Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 23 juin 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office.
Par un jugement n° 2305247 du 27 mars 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2024, Mme C..., représentée par
Me Lanne, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mars 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 juin 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et de lui remettre, dans l'attente, un récépissé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé et le préfet de la Gironde n'a pas pris en considération les nombreux éléments de sa demande, portant notamment sur sa situation professionnelle ;
- l'autorité administrative n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa demande ;
S'agissant du refus de titre de séjour :
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation relative aux dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle justifie résider en France depuis 2015 et d'une insertion personnelle et professionnelle ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnait les articles 3-1 et 16 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 12 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 décembre 2024, à 12 heures.
Par une décision du 14 mai 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Chevallier-Chiron, pour Me Lanne, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante marocaine née en 1988, est entrée en France, selon ses dires, le 1er juillet 2015 munie d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 10 mai 2025. Elle a sollicité le 18 février 2022 un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 juin 2023, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 27 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Mme C... reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen réel et sérieux de sa demande. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au
regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une
atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
4. Mme C... se prévaut d'une durée de séjour en France de près de huit ans à la date de la décision contestée et de ce qu'elle y a construit sa vie personnelle et professionnelle. Elle fait également valoir que son fils, né le 1er octobre 2018 de son union célébrée le 26 décembre 2017 avec M. E..., est scolarisé sur le territoire français et qu'en cas de séjour au Maroc, celui-ci sera séparé de son père, marocain, titulaire d'une carte de résident, avec lequel elle est en instance de divorce, après que celui-ci a été notamment condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis le 27 avril 2023 pour violences conjugales.
5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C..., titulaire d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 10 mai 2025, ne justifie pas de l'ancienneté de sa présence en France. Si elle produit des contrats de travail à durée déterminée, pour des temps de travail oscillant entre 28 heures et 71 heures mensuelles, le premier n'a été conclu que le 30 septembre 2022. Si son fils, âgé de 4 ans et demi, est scolarisé, Mme C... n'apporte aucun élément de nature à démontrer que celui-ci ne pourrait pas poursuivre sa scolarité au Maroc ou dans tout autre pays dans lequel l'appelante serait autorisée à séjourner. En se bornant à produire quelques photos de l'enfant avec son père, de nationalité marocaine, et une attestation de la directrice de l'école indiquant que le père vient de temps en temps chercher l'enfant après la classe, la requérante ne justifie pas de l'implication de M. E... dans l'entretien et l'éducation du jeune A.... Le jugement du 7 mars 2024 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux attribuant un exercice commun de l'autorité parentale aux deux parents, ordonnant le versement par le père d'une pension alimentaire de 100 euros par mois pour l'enfant et fixant l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement pour ce dernier, est postérieur à la date de la décision attaquée. Enfin, l'intéressée, séparée, ne justifie pas, ni même n'allègue, qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans et où résident ses parents et toute sa fratrie. Par suite, eu égard aux conditions de séjour de Mme C... en France, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.
En ce qui concerne de l'obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est
prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 16 de cette convention : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille (...) 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ".
8. Alors que Mme C... est en instance de divorce avec son mari, elle ne fournit aucun élément de nature à établir que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et l'éducation de l'enfant A.... Au demeurant, rien ne fait obstacle à ce que M. E..., de nationalité marocaine, maintienne le lien parental avec son fils en cas de retour de ce dernier au Maroc. Mme C... ne démontre pas davantage que l'enfant, âgé à la date de la décision attaquée d'un peu plus de 4 ans et scolarisé en moyenne section de maternelle, ne pourrait poursuivre sa scolarité dans un autre pays. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de l'enfant et se serait immiscé de façon arbitraire ou illégale dans sa vie privée et sa famille, en méconnaissance des stipulations citées au point 7, doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 27 février 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 mars 2025.
La rapporteure,
Bénédicte B... La présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01514