, de l'aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l'urbanisme. Cet objet donne à l'association requérante un intérêt suffisant pour contester la preuve de dépôt de la déclaration d'une installation classée pour la protection de l'environnement délivrée le 20 février 2023 par la préfète des Deux-Sèvres pour l'exploitation par la société par actions simplifiées (SAS) Deux-Sèvres Biogaz 4 d'une installation de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute et valorisation du biogaz par injection de biométhane implantée en zone Natura 2000, zone de protection spéciale (ZPS) de la Plaine de la Mothe Saint-Heray Lezay et susceptible de porter atteinte aux intérêts qu'elle défend. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt à agir des autres requérants, la fin de non-recevoir opposée en défense, doit être écartée.

En ce qui concerne la légalité de la preuve de dépôt de déclaration :

4. Aux termes de l'article R. 512-47 du code de l'environnement : " I. - La déclaration relative à une installation est adressée, avant la mise en service de l'installation, au préfet du département dans lequel celle-ci doit être implantée. II. - Les informations à fournir par le déclarant sont : 1° S'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms et domicile et, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique, l'adresse de son siège social ainsi que la qualité du déclarant ; 2° L'emplacement sur lequel l'installation doit être réalisée ; 3° La nature et le volume des activités que le déclarant se propose d'exercer ainsi que la ou les rubriques de la nomenclature dans lesquelles l'installation doit être rangée ; 4° Si l'installation figure sur les listes mentionnées au III de l'article L. 414-4, une évaluation des incidences Natura 2000 ; 5° Le cas échéant, la mention des demandes d'autorisation ou des déclarations déjà déposées pour l'installation au titre d'une autre législation, avec la date de dépôt et la mention de l'autorité compétente, ou des demandes d'autorisation ou déclarations que le déclarant envisage de déposer pour cette même installation avec la mention de l'autorité compétente. / (...) IV. - Le mode et les conditions d'utilisation, d'épuration et d'évacuation des eaux résiduaires et des émanations de toute nature ainsi que de gestion des déchets de l'exploitation sont précisés. La déclaration mentionne, en outre, les dispositions prévues en cas de sinistre. V. - Un arrêté du ministre chargé des installations classées fixe le modèle national de déclaration et les conditions dans lesquelles cette déclaration et les documents mentionnés au présent article sont transmis par voie électronique ". Aux termes de l'article R.512-48 du même code : " Il est délivré immédiatement par voie électronique une preuve de dépôt de la déclaration (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de délivrer la preuve de dépôt dès lors que le dossier de déclaration est régulier et complet et que l'installation pour laquelle est déposée la déclaration relève bien de ce régime.

S'agissant du régime applicable :

6. Selon la rubrique n° 2781 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement, les unités de méthanisation qui traitent moins de 30 tonnes par jour relèvent du régime de la déclaration et, au-delà de ce seuil, du régime de l'enregistrement. Le dossier de déclaration déposé par la société Deux-Sèvres Biogaz 4 indique que la quantité totale annuelle traitée est en moyenne annuelle de 10900 tonnes soit 29.863 tonnes par jour. Les circonstances que la déclaration mentionne 29.8 tonnes au lieu de 29.9 tonnes par jour est sans incidence dès lors que la quantité traitée est inférieure à 30 tonnes par jour. De même, si la société Deux-Sèvres Biogaz 4 a déclaré une autre installation de méthanisation sur la commune de Lezay, sur une parcelle qui n'est pas située à proximité immédiate de la parcelle concernée par le projet en litige, cet élément est également sans incidence dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de déclarer le cumul des activités exercées par le même exploitant sur deux sites distincts. Par suite, le projet de la société Deux-Sèvres Biogaz relevait du régime de la déclaration.

