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25/03/2025 | FRANCE | N°23BX01426

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 25 mars 2025, 23BX01426


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... A... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 25 mai 2021 par laquelle le directeur général des douanes et des droits indirects a mis fin à la prolongation de son activité à compter du 3 août 2019, ensemble la décision implicite de rejet née le 12 septembre 2021 du silence gardé sur son recours gracieux.



Il a également demandé à ce tribunal de condamner l'État à lui verser une somme de 471 034 euros en

réparation des préjudices subis, ainsi que la somme de 1 200 euros en exécution du jugement n° 1901612...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 25 mai 2021 par laquelle le directeur général des douanes et des droits indirects a mis fin à la prolongation de son activité à compter du 3 août 2019, ensemble la décision implicite de rejet née le 12 septembre 2021 du silence gardé sur son recours gracieux.

Il a également demandé à ce tribunal de condamner l'État à lui verser une somme de 471 034 euros en réparation des préjudices subis, ainsi que la somme de 1 200 euros en exécution du jugement n° 1901612 du tribunal administratif de la Guyane du 11 mars 2021, assortie des intérêts et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 2101444, 2200456 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 mai 2023, 29 janvier 2024 et 16 mai 2024, ainsi qu'une pièce enregistrée le 20 septembre 2024 qui n'a pas été communiquée, M. A... C..., représenté par Me Despax, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 2101444, 2200456 du 30 mars 2023 du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) d'annuler la décision du 25 mai 2021 par laquelle le directeur général des douanes et des droits indirects a mis fin à la prolongation de son activité à compter du 3 août 2019, ensemble la décision implicite de rejet née le 12 septembre 2021 du silence gardé sur son recours gracieux ;

3°) de condamner l'État à lui payer la somme de 471 034 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2021 ;

4°) d'enjoindre à l'État de reconstituer sa carrière du mois d'avril 2019 au mois de juin 2021, dans le délai de 10 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative non compris dans les dépens.

Il soutient que :

- la décision du 25 mai 2021 a été prise par une autorité incompétente ;

- le comité médical départemental du 19 avril 2019 a été saisi à tort, dès lors qu'il n'est pas compétent pour statuer sur un port d'arme ou sur l'aptitude physique d'un fonctionnaire en activité ; le médecin de prévention n'a pas été informé de la tenue du comité médical départemental ; le courrier de saisine du comité médical départemental n'a pas été adressé au médecin secrétaire de ce comité ; alors que le comité médical départemental a été saisi sur le fondement de l'article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, il n'y avait pas de fiche d'absence pour maladie de douze mois consécutifs et la commission de réforme n'a pas été saisie et ne s'est pas réunie ; l'avis du comité médical départemental a été émis par deux médecins spécialistes qui n'avaient aucune compétence s'agissant de l'aptitude au port d'arme, qui n'ont pas remis de rapports et ne l'ont pas consulté ; cet avis défavorable est un avis de complaisance, en méconnaissance de l'article 28 du code de déontologie médicale, de l'article 441-7-1° du code pénal, des articles 1147 et 1582 du code civil et des articles L. 377 et L. 471-3 du code de sécurité sociale ; tous les certificats médicaux sont favorables à son aptitude physique ;

- la décision du 25 mai 2021 est illégale en raison de l'illégalité de l'arrêté du 13 juin 2019 ; cet arrêté, devant être analysé comme portant radiation des cadres, est illégal, dès lors, d'une part, qu'il ne spécifie pas les circonstances susceptibles d'ouvrir droit à pension et qu'il ne vise pas les dispositions légales qui le fondent, en méconnaissance de l'article R. 4 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, d'autre part, qu'il n'a pas été pris quatre mois au moins avant la date à laquelle il prend effet et que le versement de la pension doit intervenir un mois avant la date à laquelle il prend effet, en méconnaissance des dispositions de l'article D. 1 du décret n° 2011-616 du 30 mai 2011 modifiant divers dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite ; il est également illégal dès lors que son signataire n'a pas de délégation de signature ;

- en mettant fin illégalement à la prolongation de son activité, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- le préjudice matériel résultant directement de la faute s'élève à 421 034 euros ;

- le préjudice moral subi doit être réparé à hauteur de 50 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 79-88 du 25 janvier 1979 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret du 30 décembre 2009 ;

- l'arrêté du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitude physique particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vincent Bureau,

