Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS DNV Promotion a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le maire de la commune de Bordeaux a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la construction d'un immeuble d'habitation collectif de
63 logements sur un terrain situé 89-103 avenue de Verdun à Bordeaux, ensemble la décision du
15 juin 2021 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n°2103675 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 9 mars 2021, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 15 décembre 2023 et
25 octobre 2024, la commune de Bordeaux, représentée par Me Hounieu, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de rejeter la demande de la SAS DNV Promotion ;
3°) de mettre à la charge de la SAS DNV Promotion le versement d'une somme de
4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le projet méconnaît les dispositions de l'article 2.4.4.4 du règlement de la zone UM8 du plan local d'urbanisme (PLU) de Bordeaux Métropole dès lors qu'il est de nature à compromettre la conservation et la protection des espaces boisés classés grevant le terrain d'assiette :
- il implique la coupe d'arbres situés dans l'un des EBC ;
- la création d'un parking en sous-sol peut modifier le régime hydraulique du sol pouvant avoir des impacts sur le système enracinaire des arbres protégés, notamment s'agissant du cèdre référencé n°18 ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le projet méconnaît les dispositions des articles 1.3.5.1 et 1.3.5.2 du règlement de la zone UM8 du PLU de Bordeaux Métropole dès lors qu'il ne respecte pas l'obligation de conserver un périmètre de protection suffisant autour des arbres situés en EBC et autour des sujets remarquables hors EBC et que l'implantation projetée compromet l'état sanitaire d'au moins 3 arbres protégés ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le projet méconnaît les dispositions relatives à l'environnement et aux continuités écologiques, aux paysages et au patrimoine du règlement de la zone UM8 du PLU de Bordeaux Métropole et plus spécifiquement la prescription de protection paysagère P3129 ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le projet méconnaît les dispositions de l'article 2.4.1.1 du règlement de zone UM8 du PLU de Bordeaux Métropole dès lors que qu'il porte atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, les parcelles sur lesquelles il s'implante constituent un îlot de fraîcheur et contribue au maintien du paysage arboré ; le terrain d'assiette constitue en lui-même toute la qualité du site d'implantation du projet ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme dès lors que la demande de permis de construire en litige devait être précédée du dépôt et de l'obtention d'une non opposition à déclaration préalable portant sur l'abattage d'arbres protégés ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le projet méconnaît les dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme dès lors qu'il porte sur la démolition de deux maisons d'habitation typiques du quartier de Caudéran ainsi que de leurs annexes ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le projet méconnaît les dispositions de l'article 2.2.1 du règlement de la zone UM8 du PLU de Bordeaux Métropole dès lors que les terrasses du niveau R+4 ne respectent pas la règle de prospect ;
- le motif tiré de ce que le projet méconnaît les dispositions de l'article 3.2 du règlement de la zone UM8 du PLU et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu de l'insuffisance de l'accès au projet et des risques pour la sécurité publique qu'il engendre peut-être substitué aux motifs de refus initialement opposés.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2024, la SAS DNV Promotion, représentée par Me De Lagausie, conclut au rejet de la requête, à la mise à la charge de la commune de Bordeaux d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce qu'il soit enjoint à la commune de Bordeaux de lui délivrer le permis sollicité.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Caijeo, représentant la commune de Bordeaux et de Me De Lagausie, représentant la SAS DNV Promotion.
