Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin 2023 et
20 septembre 2024, la société Ferme éolienne des Terre d'Aunis, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a rejeté sa demande d'autorisation environnementale relative à une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent comprenant huit éoliennes et un poste de livraison sur les communes de Virson et Bouhet ;
2°) d'ordonner avant-dire droit à la ministre de la transition écologique de produire tout justificatif relatif à la création ou l'existence d'une gêne avérée pour le radar de Rochefort ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de reprendre sans délai l'instruction de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation dès lors qu'il se borne à se référer à l'avis défavorable émis par le ministre des armées le 3 février 2023 qui est lui-même insuffisamment motivé ; le radar de Rochefort n'étant pas implanté, ses caractéristiques ne sont pas connues ; les motifs de refus sont incompréhensibles dès lors qu'un parc éolien situé à proximité a été autorisé ; l'étude datée du 8 septembre 2023 réalisée postérieurement à l'avis du ministre et produit par le préfet dans le cadre de l'instance ne peut suffire à justifier du motif opposé ;
- l'arrêté attaqué et l'avis de la ministre des armées sont entachés d'une erreur de droit dès lors qu'ils se contentent d'affirmer que l'étude radar démontrerait que le projet présenterait une gêne avérée pour le radar de Rochefort sans énoncer les critères d'appréciation des perturbations générées par les éoliennes sur le fonctionnement des équipements militaires, ni même fournir l'étude en question ; si l'étude est finalement produite par le préfet au cours de la présente instance, elle est postérieure à l'avis et entachée d'une erreur d'appréciation ;
- l'avis de la ministre des armées est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors que c'est à tort que cette autorité a considéré que le projet présenterait une gêne avérée pour le radar de Rochefort ; seule une gêne significative est de nature à justifier un refus d'implantation conformément à l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumis à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ; le ministre n'a pas recherché si des circonstances particulières permettaient de constater que le projet n'était pas susceptible de causer des perturbations significatives ; à supposer même qu'il existe une gêne avérée, la mise en œuvre d'une procédure opérationnelle de mise hors service à travers la signature d'une convention d'arrêt des éoliennes aurait dû être envisagée ;
- subsidiairement, il y aurait lieu pour la cour d'ordonner à la ministre de la transition écologique de produire les éléments pertinents établissant la gêne alléguée.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2024, le préfet de la
Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 19 septembre et 23 octobre 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au
24 octobre 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'environnement ;
- le code des transports ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin ;
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Boenec, représentant la société Ferme éolienne des Terres d'Aunis et de Mme A..., représentant le ministère des armées.
Une note en délibéré présentée par la société Ferme éolienne des Terres d'Aunis a été enregistrée le 17 mars 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Le 22 novembre 2022, la société Ferme éolienne des Terres d'Aunis a déposé une demande d'autorisation environnementale pour la création et l'exploitation d'une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent comprenant huit éoliennes et un poste de livraison sur les communes de Virson et Bouhet. Par arrêté du 19 avril 2023, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui accorder l'autorisation sollicitée. Par la présente requête, la société Ferme éolienne des Terres d'Aunis demande l'annulation de cet arrêté.
Sur l'exception d'illégalité de l'avis du ministre des armées :
2. Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : / 1° Le ministre chargé de l'aviation civile : / a) Pour ce qui concerne les radars primaires, les radars secondaires et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR), sur la base de critères de distance aux aérogénérateurs ; / b) Pour les autres aspects de la circulation aérienne, sur tout le territoire et sur la base de critère de hauteur des aérogénérateurs. / Ces critères de distance et de hauteur sont fixés par un arrêté des ministres chargés des installations classées et de l'aviation civile ; / 2° Le ministre de la défense, y compris pour ce qui concerne les radars et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR) relevant de sa compétence (...) ". L'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, alors applicable, dispose : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. (...) ". L'article R. 181-34 du code de l'environnement prévoit : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : (...) 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement : " L'installation est implantée de façon à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars utilisés dans le cadre des missions de sécurité météorologique des personnes et des biens et de sécurité à la navigation maritime et fluviale. / En outre, les perturbations générées par l'installation ne remettent pas en cause de manière significative les capacités de fonctionnement des radars et des aides à la navigation utilisés dans le cadre des missions de sécurité à la navigation aérienne civile et les missions de sécurité militaire. (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées que l'autorité administrative compétente pour délivrer une autorisation unique doit, lorsque l'installation envisagée est susceptible de constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison de son emplacement et de sa hauteur, saisir le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense et que cette autorité est tenue, à défaut d'accord de l'un des ministres dont l'avis est ainsi requis, de refuser l'autorisation demandée.
4. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.
5. Pour refuser l'autorisation environnementale sollicitée par la société Ferme éolienne des Terres d'Aunis, le préfet de la Charente-Maritime s'est fondé sur l'avis défavorable du ministre des armées en date du 3 février 2023, qui a relevé que le projet, qui se situe à 28 km du radar militaire de Rochefort, présente une gêne avérée pour la détection et l'intégrité des informations transmises par ce radar, non acceptable pour les armées.
6. En premier lieu, l'avis défavorable émis par le ministre des armées le 3 février 2023 fait référence à l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile et indique que le projet est de nature à remettre en cause les missions des forces armées dès lors qu'il se situe à 28 km du radar militaire de Rochefort, que les éoliennes peuvent générer des perturbations de nature à dégrader la qualité de la détection et l'intégrité des informations transmises par les radars, de telles perturbations devant être réduites au minimum pour la sécurité des vols et dans le cadre de la posture permanente de sûreté. Dans ces conditions, l'avis du 3 février 2023 mentionne les éléments de droit et de fait sur lesquels il repose et le moyen tiré de son défaut de motivation doit être écarté.
7. En second lieu, il résulte de l'instruction, en particulier de la note technique datée du 8 septembre 2023 de la brigade aérienne de la posture permanente de sûreté air (BAPPS) du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) produite par l'administration, que le projet éolien de la société Ferme éolienne des Terres d'Aunis sera en intervisibilité électromagnétique avec le radar militaire de Rochefort dont il sera de nature à dégrader les performances, ce qui constitue un risque non acceptable dans le cadre de la posture permanente de sûreté air. Ainsi, les aérogénérateurs, d'une hauteur de 180 mètres en bout de pale, seraient situés à une distance du radar comprise entre 28 et 29 kilomètres et seraient détectables par celui-ci sur une hauteur de 151 à 171 mètres. La note technique de la BAPPS, certes postérieure à l'avis litigieux mais qui vise uniquement, dans le cadre du présent contentieux, à présenter la méthodologie retenue par le ministère des armées et les éléments techniques ayant fondé sa décision, fait en particulier état de l'analyse de l'incidence de l'intervisibilité électromagnétique, réalisée grâce à un outil de calcul dédié dénommé " TIMOR ", pour les éoliennes E1, E2, E6 et E8 du projet, dont il est indiqué qu'elles sont représentatives de l'ensemble du parc. Le préfet et le ministre précisent, par ailleurs, que la " procédure de convention d'arrêt ", qui consiste sur demande du ministre des armées à bloquer le fonctionnement d'un parc éolien pour une période limitée, ne serait pas adaptée à l'espèce dès lors que le site militaire nécessite une posture permanente et globale de sécurité, et non ponctuelle. La société requérante n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les éléments techniques fournis par l'administration. Au regard de ces éléments, et quand bien même un parc éolien implanté dans un secteur proche a été précédemment autorisé, il ne résulte pas de l'instruction que le ministre des armées aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet de parc éolien en cause était susceptible de perturber les capacités de détection du radar militaire de Rochefort.
Sur les autres moyens :
8. Compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le préfet de la Charente-Maritime, en vertu des principes exposés au point 3, et de la légalité de l'avis du ministre des armées, qui résulte de ce qui a été exposé précédemment, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué du 19 avril 2023 serait entaché d'une insuffisance de motivation, d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit à l'administration de produire de nouveaux éléments, que la société Ferme éolienne des Terres d'Aunis n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de faire droit à sa demande d'autorisation environnementale. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Ferme éolienne des Terres d'Aunis est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne des Terres d'Aunis, au ministre des armées et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01649