- et les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., agent de constatation principal de première classe des douanes affecté à la direction régionale de Saint-Laurent du Maroni, a été, par décision du 25 juin 2018 du directeur général des douanes et de droits indirects prise en application de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, autorisé à prolonger son activité au-delà de sa limite d'âge statutaire de 65 ans fixée au 18 novembre 2019, jusqu'au 18 juin 2021. Suite à un incident avec son supérieur hiérarchique survenu le 14 septembre 2018, il a fait l'objet, le 14 octobre suivant, d'une mesure de désarmement. Saisi au titre de la vérification de l'aptitude physique de l'intéressé, le comité médical départemental de la Guyane a émis le 11 avril 2019 l'avis que M. A... C... était inapte aux fonctions de surveillance douanière avec port d'arme. Au visa de cet avis, par une décision du 17 avril 2019, le directeur général des douanes et des droits indirects a prononcé sa mise à la retraite par limite d'âge dans un délai de trois mois à compter du jour suivant la notification de cette décision. Puis, par un arrêté du 13 juin 2019, l'administrateur supérieur des douanes a placé M. A... C... à la retraite à compter du 3 août 2019. Par un jugement n° 1901612 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de la Guyane a annulé comme entachée d'incompétence la décision du 17 avril 2019 et a enjoint à l'administration de réexaminer la situation de M. A... C.... En exécution de ce jugement, par une décision du 25 mai 2021, le directeur général des douanes et des droits indirects a, au vu du même avis défavorable du 11 avril 2019 du comité médical, mis fin à la prolongation de son activité à compter du 3 août 2019. M. A... C... a exercé un recours gracieux contre cette décision le 9 juillet 2021 ainsi qu'un recours indemnitaire le 22 décembre 2021 tendant au versement d'une somme de 471 034 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. M. A... C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 25 mai 2021, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et à l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'illégalité de ces décisions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, en vertu de l'article 68 alors en vigueur de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, les fonctionnaires ne peuvent être maintenus en fonctions au-delà de la limite d'âge de leur emploi sous réserve des exceptions prévues par les textes en vigueur. Aux termes de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge prévus par l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à un âge égal à la limite d'âge prévue au même premier alinéa, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État, sous réserve de leur aptitude physique (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : " Les fonctionnaires régis par la loi du 13 juillet 1983 susvisée, et appartenant à des corps ou à des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à 65 ans, sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à l'âge de 65 ans, sous réserve de leur aptitude physique, et dans les conditions fixées au présent décret. ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " I. ' La demande de prolongation d'activité est présentée par le fonctionnaire à l'employeur public au plus tard 6 mois avant la survenance de la limite d'âge. Il en est accusé réception. / La demande est accompagnée d'un certificat médical appréciant, au regard du poste occupé, l'aptitude physique de l'intéressé. Il est délivré par le médecin agréé prévu à l'article 1er du décret du 14 mars 1986 susvisé ou, le cas échéant, lorsque les statuts particuliers le prévoient, par le médecin habilité à apprécier l'aptitude physique du fonctionnaire. Préalablement à l'établissement du certificat médical, le médecin peut demander à l'employeur public la transmission de toute information utile relative aux conditions actuelles d'exercice et aux sujétions du poste occupé. L'intéressé reçoit communication de l'ensemble des documents transmis par l'employeur. (...). ". Aux termes de l'article 5 de ce même décret : " I. ' Si le fonctionnaire devient physiquement inapte à ses fonctions au cours de la période de prolongation, celle-ci prend fin. / L'employeur public peut, à tout moment de la période de prolongation d'activité et notamment préalablement à tout changement de poste, demander au fonctionnaire de présenter, dans un délai d'un mois, le certificat médical prévu à l'article 4 du présent décret. Lorsqu'une visite médicale périodique est prévue, l'avis médical émis à cette occasion peut remplacer le certificat médical. / Le fonctionnaire et l'employeur public peuvent contester les conclusions du certificat médical ou de l'avis qui en tient lieu. La contestation est portée devant le comité médical mentionné au II de l'article 4 du présent décret. / Lorsque l'employeur public saisit le comité médical, il en informe le demandeur. Si, au vu du certificat, ou, le cas échéant, de l'avis du comité médical, l'employeur public décide de mettre fin à la prolongation d'activité, il notifie sa décision à l'intéressé au plus tard trois mois avant sa date d'effet. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 4 du décret n° 79-88 du 25 janvier 1979 fixant le statut particulier du corps des agents de constatation des douanes., alors applicable : " Dans la branche de la surveillance, les fonctionnaires du corps des agents de constatation des douanes doivent posséder l'aptitude physique nécessaire pour exercer leurs fonctions en tous lieux, de jour et de nuit. Par dérogation à l'article 22 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, les conditions et les modalités de vérification de cette aptitude physique sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la fonction publique. / Ils sont armés, portent l'uniforme et les insignes de leur grade et sont soumis à l'obligation de résidence, dans les conditions fixées par arrêtés du ministre du budget. (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitude physique particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires, alors applicable : " Pour l'affectation dans les corps des agents de constatation des douanes (branche de la surveillance), des contrôleurs des douanes et droits indirects (branche de la surveillance), des personnels de catégorie A de la direction générale des douanes et droits indirects (agents qui occupent un des emplois figurant sur l'arrêté mentionné au I de l'article 42 du décret du 22 mars 2007 susvisé à l'exclusion de ceux relevant des grades d'inspecteur principal, de directeur des services douaniers et de directeur principal des services ".

