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25/03/2025 | FRANCE | N°24BX02698

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 25 mars 2025, 24BX02698


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme R... E... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 6 décembre 2021 par laquelle le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.



Par un jugement n° 2200683 du 11 juillet 2024, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.



P

rocédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 15 novembre 2024, Mme E..., représentée par Me M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme R... E... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 6 décembre 2021 par laquelle le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 2200683 du 11 juillet 2024, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2024, Mme E..., représentée par Me Marciguet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 juillet 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la décision du 6 décembre 2021 du préfet de la Guyane ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, la mention " étudiant ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- il n'est pas établi qu'elle ait été prise par une autorité compétente ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 212-1 et L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ :

- il n'est pas établi qu'elle ait été prise par une autorité compétente ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Guyane, qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 26 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 18 février 2025 à 12h00.

Mme E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vincent Bureau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante haïtienne née en 1998, déclare être entrée en France le 22 mai 2016. Le 8 juin 2021, elle a sollicité des services de la préfecture de la Guyane la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 6 décembre 2021, le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel elle pourra être éloignée. Mme E... relève appel du jugement du 11 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. / Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement. (...) ".

3. Par un arrêté n° 20211109 du 9 novembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 10 novembre 2021, le préfet de la Guyane a donné délégation à M. H... I..., directeur général de la sécurité, de la réglementation et des contrôles, à l'effet de signer les actes et décisions dans toutes les matières relevant de l'immigration et de la citoyenneté. L'article 4 de cet arrêté vise plus particulièrement les actes en matière d'accueil au séjour des étrangers, et notamment, d'instruction des titres de séjour, d'éloignement et de contentieux. L'article 14 de cet arrêté autorise M. I... à subdéléguer sa signature aux agents placés sous son autorité.

4. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté n° 20211110 du 10 novembre 2021, également publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Guyane du 10 novembre 2021, M. I... a donné délégation à M. C... J..., directeur général adjoint de la sécurité, de la réglementation et des contrôles et directeur de l'immigration et de la citoyenneté à l'effet de signer les actes relatifs à l'activité de la direction de l'immigration et de la citoyenneté tels que définis aux articles 4, 5 et 10 de l'arrêté du 9 novembre 2021. En cas d'absence ou d'empêchement de M. C... J..., l'article 2 de cet arrêté donne délégation, d'une part, à M. B... D..., chef du bureau accueil séjour et asile, en matière d'accueil au séjour des étrangers et en matière d'asile, de deuxième part, à M. M... P..., chef de la plateforme d'instruction des titres de séjour, en matière d'instruction des titres de séjour et, de troisième part, à Mme A... N..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, en matière d'éloignement et de contentieux. En cas d'absence ou d'empêchement de M. B... D..., délégation est donnée par cet arrêté à Mme F... K... ou, à défaut, à Mme O... L... et, en cas d'absence ou d'empêchement de M. M... P..., délégation est donnée, par ce même arrêté, à Mme Q... G.... Ces délégations et subdélégations ne donnent pas compétence à Mme A... N..., signataire de la décision contestée, pour signer les refus de titres de séjour.

5. Il résulte ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 6 décembre 2021 et, par voie de conséquence, des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, prises sur son fondement.

6. L'annulation de la décision contestée pour le motif retenu ci-dessus, seul fondé en l'état de l'instruction, n'implique pas que le préfet délivre nécessairement un titre de séjour à Mme E... mais seulement qu'il réexamine la demande de titre de séjour de l'intéressée, au regard notamment de la situation de violence aveugle en Haïti qui fait actuellement obstacle à ce que l'intéressée soit éloignée à destination de ce pays, conformément à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme E... sera par ailleurs mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la nouvelle décision. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

7. Mme E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à Me Marciguey, avocate de Mme E..., en application de ces dispositions et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2200683 du 11 juillet 2024 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.

Article 2 : La décision du 6 décembre 2021 du préfet de la Guyane est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme E... au regard notamment de la situation de violence aveugle en Haïti, de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la nouvelle décision.

Article 4 : L'État versera à Me Marciguey, avocate de Mme E..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme R... E..., à Me Céline Marciguey, au ministre de l'intérieur et au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 25 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

M. Vincent Bureau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

Le rapporteur,

Vincent Bureau

Le président,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX02698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02698
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Vincent BUREAU
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : MARCIGUEY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;24bx02698 ?
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