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04/03/2025 | FRANCE | N°23BX01881

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 04 mars 2025, 23BX01881


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le président de la communauté urbaine de Grand Poitiers l'a placée en congé de maladie ordinaire d'office.

Par un jugement n° 2100694 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 juillet 2023 et le 19 septembre 2024, Mme

B..., représentée par Me Lelong, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le président de la communauté urbaine de Grand Poitiers l'a placée en congé de maladie ordinaire d'office.

Par un jugement n° 2100694 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 juillet 2023 et le 19 septembre 2024, Mme B..., représentée par Me Lelong, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel la communauté urbaine de Grand Poitiers l'a placée en congé de maladie ordinaire d'office ;

3°) d'enjoindre à la communauté urbaine de Grand Poitiers de la réintégrer dans ses fonctions, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Grand Poitiers la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative et de l'article R. 741-2 du même code, le jugement est insuffisamment motivé compte tenu de la réponse lapidaire apportée à son moyen tiré de ce qu'elle n'est pas inapte totalement et définitivement à ses fonctions au 11 février 2021 ;

- le jugement est entaché de dénaturation et d'erreurs de droit ;

- l'arrêté a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'en application des dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, elle n'a pas été mise à même d'accéder à son dossier administratif avant son édiction ; elle n'a pas eu connaissance de la note du 11 janvier 2021 établie par le directeur du conservatoire ;

- il méconnaît les dispositions combinées des 3° et 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de l'article 24 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de cette loi et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ; l'administration ne peut placer en congé de maladie d'office à titre conservatoire l'un de ses agents que dans l'hypothèse où se pose la question de l'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée ;

- en méconnaissance des dispositions de l'article 24 du décret n°85- 603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, elle n'a jamais été convoquée à la suite du certificat médical du 15 septembre 2020, par la médecine préventive et son poste n'a pas été aménagé ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation ; sur la période courant du 15 septembre 2020 au 11 février 2021, elle a seulement manqué la réunion du département " Piano " en date du 11 janvier 2021 de sélection des morceaux pour les examens de fin de cycle mais était présente à d'autres réunions ; début septembre 2020, elle a également manqué les sélections d'entrée des étudiants pour la nouvelle année culturelle ; l'expertise médicale ne présente pas un caractère probant et régulier ; de nombreux éléments médicaux attestent du fait qu'elle n'était pas inapte totalement et définitivement à son poste au 11 février 2021 ; un certificat médical du 15 septembre 2021 énonce d'ailleurs expressément que l'aménagement sollicité n'était que temporaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2024, puis un second mémoire enregistré le 21 octobre 2024 non communiqué, la communauté urbaine de Grand Poitiers, représentée par Me Leeman, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, les conclusions à fin d'annulation présentées devant les premiers juges sont irrecevables, l'arrêté contesté, par son caractère provisoire, étant insusceptible de recours ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 modifié ;

- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n°85-603 du 10 juin 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,

- les observations de Me Duclos représentant Mme B... et de Me Leeman représentant la communauté urbaine de Grand Poitiers.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., agent titulaire de la fonction publique territoriale, exerce les fonctions d'assistante d'enseignement artistique de première classe, en qualité d'agent titulaire de la fonction publique territoriale, au Conservatoire à Rayonnement Régional de Poitiers, lequel dépend de la communauté urbaine de Grand Poitiers. Après avoir été placée en congé de longue durée, du 5 octobre 2013 au 22 juillet 2018, au titre d'une pathologie reconnue imputable au service par un arrêté du 16 février 2018, Mme B... a repris ses fonctions pour la rentrée artistique 2018-2019, à temps partiel à titre thérapeutique, à hauteur de 80 %. Son état de santé ayant été consolidé le 8 avril 2019 avec un taux d'invalidité permanente partielle fixé à 10 % suivant l'avis de la commission de réforme du 13 juin 2019, elle a repris son travail à temps plein à compter du 24 avril 2019. A compter de la rentrée 2020-2021, la communauté urbaine de Grand Poitiers a aménagé son poste en lui permettant de ne pas assurer les sélections d'entrée des élèves et les réunions en présence du corps enseignant, afin de tenir compte d'une demande de l'intéressée en ce sens, appuyée sur un certificat médical établi le 15 septembre 2020. Mme B... a ensuite été convoquée, par un courrier du 29 janvier 2021, à se présenter à une expertise médicale fixée au 4 février suivant, afin de contrôler son aptitude physique à exercer ses fonctions. Par son rapport du 4 février 2021, le médecin expert a conclu que Mme B... devait être déclarée inapte totalement et définitivement à l'exercice de ses fonctions d'assistante d'enseignement artistique au sein du Conservatoire à Rayonnement Régional de Poitiers et bénéficier d'un poste de reclassement. Par un arrêté du 11 février 2021, Mme B... a été placée en congé de maladie ordinaire d'office par la présidente de la communauté urbaine de Grand Poitiers, à titre conservatoire, dans l'attente que le comité médical rende un avis sur son aptitude à l'exercice de ses fonctions. Mme B... relève appel du jugement du 9 mai 2023, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 11 février 2021.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. La circonstance que l'arrêté attaqué du 11 février 2021 plaçant Mme B... en congé de maladie ordinaire d'office à compter du 5 février 2021 présente un caractère conservatoire dans l'attente de l'avis du comité médical départemental saisi de la question de son aptitude au service ne saurait la priver d'un intérêt pour agir contre cette décision prise en considération de sa personne dès lors que, d'une part cet arrêté a eu pour objet et pour effet de l'empêcher d'exercer ses missions d'enseignement artistique auprès du Conservatoire de la Communauté urbaine Grand Poitiers et d'autre part, en application des dispositions de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors en vigueur, l'intéressée n'a perçu qu'un demi traitement à compter du 5 mai 2021, situation certes rétroactivement régularisée par la suite. La fin de non-recevoir opposée par la communauté urbaine doit donc être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " et de l'article R. 741-2 du même code " La décision mentionne [...] l'analyse des conclusions et mémoires [...] ".