S'agissant du caractère complet de la déclaration :

7. Aux termes du III de L. 414-4 du code de l'environnement : " Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat ; 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente. (...) IV bis. ' Tout document de planification, programme ou projet ainsi que manifestation ou intervention susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l'autorité administrative (...) ". Aux termes de l'article R. 414-23 du code de l'environnement : " Le dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 est établi (...) s'il s'agit d'un programme, d'un projet ou d'une intervention, par le maître d'ouvrage ou le pétitionnaire (...) / Cette évaluation est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. / I.-Le dossier comprend dans tous les cas : / 1° Une présentation simplifiée du document de planification, ou une description (...) du projet (...) accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre ou marin sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; / 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles (...) le projet (...) est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance du document de planification, ou du programme, projet (...) de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation. / II.- Dans l'hypothèse où un ou plusieurs sites Natura 2000 sont susceptibles d'être affectés, le dossier comprend également une analyse des effets temporaires ou permanents, directs ou indirects, que (...) le projet (...) peut avoir, individuellement (...) sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites. / III.- S'il résulte de l'analyse mentionnée au II que le document de planification, ou le programme, projet (...) peut avoir des effets significatifs dommageables, pendant ou après sa réalisation ou pendant la durée de la validité du document de planification, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier comprend un exposé des mesures qui seront prises pour supprimer ou réduire ces effets dommageables (...) ".

8. Il ressort du formulaire d'évaluation des incidences Natura 2000 produit par la société petitionnaire, d'une part, que dans la rubrique dédiée à l'état des lieux de la zone d'influence, la Pie-Grièche Ecorcheur est mentionnée comme présente sur la zone d'emprise du projet ainsi que dans la zone d'influence mais il est indiqué qu'il n'existe pas de risque d'altération ou de destruction de l'habitat d'espèce dû au projet alors que, dans la rubrique relative à la synthèse des incidences potentielles, il est indiqué qu'une partie de l'habitat (zone de reproduction) de la Pie-Grièche Ecorcheur sera détruite. Les informations figurant dans l'évaluation sont donc contradictoires s'agissant des incidences sur la Pie-Grièche Ecorcheur. S'agissant de l'Outarde canepetière, dans la rubrique relative au risque de destruction ou de dérangement de l'espèce dû au projet, il est précisé qu'elle possède sa zone de rassemblement dans la zone d'influence du projet, qu'elle risque d'être dérangée par les travaux et repoussée de cette zone à long terme. Toutefois, malgré cette indication dans le tableau de recensement de l'état des lieux, aucune mention spécifique pour l'Outarde canepetière n'est reprise et encore moins détaillée dans la synthèse des incidences potentielles. Par ailleurs, alors que dans l'état des lieux, la présence sur la zone d'influence du Busard cendré, du Busard-saint-martin et de l'Oedicnème criard est mentionnée, aucune information n'est ensuite fournie sur ces espèces. En outre, s'il est indiqué dans la rubrique sur la destruction d'habitat d'espèce que des destructions concerneront d'"autres espèces" le tableau devant préciser l'habitat de quelles espèces et la surface détruite n'est pas complété par ces informations et il est uniquement mentionné sans autre précision " autres espèces autour repoussées ". Enfin, si la rubrique " Dérangement, perturbation d'espèces " est bien cochée, au lieu de répondre aux autres cases du formulaire devant être renseignées en précisant lesquelles et en détaillant le type de dérangement et si la perturbation porte sur la reproduction, l'alimentation ou le repos, il est uniquement indiqué que "si les travaux faits pendant la période préconisée (octobre-février), pas d'impact au niveau du bruit ". Cette mention est largement insuffisante au regard du nombre d'espèces concernées, des mentions succinctes sur le fait que les espèces seront repoussées à long terme et que la zone de reproduction de la Pie-Grièche Ecorcheur sera détruite. En outre le dossier d'évaluation ne comporte pas la localisation du projet dans le site Natura 2000, la topographie, l'hydrographie, le fonctionnement des écosystèmes, les caractéristiques du site Natura 2000 et ses objectifs de conservation. Si des effets du projet sont mentionnés, le dossier d'évaluation ne comprend aucune analyse de ces effets, notamment sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du site. La société Deux-Sèvres Biogaz 4 a également joint à sa déclaration un document émanant du département des Deux-Sèvres du 16 mai 2022 indiquant que le projet s'implante au sein d'un secteur de contractualisation de mesures agro-environnementales à destination, entre autres, de l'Outarde canepetière et que le milieu de construction proposé est inscrit dans une zone de la nidification d'espèces dites "d'openfields " (affectionnant les milieux de plaine agricole ouverte) ayant entraînées la désignation de la zone Natura 2000 : plus particulièrement l'Outarde canepetière, l'Oedicnème criard, le Busard cendré ou encore le Busard Saint Martin. Il résulte de l'instruction que le projet a vocation à s'implanter dans la zone Natura 2000, et dans la ZPS Plaine de La Mothe-Saint-Heray-Lezay ayant pour objectif, selon le document d'objectif de cette ZPS, notamment de mettre en œuvre des actions favorables aux oiseaux, de protéger et favoriser la nidification, d'assurer la pérennité des rassemblements pots-nuptiaux et de réduire le dérangement des espèces présentes. Ce même document d'objectif précise qu'un niveau de priorité principale a été fixé pour la conservation de l'Outarde canepetière, du Busard cendré, de l'Œdicnème criard et de la Pie-Grièche Ecorcheur pour lesquels il est impératif de mettre en place des actions de conservation à court et moyen terme. Enfin ce document précise que la ZPS joue un rôle majeur du fait qu'elle abrite des effectifs déterminants, et que le Busard Saint-Martin constitue une espèce dont le statut général est très défavorable et que pour les espèces en cause les effectifs présents sur la ZPS constituent un enjeu fort à court et moyen terme pour leur conservation à l'échelle européenne. Or ces éléments ne résultent pas de l'évaluation produite pas le pétitionnaire qui ne peut pas être regardée comme proportionnée aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence alors qu'il mentionne succinctement le dérangement d'espèces de priorité principale et secondaire et la destruction d'une zone de nidification de la Pie-Grièche Ecorcheur qui constitue une espèce de priorité principale. Enfin, il ressort des photographies produites que des arbres vont être supprimés pour permettre l'implantation du portail d'entrée de l'unité de méthanisation alors que le formulaire ne mentionne aucun abattage d'arbre. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier concernant l'évaluation des incidences Natura 2000, en méconnaissance du II de l'article R. 512-47 du code de l'environnement doit être accueilli.

