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25/03/2025 | FRANCE | N°23BX00836

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 25 mars 2025, 23BX00836


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 8 juin 2020 du maire de la commune de Bussière-Galant portant mise en demeure et mise en dépôt, pour divagation, de chiens susceptibles de présenter un danger.



Par un jugement n° 2000757 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 28 mar

s 2023, ainsi qu'un mémoire enregistré le 19 septembre 2024 qui n'a pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Magne, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 8 juin 2020 du maire de la commune de Bussière-Galant portant mise en demeure et mise en dépôt, pour divagation, de chiens susceptibles de présenter un danger.

Par un jugement n° 2000757 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mars 2023, ainsi qu'un mémoire enregistré le 19 septembre 2024 qui n'a pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Magne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 février 2023 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juin 2020 du maire de la commune de Bussière-Galant ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bussière-Galant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 8 juin 2020 est insuffisamment motivé ;

- il a été pris en méconnaissance des droits de la défense ; s'il a été pris sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 211-11-1 du code rural et de la pêche maritime, il n'a pas été mis à même de présenter des observations ; s'il a été pris sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 211-11-1 du code rural et de la pêche maritime, aucun vétérinaire n'a donné son avis sur une euthanasie à la date de l'arrêté ; il ressort des évaluations comportementales des 19 janvier et 9 juin 2021 que ses chiens ne sont pas dangereux ; il n'y avait aucune urgence à les faire enfermer ; les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation sur la dangerosité de ses chiens et sur l'urgence ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit, dès lors que l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime prévoit une procédure progressive ; la mise en demeure doit précéder la mise en dépôt ;

- il est disproportionné, dès lors que l'euthanasie de ses chiens excède les mesures nécessaires pour prévenir le danger, lequel n'est pas précisément établi dans l'arrêté.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2024, la commune de Bussière-Galant, représentée par Me Dounies, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vincent Bureau,

- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Pennec, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire de trois chiens de races berger belge et malinois. Par un courrier du 3 juin 2020, le maire de la commune de Bussière-Galant l'a alerté sur le comportement dangereux de ses chiens et sur des incidents causés par ceux-ci, en particulier une attaque de brebis, et l'a mis en demeure de faire cesser le danger qu'ils représentent, notamment en faisant procéder à une évaluation comportementale par un vétérinaire agréé. Suite à une nouvelle attaque et à la mort d'une brebis le 7 juin 2020, le maire de la commune de Bussière-Galant a, par un arrêté du 8 juin 2020, d'une part mis en demeure M. B... de faire cesser la divagation de ses chiens et de prendre les mesures nécessaires pour prévenir tout danger et, d'autre part, a prescrit la saisie des chiens pour leur placement dans un lieu de dépôt adapté puis le cas échéant, à l'issue d'un délai franc de garde de huit jours ouvrés et en l'absence de garanties relatives aux mesures prises par M. B..., leur euthanasie après avis d'un vétérinaire désigné par la direction départementale des services vétérinaires. M. B... relève appel du jugement du 23 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime : " I. - Si un animal est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou, à défaut, le préfet peut prescrire à son propriétaire ou à son détenteur de prendre des mesures de nature à prévenir le danger. Il peut à ce titre, à la suite de l'évaluation comportementale d'un chien réalisée en application de l'article L. 211-14-1, imposer à son propriétaire ou à son détenteur de suivre la formation et d'obtenir l'attestation d'aptitude prévues au I de l'article L. 211-13-1. / En cas d'inexécution, par le propriétaire ou le détenteur de l'animal, des mesures prescrites, le maire peut, par arrêté, placer l'animal dans un lieu de dépôt adapté à l'accueil et à la garde de celui-ci. / Si, à l'issue d'un délai franc de garde de huit jours ouvrés, le propriétaire ou le détenteur ne présente pas toutes les garanties quant à l'application des mesures prescrites, le maire autorise le gestionnaire du lieu de dépôt, après avis d'un vétérinaire désigné par le préfet, soit à faire procéder à l'euthanasie de l'animal, soit à en disposer dans les conditions prévues au II de l'article L. 211-25. / Le propriétaire ou le détenteur de l'animal est invité à présenter ses observations avant la mise en oeuvre des dispositions du deuxième alinéa du présent I. / II. - En cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner par arrêté que l'animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et, le cas échéant, faire procéder à son euthanasie. / Est réputé présenter un danger grave et immédiat tout chien appartenant à une des catégories mentionnées à l'article L. 211-12, qui est détenu par une personne mentionnée à l'article L. 211-13 ou qui se trouve dans un lieu où sa présence est interdite par le I de l'article L. 211-16, ou qui circule sans être muselé et tenu en laisse dans les conditions prévues par le II du même article, ou dont le propriétaire ou le détenteur n'est pas titulaire de l'attestation d'aptitude prévue au I de l'article L. 211-13-1. / L'euthanasie peut intervenir sans délai, après avis d'un vétérinaire désigné par le préfet. Cet avis doit être donné au plus tard quarante-huit heures après le placement de l'animal. A défaut, l'avis est réputé favorable à l'euthanasie. (...) ".