4. Pour justifier de la légalité de sa décision du 25 mai 2021 mettant fin à la prolongation de l'activité de M. A... C... à compter du 3 août 2019, le ministre de l'économie se fonde sur l'avis du comité médical départemental du 11 avril 2019, lequel précise être " défavorable à la surveillance avec port d'armes ", " compte tenu des éléments du dossier ". M. A... C... produit, quant à lui, sa fiche de visite médicale avec le médecin de prévention le 25 octobre 2018 qui conclut à la compatibilité de son état de santé avec ses conditions de travail, un certificat médical d'aptitude physique délivré le 5 décembre 2018 par le Dr D..., qui conclut à son aptitude physique mais qui conditionne son avis favorable sur le port d'arme à l'examen de l'intéressé par un médecin psychiatre, et une expertise psychiatrique réalisée par le Dr B... le 19 janvier 2019. Ce dernier conclut à la pleine aptitude de M. A... C... en précisant qu'il est un " fonctionnaire en bonne santé psychique, normalement équilibré, ayant surmonté sans séquelle un traumatisme psychique modéré en septembre 2018. Le sujet est apte au poste d'agent de constatation principal des Douanes (en prolongation d'activité) en BSE. Il peut être réarmé et poursuivre sa carrière ". Le médecin indique que l'agent a surmonté " un épisode dépressif bref, traité banalement par un petit tranquillisant, ayant évolué rapidement vers la guérison, sans séquelle, en quelques jours ". Ces appréciations médicales, lesquelles présentent des conclusions claires et convergentes et ne sont pas contredites par d'autres pièces de même nature, tendent à remettre en cause l'avis du comité médical du 11 avril 2019 et à attester de ce que M. A... C... était à cette date apte à exercer ses fonctions. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le directeur général des douanes et des droits indirects a entaché d'une erreur d'appréciation sa décision du 25 mai 2021 ainsi que le rejet du recours gracieux formé contre cette décision. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation de la décision du 25 mai 2021 retenu au point 4, et alors que l'aptitude au service de M. A... C... a encore été confirmée par un certificat délivré le 9 juillet 2021 et par une expertise psychiatrique réalisée le 19 juillet 2021, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la carrière du requérant soit reconstituée en procédant à sa réintégration juridique à compter du 3 août 2019 et jusqu'au 18 juin 2021, date à laquelle il aurait dû être radié des cadres suite à la fin de sa prolongation d'activité, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité de l'État :

6. Si les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision ayant lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige, M. A... C... est en revanche fondé à soutenir que l'illégalité relevée au point 4 dont est entachée la décision du 25 mai 2021 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État à son égard.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les conclusions à fin d'évaluation des préjudices subis par M. A... C....

En ce qui concerne les préjudices :

8. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité.

S'agissant des préjudices matériels :

9. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... C... a subi un préjudice financier résultant directement de son éviction irrégulière entre le 3 août 2019 et le 18 juin 2021, date à laquelle il aurait dû être radié des cadres suite à la fin de sa prolongation d'activité. Il y a lieu en conséquence de mettre à la charge de l'État le versement à M. A... C... d'une indemnité qui, tenant compte des traitements ou pensions effectivement perçus, correspond à la perte de la rémunération à laquelle il aurait pu prétendre au titre des éventuels avancements d'échelon ou de grade, à l'exception des primes et indemnités seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions et déduction faite, le cas échéant, du montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction. Il y a lieu de renvoyer le requérant devant l'État pour qu'il soit procédé à l'évaluation de la perte de traitement correspondante.

11. En revanche, si M. A... C... soutient que la faute commise par l'administration est la cause d'un surendettement, d'impayés auprès de divers organismes, de la vente de biens et du recours à des emprunts auprès d'amis, il n'établit nullement que ses difficultés financières seraient directement en relation avec la fin de la prolongation de son activité, alors notamment qu'il n'est pas établi qu'il n'aurait pas perçu une pension de retraite durant la période considérée. En outre, si M. A... C... prétend qu'il a été dans l'obligation de déménager en métropole, il résulte de l'instruction qu'il réside toujours en Guyane.

S'agissant du préjudice moral :

12. L'illégalité de la décision en cause a été de nature à induire un préjudice moral pour le requérant, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 5 000 euros.

En ce qui concerne les intérêts :

13. M. A... C... a droit aux intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2021, date de réception de sa demande indemnitaire préalable, sur la somme de 5 000 euros ainsi que sur les pertes de traitement subies entre le 30 août 2019 et le 18 juin 2021.

Sur les frais liés au litige :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à M. A... C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2101444, 2200456 du 30 mars 2023 est annulé.

Article 2 : La décision du 25 mai 2021 et la décision implicite de rejet née le 12 septembre 2021 du silence gardé sur le recours gracieux de M. A... C... sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint à l'État de reconstituer la carrière de M. A... C... en procédant à sa réintégration juridique à compter du 3 août 2019 et jusqu'au 18 juin 2021, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État est condamné à verser à M. A... C... une indemnité de 5 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2021.

Article 5 : L'État est condamné à verser à M. A... C... une indemnité correspondant au préjudice financier subi déterminée dans les conditions fixées au point 10, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2021. M. A... C... est renvoyé devant le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique pour la liquidation de la somme qui lui est due en application des dispositions du présent article.

Article 6 : L'État versera à M. A... C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

M. Vincent Bureau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

Le rapporteur,

Vincent Bureau

Le président,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX01426


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01426
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Vincent BUREAU
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : DESPAX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;23bx01426 ?
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