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 novembre 2020, la SAS DNV Promotion a déposé une demande de permis de construire portant sur la construction d'un immeuble d'habitation collectif de 63 logements sur un terrain situé 89-103 avenue de Verdun à Bordeaux. Par arrêté du 9 mars 2021, le maire de la commune de Bordeaux a refusé l'autorisation sollicitée. Par courrier du 22 avril 2021, la
SAS DNV Promotion a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision, rejeté par le maire de Bordeaux par une décision du 15 juin 2021. Par la présente requête, la commune de Bordeaux demande l'annulation du jugement du 13 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, sur demande de la SAS DNV Promotion, l'arrêté du
22 avril 2021, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 15 juin 2021.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article 2.4.4.4 du règlement de la zone UM8 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole relatif à l'aménagement paysager et aux plantations : " (...) - Espaces boisés classés existants ou à créer et arbres isolés / Les espaces boisés classés existants ou à créer et les arbres isolés sont repérés au plan de zonage. Avant, pendant et après la réalisation du projet, l'état sanitaire du ou des arbres ne doit pas être compromis de quelque façon que ce soit. La surface minimale de protection à prendre en compte correspond à la projection au sol du houppier. L'enherbement de cette surface doit être maintenu (...). ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres. / Il peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant, les desservent ". Aux termes de l'article 2.3.5 du règlement de la zone UM8 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole relatif aux règles particulières relatives aux continuités écologiques, aux zones humides, à la mise en valeur du patrimoine naturel, bâti et paysager : " (...) Si elles existent, des dispositions particulières fixées au document traitant des "dispositions relatives à l'environnement et aux continuités écologiques, aux paysages et au patrimoine" du présent règlement doivent être respectées (...) ". Enfin, les dispositions relatives à l'environnement et aux continuités écologiques, aux paysages et au patrimoine du règlement du plan local d'urbanisme de Bordeaux métropole identifient une prescription " P3129 - Secteur Caudéran - 101 avenue de Verdun / Intérêt culturel et paysager : / Jardin d'accompagnement de maisons bourgeoises qui constitue un cœur d'îlot intéressant. La lisière végétale sur la rue a un impact visuel très fort. / Prescriptions spécifiques : Prescriptions sur l'ensemble du périmètre : / - Conserver les sujets arborés remarquables qui inscrivent la parcelle à l'échelle de l'îlot : respect d'un périmètre suffisant, correspondant à la taille du houppier, autour des arbres concernés, suffisant pour leur pérennité et leur développement ou imperméabilisation, dépôt et travaux sont proscrits. / - Conserver une lisière végétale sur la rue ".
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice paysagère, des plans de situation, de masse et des planches d'insertion joints au dossier de demande de permis de construire en litige, que bien que s'inscrivant dans un environnement urbain assez dense comprenant à la fois des maisons individuelles et des immeubles collectifs d'une hauteur conséquente, le terrain d'assiette du projet, composé des parcelles cadastrées section OC n°4 et n°11, d'une superficie totale de 4 133 m2, est très peu artificialisé et fortement végétalisé.
Il accueille deux maisons d'habitations ainsi que leurs dépendances d'une surface de plancher totale de 554 m2, qui sont destinées à être entièrement démolies dans le cadre du projet. Situé en zone UM8 du plan local d'urbanisme (PLU) de Bordeaux Métropole, il fait l'objet, au titre de cette végétation, d'une double protection : la première relative aux deux espaces boisés classés (EBC) qu'il abrite, l'un au cœur de la parcelle et l'autre en bordure de l'avenue de Verdun, et la seconde au titre des dispositions du règlement du PLU relatives à l'environnement et aux continuités écologiques, aux paysages et au patrimoine par l'existence d'une prescription " P3129 - Secteur Caudéran - 101 avenue de Verdun ".
