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25/03/2025 | FRANCE | N°24BX02529

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 25 mars 2025, 24BX02529


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 8 mars 2024 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2400799 du 21 mai 2024, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa dem

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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 24 octobre 2024, M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 8 mars 2024 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2400799 du 21 mai 2024, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Pather, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 mai 2024 du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2024 du préfet des Pyrénées-Atlantiques ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 611 1 4° et L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est fondée sur les dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, lesquelles sont contraires au principe de sécurité juridique tel que garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2025, le préfet des Pyrénées Atlantiques conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.

Par une ordonnance du 26 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 18 février 2025 à 12h00.

M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vincent Bureau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais né le 13 août 2001, est entré en France le 5 décembre 2022. Sa demande d'asile déposée le 26 décembre 2022 a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 20 avril 2023, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 29 janvier 2024. Par un arrêté du 8 mars 2024, le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 21 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. A... reprend, sans critique utile du jugement, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision, auquel les premiers juges ont pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Pau.

3. En second lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Et aux termes de l'article L. 542-4 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article R. 532-54 de ce code : " Le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'informe dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend du caractère positif ou négatif de la décision prise. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ".

5. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué du 8 mars 2024 que, pour faire obligation à M. A... de quitter le territoire français, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a relevé que l'intéressé avait vu sa demande d'asile rejetée par une décision de la CNDA du 29 janvier 2024, que cette décision lui avait été notifiée le 14 février 2024 et qu'ainsi, il ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. M. A... soutient qu'en l'absence de preuve d'une notification de la décision de la CNDA dans une langue qu'il comprend, le préfet des Pyrénées Atlantiques ne pouvait, sans méconnaître son droit au maintien sur le territoire français tel que prévu par les dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer une obligation de quitter le territoire français à son encontre. Pour établir que la décision de la CNDA rejetant le recours de M. A... a été régulièrement notifiée à ce dernier le 14 février 2024 et qu'ainsi il a pu prononcer une obligation de quitter le territoire français le 8 mars 2024, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a produit en première instance le relevé des informations du fichier informatique de la base de données "TelemOpfra " et devant la cour un imprimé de la CNDA précisant que " la Cour nationale du droit d'asile a décidé de rejeter votre recours ", traduit en plusieurs langues, parmi lesquelles il n'est pas contesté que figure le bengali. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 611-1-4° et L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

6. En premier lieu, aucun des moyens précités dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français n'étant fondé, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait privée de base légale du fait de l'illégalité de cette décision.

7. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible./ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

8. M. A... persiste à soutenir qu'il serait exposé à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Bangladesh. Toutefois, alors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la CNDA, le requérant n'apporte aucune précision, ni aucun élément circonstancié permettant d'établir qu'il serait actuellement et personnellement exposé à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

9. En premier lieu, aucun des moyens précités dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français n'étant fondé, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français serait privée de base légale du fait de l'illégalité de cette décision.

10. En deuxième lieu, M. A... reprend, sans critique utile du jugement, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision, auquel les premiers juges ont pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Pau.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-8 de ce code : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français./ Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L.612-8 (...). ". Enfin, aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".

12. M. A... soutient que la décision est intervenue en méconnaissance du principe de sécurité juridique au motif que les dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne précisent pas les raisons pour lesquelles une interdiction de retour pourrait être édictée à l'encontre d'un étranger débouté de l'asile. Toutefois, et d'une part, contrairement à ce que soutient le requérant, les critères qui doivent être pris en compte par l'autorité compétente pour décider du prononcé d'une telle interdiction et en fixer la durée sont précisément définis par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du même code, dont le dernier alinéa renvoie aux dispositions applicables aux interdictions de retour prévues par les dispositions de l'article L. 612-6 du même code. D'autre part, la circonstance invoquée que certaines catégories d'étrangers sont exclues du champ d'application des dispositions citées au point 14 ne permet pas, à elle seule, de considérer que leur application aux étrangers définitivement déboutés de l'asile serait contraire au principe de sécurité juridique. Par suite ce moyen, doit être écarté.

13. En quatrième et dernier lieu, eu égard à la situation personnelle et familiale de M. A..., compte tenu notamment du caractère récent de son arrivée sur le territoire, de l'absence de liens et d'insertion en France, et quand bien même il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ni n'a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, en prenant la décision en litige, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en interdisant son retour sur le territoire pour une durée d'un an. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point 11 doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a Pau a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 mars 2024 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an

Sur les frais de l'instance :

15. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 25 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

M. Vincent Bureau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

Le rapporteur,

Vincent Bureau

Le président,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX02529


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02529
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Vincent BUREAU
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : SP AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;24bx02529 ?
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