4. Pour écarter le moyen soulevé par Mme B... tiré de ce que l'arrêté du 11 février 2021 était entaché d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle " n'était pas inapte totalement et définitivement à ses fonctions au 11 février 2021 ", le tribunal a relevé qu'il " ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, l'état de santé de Mme B..., qui n'avait pu assister à aucune réunion avec l'équipe pédagogique depuis la rentrée 2020-2021, l'empêchait d'assurer l'ensemble des fonctions qui lui incombaient en qualité d'assistante d'enseignement artistique. La communauté urbaine de Grand Poitiers a ainsi fait une exacte application de l'article 14 du décret du 30 juillet 1987 en la plaçant en congé de maladie ordinaire. A cet égard, ni les certificats médicaux ultérieurs, ni l'avis du comité médical, rendu le 19 mai 2021, n'ont d'influence sur la légalité de l'arrêté en litige, pris à titre conservatoire, et fondé sur les conclusions de l'expertise du 4 février 2021 ". Ce faisant, contrairement à ce que soutient Mme B..., le tribunal a nécessairement écarté ses arguments selon lesquels " elle n'a manqué qu'une seule réunion du département piano ", " ses médecins ont attesté de son aptitude à ses fonctions " et " le Comité médical départemental a finalement statué en sa faveur ". En outre, le tribunal qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de la requérante n'a pas entaché d'insuffisance de motivation la réponse qu'il a apportée au moyen précité en ne répondant pas à ses arguments selon lesquels " le conservatoire n'a pas aménagé son poste ", " elle n'a pas répondu à un questionnaire parce qu'il n'est pas obligatoire ", " sa situation s'était améliorée le 11 janvier 2021 date à laquelle la note a été rédigée ", et " l'expertise du Docteur A... a été réalisée dans des conditions de partialité ". Enfin, la circonstance que le tribunal aurait, pour écarter ce moyen, commis une erreur d'appréciation en écartant les éléments médicaux postérieurs à l'arrêté attaqué est sans influence sur la motivation du jugement attaqué.

5. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme B... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit et de la dénaturation des faits qu'auraient commises les premiers juges pour rejeter sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ". En vertu de ces dispositions, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause.

7. Dans le cas où l'agent public se plaint de ne pas avoir été mis à même de demander communication ou de ne pas avoir obtenu communication d'une pièce, il appartient au juge d'apprécier, au vu de l'ensemble des éléments qui ont été communiqués à l'agent, si celui-ci a été privé de la garantie de présenter utilement des éléments en réponse.

8. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que Mme B... n'a pas été informée de son droit à consulter son dossier individuel. L'intimée soutient toutefois sans être contestée que Mme B... a eu accès au rapport du 4 février 2021 de l'expert médical et elle précise qu'elle s'est exclusivement fondée sur ce rapport pour édicter la décision litigieuse de placement d'office en congé de maladie ordinaire à titre conservatoire, dans l'attente de la saisine du Conseil médical sur son éventuelle inaptitude. S'il est exact, ainsi que le fait valoir Mme B..., que l'arrêté attaqué vise également la note établie par le directeur du Conservatoire à Rayonnement Régional le 11 janvier 2021, transmise à la direction générale adjointe des ressources humaines, et que cet arrêté reprend en substance l'argumentaire contenu dans cette note, et notamment la circonstance que Mme B... a transmis un certificat médical daté du 15 septembre 2020, que la direction du Conservatoire à Rayonnement Régional a aménagé temporairement le poste de travail de l'intéressée de façon à ce qu'elle puisse poursuivre son activité dans le respect des préconisations médicales et que ces aménagements liés à son état de santé ne peuvent être pérennisés sans dénaturer les fonctions afférentes à son grade de même que l'organisation des activités pédagogiques du Conservatoire, il ressort toutefois du rapport de l'expert du 4 février 2021 porté à la connaissance de Mme B... et de la convocation à cette expertise dont Mme B... a été destinataire qu'ils comportent des informations identiques. Ainsi, la requérante ayant eu connaissance sept jours avant l'intervention de la décision attaquée, des considérations médicales sur lesquelles l'arrêté qu'elle conteste est exclusivement fondé, elle n'a été privée d'aucune garantie. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) ". L'article 4 du décret du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux dispose que : " Le comité médical est chargé de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les questions médicales soulevées par l'admission des candidats aux emplois publics, l'octroi et le renouvellement des congés de maladie et la réintégration à l'issue de ces congés, lorsqu'il y a contestation. / Il est consulté obligatoirement pour : (...) b) L'octroi et le renouvellement des congés de longue maladie ou de longue durée (...) g) Le reclassement dans un autre emploi à la suite d'une modification de l'état physique du fonctionnaire (...) ". L'article 14 de ce décret prévoit que : " Sous réserve des dispositions de l'article 17 ci-dessous, en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie ". Aux termes de l'article 24 de ce même décret : " Lorsque l'autorité territoriale estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs d'un fonctionnaire, que celui-ci se trouve dans la situation prévue à l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée, elle peut provoquer l'examen médical de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 1 du décret du 30 septembre 1985 susvisé dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade après avis de la commission administrative paritaire. / L'autorité territoriale procède à cette affectation après avis du service de médecine professionnelle et de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé. Cette affectation est prononcée sur proposition du centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion lorsque la collectivité ou l'établissement y est affilié ".

