Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS AN2M a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du
7 novembre 2022 par lequel la maire d'Audenge a refusé de lui délivrer un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement composé de six lots à bâtir.
Par un jugement n°2301827 du 5 juin 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 7 novembre 2022 et a enjoint au maire d'Audenge de délivrer l'autorisation sollicitée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 2 août 2024 et
20 janvier 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune d'Audenge, représentée par Me Baltassat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de rejeter la demande de la SAS AN2M ;
3°) de mettre à la charge de la SAS AN2M le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, le projet porte atteinte, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, à la qualité paysagère du site dans lequel il s'insère, caractérisé par des espaces forestiers et bocagers d'un intérêt particulier ;
- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu du risque incendie généré par le projet ;
- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, le projet méconnaît les dispositions de l'article UC3.2 du règlement de la zone UC du plan local d'urbanisme (PLU) d'Audenge dès lors que la voie interne présente une longueur non conforme et ne possède pas d'aire de retournement.
Par des mémoires en défense enregistrés les 5 janvier et 15 janvier 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SAS AN2M, représentée par Me Magimot, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2022 et à ce qu'il soit enjoint au maire d'Audenge de lui délivrer l'autorisation sollicitée sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en tout état de cause à la mise à la charge de la commune d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 20 janvier 2025 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Brand, représentant la commune d'Audenge et de Me Maginot, représentant la SAS AN2M.
Considérant ce qui suit :
1. Le 11 août 2022, le SAS AN2M a déposé une demande de permis d'aménager pour la création d'un lotissement de 6 lots à bâtir sur un terrain situé rue du Moulin à Audenge, sur les
parcelles cadastrées section DC n° 178, 179 et 182. Par un arrêté du 7 novembre 2022, la maire d'Audenge a refusé d'accorder l'autorisation sollicité. Par la présente requête, la commune d'Audenge relève appel du jugement du 5 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, sur demande de la société pétitionnaire, la SAS AN2M, l'arrêté du
7 novembre 2022.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 novembre 2022 :
2. Il résulte des dispositions du code de l'urbanisme que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.
En ce qui concerne le motif de refus tiré de la méconnaissance de l'article
R. 111-27 du code de l'urbanisme :
3. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
4. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis d'aménager sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis d'aménager ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune.
5. Pour refuser le permis d'aménager en litige, la maire d'Audenge s'est fondée, au visa des dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, sur un premier motif tiré de ce que le projet était de nature à porter atteinte au caractère et à la préservation du paysage naturel et boisé que constitue le secteur dès lors que le projet s'insère dans un environnement naturel de qualité, et que la préservation d'une prairie humide située à l'est du terrain et du caractère boisé du site, ainsi que l'insertion paysagère des futures constructions principales, annexes et piscines n'étaient pas assurées.
6. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, d'une superficie de 8 649 m2, situé rue du Moulin sur les parcelles cadastrées section DC n° 178, 179 et 182, en zone UC du règlement du PLU de la commune, s'insère en lisière sud de la partie densément urbanisée de la commune d'Audenge dont il est séparé par le ruisseau d'Aiguemorte qui accueille sur ses rives un espace naturel et boisé répertorié et protégé par le PLU en tant qu'espace boisé classé (EBC). Il s'ouvre au nord sur cet espace naturel, et sur le reste de son pourtour sur des constructions disposées le long de la rue du moulin, constituées essentiellement de maisons d'habitations s'implantant sur un parcellaire équivalent à celui des lots projetés. Il est lui-même boisé, le projet d'aménagement ayant été précédé d'une demande de défrichement portant sur une surface de 0,86 ha, que la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a soumis à un examen au cas par cas en application de l'article R. 122-3-1 du code de l'environnement et a dispensé d'étude d'impact, le défrichement ayant été autorisé par arrêté de la préfète de la Gironde du 14 septembre 2022. Bien que situé à environ 1,2 km de deux zones d'intérêt écologiques faunistiques et floristiques (ZNIEFF), l'une de type I " Domaines endiguées d'Audenge et zone inondable de la moyenne vallée de la Leyre " et l'autre de type II " Bassin d'Arcachon ", il ne fait pas l'objet de protection particulière mais accueille dans son périmètre et dans son environnement proche des habitats naturels de qualité (chênaies de sol nu, bosquet de chênes et noisetiers et une prairie humide, EBC). Il s'insère ainsi, notamment sur sa frange nord, dans un environnement naturel de qualité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que compte tenu des caractéristiques des constructions environnantes et de sa nature, le projet d'aménagement litigieux, qui porte sur la réalisation de 6 lots d'une superficie moyenne de
804 m2, destinés à l'implantation de maisons individuelles toutes desservies par la rue du Moulin, dont l'organisation générale tient compte de la topographie du terrain de manière à respecter les contraintes environnementales et dont le règlement assure la sanctuarisation et la protection des zones humides, ne porte pas atteinte au site dans lequel il s'insère. Par suite, et alors que les moyens tirés de ce que le projet en litige porterait atteinte aux zones humides et aux habitats naturels recensés dans le périmètre du projet sont étrangers aux intérêts protégés par l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la maire ne pouvait fonder son refus sur le motif tiré de la méconnaissance de ces dispositions.