9. Il résulte de ce qui précède que la déclaration ne peut être regardée comme complète et que dès lors, la préfète des Deux-Sèvres ne pouvait légalement délivrer la preuve de dépôt de déclaration le 20 février 2023. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le jugement du tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt prononce l'annulation de la preuve de dépôt de la déclaration du 20 février 2023 de la société Deux-Sèvres Biogaz 4 et n'implique pas nécessairement que l'Etat mette en demeure l'exploitant de déposer une demande d'enregistrement s'appliquant aux deux sites de méthanisation prévus sur le territoire de la commune de Lezay, ni de suspendre l'exploitation pendant le délai nécessaire à la mise en œuvre des mesures propres à faire disparaître les dangers ou inconvénients alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'exploitant aurait débuté son activité. Il s'ensuit que les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants au titre de la présente instance ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros et à la charge de la société Deux-Sèvres Biogaz 4 la somme de 1 000 euros à verser aux requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. AH....

Article 2 : Le jugement du 8 juillet 2024 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 3 : La preuve de dépôt de déclaration délivrée à la société Deux-Sèvres Biogaz 4 est annulée.

Article 4 : L'Etat et la société Deux-Sèvres Biogaz 4 verseront chacun aux requérants une somme de 1000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Deux-Sèvres Nature Environnement, Mme AC... AX..., M. M... W..., T... BN..., Mme I... AK..., M. Z... AY..., M. W... AL..., Mme T... AL..., Mme BL... E..., M. A... K..., Mme BP... K..., Mme AQ... L..., Mme BI... AN..., Mme S... BQ..., M. A... O..., Mme P... AR..., Mme N... AS..., Mme X... BK..., M. R... AD..., Mme Y... AD..., Mme AO... AE..., Mme BO... AF..., M. BF... AH..., M. BA... BM..., Mme BR... BM..., M. W... U..., Mme AB... U..., M. BE... AI..., Mme H... AI..., M. BG... AU..., Mme AT... AU..., M. BJ... AV..., Mme AP... AV..., M. D... AJ..., à la société Deux-Sèvres Biogaz 4 et au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Une copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

La rapporteure,

Clémentine VoillemotLa présidente,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX02237


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02237
Date de la décision : 08/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Clémentine VOILLEMOT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : LE BRIERO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-08;24bx02237 ?
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