5. La pétitionnaire fait valoir que son projet, qui consiste en l'édification d'un immeuble de quatre étages comportant 63 logements d'une surface de plancher totale de 4 949 m2, auquel s'ajoute un parking en sous-sol sur toute la superficie de l'édifice, respecte ces prescriptions et qu'elle a pris le soin de " l'adosser " aux EBC, en sanctuarisant celui situé en bordure de rue et en déployant au droit du second EBC " un jardin disposant de petits espaces d'appropriations nichés dans une végétation abondante". Il ressort effectivement des pièces du dossier, notamment de la notice paysagère et de l'étude " Bilan sécuritaire des arbres " réalisée par un cabinet spécialisé, qui pose un diagnostic physiologique des 35 arbres recensés sur le terrain d'assiette, que l'abattage des cinq arbres prévus dans le cadre du projet est, contrairement à ce que soutient la commune, justifié (abattage à titre sécuritaire compte tenu de leur état de conservation des arbres n°12, 16, 17 et 2 et abattage au titre de la gestion du parc de l'arbre n°9), et que le projet n'empiète pas sur les périmètres correspondant à la taille des houppiers des arbres protégés, notamment s'agissant du cèdre du Liban. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article 2.4.4.4 précitées que cette surface de protection s'entend comme une surface minimale et que le projet ne doit pas compromettre de quelque façon que ce soit l'état sanitaire des arbres protégés. Or, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis technique du service espaces verts de Bordeaux Métropole du 23 janvier 2024, qui bien que postérieur aux décisions contestées, révèle une situation existant antérieurement, que le projet, eu égard aux importants travaux de terrassement qu'il engendre, est de nature à porter atteinte au système racinaire
d'arbres sains dont certains sont protégés, l'artificialisation des sols générée par un bâtiment imposant, implanté à proximité immédiate et comportant un parking en sous-sol sur la totalité de sa superficie, pouvant être difficilement comparée à l'artificialisation existante résultant des allées de desserte et de cheminement des maisons et de leurs dépendances. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le projet compromet l'état sanitaire des arbres protégés, notamment du marronnier adulte, et du cèdre du Liban dont la zone de protection s'étend, en l'espèce, au-delà de la superficie de son houppier, en méconnaissance des dispositions précitées du règlement de la zone UM 8 du plan local d'urbanisme.
6. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment du plan de masse de la situation existante comparé au plan de masse du projet, que l'artificialisation générée par l'accès du projet depuis l'avenue de Verdun, seul accès véhicules pour l'ensemble des usagers de l'immeuble, entraîne dans la lisière végétale en bordure de propriété, une coupure beaucoup plus importante que celle existant avant le projet, qui se limite aux dimensions d'un petit portail d'accès à la propriété. Dans ces conditions, et alors que le maintien de la lisière végétale sur rue est imposée par les dispositions précitées de la prescription P3129, le maire de Bordeaux pouvait légalement refuser d'autoriser le projet pour ce motif.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bordeaux est fondée à soutenir que le projet méconnaissait les dispositions de l'article 2.4.4.4 du règlement de la zone UM8 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole relatif à l'aménagement paysager et aux plantations, ainsi que les dispositions relatives à l'environnement et aux continuités écologiques, aux paysages et au patrimoine du règlement du même PLU, plus spécifiquement la prescription P3129. Par suite, le maire de Bordeaux était fondé à refuser, pour ces motifs, le permis de construire sollicité par la SAS DNV Promotion. Si l'arrêté de refus et la décision de rejet de recours gracieux litigieux sont fondés sur d'autres motifs, sur lesquels se sont prononcés les premiers juges, il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision en se fondant sur ces seuls motifs.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bordeaux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le maire de Bordeaux a refusé de délivrer le permis de construire sollicité par la société DNV Promotion, ensemble la décision de rejet du recours gracieux du 15 juin 2021. Il en résulte également que la commune de Bordeaux est fondée à soutenir que la demande présentée par la SAS DNV Promotion devant le tribunal administratif de Bordeaux doit être rejetée. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées à l'instance par la pétitionnaire ne peuvent également qu'être rejetées, le présent arrêt de rejet n'appelant aucune mesure d'exécution.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bordeaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la SAS DNV Promotion au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS DNV Promotion une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Bordeaux au même titre.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°2103675 du 13 octobre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande de la SAS DNV Promotion devant le tribunal et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.
Article 3 : La SAS DNV Promotion versera à la commune de Bordeaux une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS DNV Promotion et à la commune de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 20 février 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2025.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX03070