En ce qui concerne le motif de refus tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
7. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
8. Pour refuser le permis d'aménager en litige, la maire d'Audenge s'est fondée, au visa des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, sur un deuxième motif tiré de ce que le projet était de nature à porter atteinte à la sécurité des futures constructions du lotissement et des construction avoisinantes, compte tenu du risque incendie qu'il engendre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le lotissement projeté est desservi par une voirie interne se terminant par un embranchement, de 5 mètres de large et de plus de 60 m de longueur, avec une aire de retournement et débouchant sur la rue du Moulin, et qu'une borne incendie est implantée à moins de 200 mètres, caractéristiques au vu desquelles le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) 33 a rendu un avis favorable le 21 octobre 2022. En outre, le projet prévoit la création d'une piste de sécurité et de défense incendie (DFCI) entre les lots et les boisements situés au nord. Enfin, il ressort de l'arrêté préfectoral de dispense d'étude d'impact du 7 juillet 2022 que le porteur de projet s'est engagé à créer une bande de débroussaillement de 50 mètres. Dans ces conditions, et quand bien même la commune d'Audenge serait particulièrement vulnérable au risque d'incendie et le terrain d'assiette du projet est situé à proximité de boisements, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la maire d'Audenge ne pouvait pas se fonder sur les dispositions précitées de l'article
R. 111-2 du code de l'urbanisme pour refuser le permis d'aménager en litige.
En ce qui concerne le motif de refus tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UC3 du règlement de la zone UC du PLU d'Audenge :
9. Aux termes de l'article UC3 du règlement de la zone UC du plan local d'urbanisme d'Audenge : " (...) / 2 - Voirie / - Les voies nouvelles doivent être conçues pour s'intégrer au maillage viaire environnant et participer à la bonne desserte du quartier, en compatibilité avec les orientations d'aménagement définies par le PLU. / En cas d'impossibilité du fait de la configuration du terrain concerné et/ou de milieu environnant, il est admis la création de voies en impasse, dont la longueur ne pourra excéder 100 m. A... voies en impasse doivent être aménagées dans leur partie terminale de telle sorte que les véhicules de service puissent faire aisément demi-tour. (...) ".
10. Pour refuser le permis d'aménager en litige, la maire d'Audenge s'est fondée, au visa des dispositions précitées de l'article UC3 du règlement de la zone UC du plan local d'urbanisme d'Audenge, sur un troisième motif tiré de ce que la voirie interne ne serait pas conforme dès lors que dans sa partie la plus longue, la voie interne mesurerait plus de 100 mètres et dans sa partie desservant les lots 1,2,3, elle ne comporterait pas d'espace de retournement.
11. D'une part, et contrairement à ce que soutient la commune, il ressort des pièces jointes au dossier de demande de permis d'aménager, qui ne sont pas utilement contredites, que la voie interne présente, dans sa partie la plus longue (depuis l'accès rue du Moulin à la desserte des lots 4,5,6), une longueur de 99,5 mètres. D'autre part, si, dans sa partie desservant les lots
1,2 et 3, la voie se termine en impasse, sans aire de retournement, aménagement qui n'est d'ailleurs pas imposé par les dispositions précitées de l'article UC3, il ressort des pièces du dossier que la configuration de cette partie terminale permet aux véhicules de service de faire aisément demi-tour, quand bien même l'emprise de la voirie est commune aux accès des lots. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la maire d'Audenge ne pouvait fonder son refus sur la méconnaissance des dispositions précitées de l'article UC3 du règlement de la zone UC du PLU de la commune.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Audenge n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 7 novembre 2022.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS AN2M, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune d'Audenge au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Audenge une somme de 1 500 euros à verser à la société AN2M au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune d'Audenge est rejetée.
Article 2 : La commune d'Audenge versera à la SAS AN2M une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS AN2M et à la commune d'Audenge.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX02037