3 En premier lieu, en reprenant dans des termes similaires son moyen de première instance tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué, sans critique utile du jugement, M. B... n'apporte en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges, qui ont pertinemment répondu à ce moyen. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Limoges.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". En vertu des 1° et 3° de l'article L. 121-2 du même code, ces dispositions ne sont pas applicables en cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles et aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière.

5. M. B... invoque une violation des droits de la défense dès lors qu'il n'a pas été invité à présenter ses observations avant l'édiction de l'arrêté en litige. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si le maire de Bussière-Galant a initialement mis en œuvre les dispositions du I de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime lorsqu'il a mis en demeure M. B..., par son courrier du 3 juin 2020, de faire cesser le danger que représente ses chiens, il s'est en revanche placé par l'arrêté attaqué, lorsqu'il a eu connaissance de la nouvelle attaque perpétrée par les chiens le 7 juin 2020, dans le cadre du II de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime visant à mettre fin à un danger grave et immédiat, ce qui constitue un cas d'urgence au sens du 1° de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, le maire de Bussière-Galant n'était pas tenu de permettre au requérant de présenter ses observations avant de prendre sa décision. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

6. En troisième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce qu'aucun vétérinaire n'avait donné son avis sur une euthanasie à la date de l'arrêté contesté, dès lors que celui-ci conditionne précisément une éventuelle euthanasie à l'avis d'un vétérinaire désigné par la direction départementale des services vétérinaires, ainsi que le prévoient les dispositions précitées du II de l'article L. 211-1 du code rural et de la pêche maritime.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, et en particulier d'un courriel adressé par la gendarmerie nationale au maire de la commune le 13 juin 2020, reprenant l'historique des faits commis par les chiens du requérant, que ceux-ci ont tenté d'agresser une personne le 2 mai 2020, ont attaqué le 20 mai 2020 un troupeau, causant la mort de trois brebis et la disparition d'un agneau, ont de nouveau attaqué des chèvres le 29 mai 2020, ainsi qu'une personne en présence de sa fille âgée de 3 ans, et ont enfin attaqué un troupeau le 7 juin 2020, tuant une nouvelle fois une brebis. Ainsi, la gravité du danger résultant de l'errance et du comportement agressif des chiens caractérisait, dans les circonstances de l'espèce, une situation d'urgence justifiant leur mise en dépôt, alors en outre que la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Limoges a, par un arrêt du 23 février 2022, constaté la matérialité des faits d'attaques de brebis en mai et juin 2020 et condamné M. B... à la confiscation de ses chiens et à leur remise à une œuvre de protection animale. Alors que le maire de la commune, par son courrier du 3 juin 2020, avait mis l'intéressé en demeure de prendre toute mesure de nature à faire cesser la divagation de ses chiens et de faire procéder à leur évaluation comportementale, le requérant ne conteste pas s'être abstenu de prendre de telles mesures. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

8. En cinquième et dernier lieu, il résulte de ce qui précède que la dangerosité des chiens était établie à la date de l'arrêté attaqué, lequel prescrit leur placement dans un lieu de dépôt adapté et n'emporte pas leur euthanasie immédiate, celle-ci étant conditionnée d'une part aux garanties apportées par M. B... quant aux dispositions qu'il prendrait pour prévenir toute divagation de ses chiens, et d'autre part, ainsi qu'il a été dit, à l'avis d'un vétérinaire désigné par la direction départementale des services vétérinaires, comme le prévoient les dispositions dont il a été fait application par le maire. Par suite, le moyen tiré de ce que les mesures prescrites par l'arrêté du 8 juin 2020 seraient disproportionnées doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Bussière-Galant au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Bussière-Galant, qui n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la commune de Bussière-Galant la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Bussière-Galant.

Délibéré après l'audience du 25 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

M. Vincent Bureau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

Le rapporteur,

Vincent Bureau

Le président,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00836


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00836
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Vincent BUREAU
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : SCP DAURIAC PAULIAT - DEFAYE BOUCHERLE MAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;23bx00836 ?
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