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25/03/2025 | FRANCE | N°23BX02883

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 25 mars 2025, 23BX02883


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 26 mai 2021 par laquelle la rectrice de l'académie de Bordeaux a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident dont elle estime avoir été victime le 10 février 2021.



Par un jugement n° 2105380 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une r

equête enregistrée le 20 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Vigreux, demande à la cour :



1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 26 mai 2021 par laquelle la rectrice de l'académie de Bordeaux a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident dont elle estime avoir été victime le 10 février 2021.

Par un jugement n° 2105380 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Vigreux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 septembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision de la rectrice de l'académie de Bordeaux du 26 mai 2021 ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Bordeaux de reconnaitre l'imputabilité au service d'un accident survenu le 10 février 2021, subsidiairement, de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a renoncé à tort à l'application de l'article R. 612-6 du code de justice administrative ;

- le tribunal n'a pu régulièrement considérer que sa demande de reconnaissance d'un accident de service était tardive dans la mesure où le délai de 15 jours posé à l'article 47-3 du décret du 14 mars 1986 devait courir non pas à compter du 10 février 2021 mais à compter du premier constat médical établi le 8 avril 2021 ; à ce titre, aucun texte n'impose que le certificat médical de constat indique la date précise de l'accident ; en tout état de cause, elle justifiait d'un motif légitime rendant ce délai de quinze jours inopposable, comme le prévoit le dernier alinéa de cet article ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que les faits accidentels dont elle se prévaut ne sont pas établis dès lors qu'elle produit un faisceau d'indices concordants de nature à démontrer la matérialité de l'agression verbale dont elle a été victime ;

- à supposer que l'échange téléphonique du 10 février 2021, durant les congés scolaires, ne soit pas considéré comme survenu pendant le service, il n'en est pas moins non détachable du service dès lors qu'il s'est agi d'un appel de son supérieur hiérarchique relatif aux conditions d'exercice de ses fonctions ;

- depuis sa prise de poste en qualité de principale de collège, elle a fait face à de nombreuses absences d'agents dont les fonctions sont essentielles pour le fonctionnement d'un collège et elle a dû répondre à des demandes exigeantes de la part du rectorat, la plaçant en grande difficulté, au point qu'elle considère avoir été victime d'un harcèlement moral.

Par une ordonnance du 4 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 novembre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-63 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Réaut,

- et les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., exerçant les fonctions de principale du collège Dronne-Double à Saint-Aulaye (Dordogne), a adressé à la rectrice de l'académie de Bordeaux une déclaration d'accident de service pour des faits survenus le 10 février 2021, qui a été réceptionnée le 19 avril 2021. Elle relève appel du jugement du 20 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2021 par laquelle la rectrice a refusé de lui accorder le bénéfice d'un congé d'invalidité temporaire imputable au service (CITIS).

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En vertu de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire dans le cadre de l'instruction n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti à cet effet, le président de la formation de jugement du tribunal administratif peut lui adresser une mise en demeure. Aux termes de l'article R. 612-6 du même code : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".

3. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction qu'il dirige lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par un courrier du 27 juin 2022 dont elle a pris connaissance le 29 juin 2022, la rectrice de l'académie de Bordeaux a été mise en demeure de produire ses observations en réponse à la requête de Mme A... dans un délai de trente jours. Puis, par une ordonnance du 10 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2022. Si le premier mémoire en défense de la rectrice a été enregistré le 27 mai 2023, soit postérieurement à cette date, les premiers juges ont pu régulièrement décider, dans le souci d'une bonne administration de la justice, de rouvrir l'instruction pour en reporter la clôture, en dernier lieu au 17 juillet 2023, afin de soumettre ce mémoire au contradictoire ainsi que, d'ailleurs, les observations produites par le conseil de la requérante qui s'est constitué pour la représenter seulement le 25 mai 2023. Il s'ensuit que les premiers juges n'ont pas méconnu leur office en ne constatant pas un acquiescement aux faits de la rectrice.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. D'une part, aux termes du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aujourd'hui codifié à l'article L. 822-22 du code général de la fonction publique : " " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service (...) / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service (...) / II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. / (...). ".

6. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 47-2 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Pour obtenir un congé pour invalidité temporaire imputable au service, le fonctionnaire, ou son ayant-droit, adresse par tout moyen à son administration une déclaration d'accident de service, d'accident de trajet ou de maladie professionnelle accompagnée des pièces nécessaires pour établir ses droits. / La déclaration comporte : / 1° Un formulaire précisant les circonstances de l'accident ou de la maladie. Un formulaire type est mis en ligne sur le site internet du ministère chargé de la fonction publique et communiqué par l'administration à l'agent à sa demande ;/ 2° Un certificat médical indiquant la nature et le siège des lésions résultant de l'accident ou de la maladie ainsi que, s'il y a lieu, la durée probable de l'incapacité de travail en découlant ". L'article 47-3 de ce même décret prévoit que : " I.- La déclaration d'accident de service ou de trajet prévue à l'article 47-2 est adressée à l'administration dans le délai de quinze jours à compter de la date de l'accident. / Ce délai n'est pas opposable à l'agent lorsque le certificat médical prévu au 2° de l'article 47-2 est établi dans le délai de deux ans à compter de la date de l'accident. Dans ce cas, le délai de déclaration est de quinze jours à compter de la date de cette constatation médicale. / (...) / IV.- Lorsque les délais prévus aux I et II ne sont pas respectés, la demande de l'agent est rejetée. / Les délais prévus aux I, II et III ne sont pas applicables lorsque le fonctionnaire entre dans le champ de l'article L. 169-1 du code de la sécurité sociale ou s'il justifie d'un cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes."

7. Pour refuser d'accorder à Mme A... un congé d'invalidité temporaire imputable au service qui résulterait de l'accident de service dont elle estime avoir été victime le 10 février 2021, la rectrice de l'académie de Bordeaux a retenu, dans sa décision du 26 mai 2021, que les faits accidentels n'étaient pas matériellement établis et, subsidiairement, qu'ils n'ont pas été commis durant ou à l'occasion du service mais en période de vacances scolaires et, enfin, que la déclaration d'accident de service était tardive.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a renseigné le 15 avril 2021 le formulaire de déclaration d'un accident de service, faisant état de la conversation téléphonique qu'elle a eu le 10 février 2021 avec son supérieur hiérarchique. Le certificat médical du 8 avril 2021 joint à cette déclaration porte quant à lui sur un syndrome d'épuisement professionnel consécutif à la prise de poste de Mme A... et a été rédigé en vue de soutenir une demande d'attribution d'un congé de longue maladie. Il ne se rapporte pas à l'accident de service invoqué, auquel le médecin ne fait aucune allusion. Ainsi, d'une part, la requérante ne peut prétendre que le délai de quinze jours qui lui était imparti pour adresser sa déclaration d'accident de service se décomptait depuis la date de ce certificat médical et ne peut, par suite, utilement se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa du I de l'article 47-3 du décret du 14 mars 1986 ci-dessus énoncées. D'autre part, si ce même certificat indique que la requérante était dans un état de sidération caractérisé par un syndrome d'évitement des personnes et des lieux, le médecin ne donne aucun élément de contexte qui permettrait de considérer qu'un tel état de sidération aurait existé de manière continue du 10 février au 15 avril 2021, alors qu'au contraire il ressort des pièces du dossier que Mme A... a repris ses fonctions à plusieurs reprises durant cette période. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'elle prétend, la requérante ne justifie pas d'une impossibilité absolue ni d'un motif légitime l'exonérant, en application du IV de l'article 47-3 du décret du 14 mars 1986, du respect du délai de quinze jours pour adresser la déclaration d'accident de service à son administration à compter de la date à laquelle celui-ci est survenu. Il s'ensuit qu'en considérant que la déclaration d'accident de service établie par Mme A... le 15 avril 2021 relativement à des faits survenus le 10 février 2021 était tardive pour avoir été adressée après l'expiration du délai de quinze jours suivant la date de l'accident invoqué, la rectrice n'a pas fait une inexacte application des dispositions énoncées au point 6.

9. Dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la rectrice de l'académie de Bordeaux aurait pris la même décision de refus en se fondant sur l'unique motif tiré de la tardiveté de sa demande de reconnaissance d'un accident de service, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2021. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, la requête doit être rejetée, en ce compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Bordeaux.

Délibéré après l'audience du 25 février 2025 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

M. Vincent Bureau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

La rapporteure,

Valérie RéautLe président,

Laurent Pouget Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX02883


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02883
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Valérie RÉAUT
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : VIGREUX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;23bx02883 ?
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