Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association de la Chaussée royale de Saint-Paul a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Saint-Paul à lui verser une somme de 50 000 euros et de faire interdiction à ladite commune d'organiser des spectacles musicaux sur le site de la Maison Desbassayns.
Par un jugement n° 2000741 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 mai 2023, l'association de la Chaussée royale de Saint -Paul, représentée par Me Moutoucomorapoulé, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) de faire interdiction à la commune de Saint-Paul d'organiser des spectacles musicaux sur le site de la Maison Desbassayns ;
3°) de condamner la commune à lui verser une somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral ;
4°) de prononcer une astreinte de 1 000 euros par jour de retard en cas d'inexécution ;
5°) de mettre à la charge de la commune une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la responsabilité de la commune doit être engagée en raison de la carence du maire à faire usage des pouvoirs de police qu'il tient des articles L. 2212-2 du code général des collectivité territoriales et L. 1311-1 et suivants du code de la santé publique ;
- les manifestations qui se tiennent à la Maison Desbassayns ne respectent pas la règlementation fixée par les articles R. 571-25 et suivants du code de l'environnement ;
- la responsabilité sans faute de la commune est également engagée en raison du préjudice anormal et spécial résultant des nuisances provenant de l'ouvrage public municipal ;
- elle subit un préjudice moral causé par la déconsidération qui l'atteint en raison de son incapacité à faire réaliser son objectif statutaire de lutte contre le bruit.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2024, la commune de Saint-Paul, représentée par Me Charrel, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'association de la Chaussée royale de Saint-Paul au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions tendant à ce qu'il lui soit fait interdiction d'organiser des spectacles musicaux sont irrecevables faute d'avoir été précédées par une demande préalable adressée à la commune ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute d'avoir été précédées d'une demande indemnitaire préalable adressée à la commune ;
- les moyens de la requête sont infondés ;
- aucune faute ne lui est imputable.
Par une lettre du 18 février 2025, la cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur un moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vincent Bureau,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Thareau, représentant la commune de Saint-Paul.
Considérant ce qui suit :
1. En 2011, la commune de Saint-Paul a fait l'acquisition de l'ancienne Maison Desbassayns devenue Maison Grand Cour, située au 233 de la Chaussée royale. Depuis cette acquisition, des évènements culturels, notamment des concerts, se tiennent sur le site de la Maison Grand Cour. L'association de la Chaussée royale de Saint-Paul, composée de riverains de cet établissement et dont l'objet statutaire est notamment de lutter contre le bruit, a, entre novembre 2014 et juillet 2017, adressé à la commune de Saint-Paul cinq courriers pour se plaindre de diverses nuisances occasionnées par l'exploitation de la Maison Grand Cour, et notamment de la tenue de concerts de musiques amplifiées, comme le festival Opus Pocus. Par un courrier reçu le 14 juin 2019, l'association a adressé à la commune une demande tendant à ce que le maire de Saint-Paul interdise les concerts de musiques amplifiées sur le site de la Maison Grand Cour et à ce que la commune l'indemnise des préjudices subis par les riverains en raison des diverses nuisances résultant de l'exploitation du lieu. L'association de la Chaussée royale de Saint-Paul relève appel du jugement du 30 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à ce qu'il soit enjoint à la commune d'interdire les concerts de musiques amplifiées sur le site et, d'autre part, à la condamnation de la commune à une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
2. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.
3. L'association requérante soutient que les manifestations qui se tiennent régulièrement à la Maison Grand Cour sont à l'origine de nuisances sonores, entrainent l'abandon de déchets aux abords du site et créent des difficultés de stationnement pour les habitants du quartier.
4. Cependant, il résulte d'un courrier du 30 juin 2017 adressé à l'association par le premier adjoint à la culture de la commune de Saint-Paul que la Maison Grand Cour n'a accueilli que six manifestations culturelles en 2015 et dix en 2016, que cinq des manifestations prévues en 2017 sur le site, notamment le Nouvel An tamoul et le festival Total Jazz, ont été déplacées dans d'autres lieux, que le nombre de soirées du festival Opus Pocus à la Maison Grand Cour a été réduite de trois à deux à compter de l'année 2017 et que la commune demande scrupuleusement à l'organisation de ce festival de limiter les nuisances sonores, de respecter les horaires annoncés, de veiller au respect des règles de stationnement prévues et de prendre toutes dispositions pour laisser le site propre. A l'appui de ses allégations, l'association requérante produit les mêmes éléments qu'en première instance, à savoir les courriers qu'elle a transmis à la commune entre 2014 et 2017, un article de presse relatant une manifestation tenue par l'association en protestation à la tenue du festival Opus Pocus 2016, un document duquel il ressort que deux concerts de musiques amplifiées se sont tenus à la Maison Grand Cour les 3 et 4 août 2017 dont l'un finissait à 20h45 et l'autre à 23h00, et produit également pour la première fois en appel, un article de presse du 31 octobre 2022 qui se borne à rappeler les anciennes plaintes du voisinage et en particulier du président de l'association, un nouveau courrier de ce dernier en date du 9 octobre 2022, des photographies de l'installation de matériels de scène ou de sonorisation, et un cliché montrant des déchets sur la voie publique, dont le lien avec l'exploitation de la salle n'est pas établi. Ces seuls éléments ne sont pas de nature à justifier de l'existence et de l'ampleur des nuisances dont fait état l'association requérante, et celle-ci ne démontre donc pas que les riverains seraient exposés à des nuisances telles que le maire aurait commis une faute en ne prenant pas de mesures plus strictes que celles qu'il a déjà engagées et qui sont révélées par le courrier du 30 juin 2017. Par suite, les conclusions de l'association de la Chaussée royale de Saint-Paul tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de Saint-Paul d'interdire l'organisation de spectacles musicaux sur le site de la Maison Grand Cour doivent être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
5. En premier lieu, pour les motifs exposés au point 4, l'association requérante n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que les riverains de la Maison Grand Cour subissent un préjudice anormal et spécial en raison de l'exploitation du lieu.
6. En second lieu, l'association de la Chaussée royale de Saint-Paul n'établit pas la réalité du préjudice moral qu'elle allègue avoir subi, tenant à la déconsidération dont elle ferait l'objet de la part de la commune dans la mise en œuvre de son objet statutaire de lutte contre le bruit. Sa demande d'indemnisation à ce titre doit donc être rejetée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, l'association de la Chaussée royale de Saint-Paul n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association de la Chaussée royale de Saint-Paul la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Paul au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de commune de Saint-Paul, qui n'est pas la partie perdante.
9. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées à ce titre par l'association de la Chaussée royale de Saint-Paul doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association de la Chaussée royale de Saint-Paul est rejetée.
Article 2 : L'association de la Chaussée royale de Saint-Paul versera à la commune de Saint-Paul la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de la Chaussée royale de Saint-Paul et à la commune de Saint-Paul.
Délibéré après l'audience du 25 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Valérie Réaut, première conseillère,
M. Vincent Bureau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 23BX01458