10. Il résulte des dispositions de l'article 14 du décret précité du 30 juillet 1987 et de l'article 1er du décret précité du 30 septembre 1985 qu'elles ne subordonnent pas la mise en congé de maladie à une demande du fonctionnaire dès lors que la maladie a été dûment constatée et qu'elle le met dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal " il ressort des pièces du dossier que la communauté urbaine de Grand Poitiers a sollicité l'intervention d'un médecin expert agréé pour recueillir son avis sur l'aptitude physique de Mme B... à l'exercice de ses fonctions, après avoir constaté que son état de santé faisait obstacle à la prise en charge des missions qui lui étaient dévolues en dehors des heures de cours avec ses élèves. Le rapport d'expertise, dressé le 4 février 2021, concluant à l'inaptitude totale et définitive de Mme B... à exercer ses missions, la communauté urbaine de Grand Poitiers a saisi le comité médical, le 5 février 2021, d'une demande d'avis sur l'aptitude physique de l'intéressée à exercer ses fonctions ou toutes autres fonctions, et sur son éventuel reclassement ". Par suite, compte tenu de sa situation médicale, Mme B... ne peut utilement soutenir que la communauté urbaine de Grand Poitiers aurait méconnu les dispositions des 3° et 4° de l'article 57 de la loi précitée du 26 janvier 1984 et de l'article 24 du décret du 30 juillet 1987 en la plaçant en congé de maladie ordinaire d'office au motif que ne se pose pas, dans sa situation, la question de l'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Les médecins du service de médecine préventive sont habilités à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions, justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents. Ils peuvent également proposer des aménagements temporaires de postes de travail ou de conditions d'exercice des fonctions au bénéfice des femmes enceintes. Lorsque l'autorité territoriale ne suit pas l'avis du service de médecine préventive, sa décision doit être motivée et le comité d'hygiène ou, à défaut, le comité technique doit en être tenu informé (...) ". Il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale. A ce titre, il leur incombe notamment de prendre en compte, dans les conditions prévues à l'article 24 de ce même décret, les propositions d'aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents, que les médecins du service de médecine préventive sont seuls habilités à émettre.

12. D'une part, contrairement à ce que soutient Mme B..., il ne résulte nullement des dispositions précitées de l'article 24 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985, ni d'ailleurs d'aucun autre texte législatif ou réglementaire, ni d'aucun principe, que l'administration, destinataire d'un certificat médical préconisant un aménagement de poste serait tenue, avant d'engager une procédure de mise en congé d'office pour maladie ordinaire, de convoquer l'agent devant un service de médecine professionnelle et préventive.

13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la communauté urbaine de Grand Poitiers a initialement tiré les conséquences des mentions figurant dans le certificat médical du 15 septembre 2020 produit par Mme B... en permettant à celle-ci de ne pas assurer les réunions professionnelles en présence du corps enseignant. Par suite et dès lors que l'état de santé de Mme B... ne nécessitait pas d'autres aménagements, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article 24 du décret n°85- 603 du 10 juin 1985 précité ne peut qu'être écarté.

14. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté, qu'à partir du mois de septembre 2020, Mme B... n'a plus assisté à l'ensemble des réunions du conservatoire. Elle était ainsi absente de la réunion du département " Piano " du 11 janvier 2021 de sélection des morceaux pour les examens de fin de cycle et de celle de début septembre 2020 consacrée à la sélection d'entrée des étudiants pour la nouvelle année culturelle. Un aménagement du poste de Mme B... était d'ailleurs intervenu, en ce sens, après qu'elle ait fait état d'un certificat médical du 15 septembre 2020. Mme B... dont la fiche de poste indique qu'elle enseigne le piano aux élèves en cursus et en parcours personnalisé en collaboration avec les autres professeurs de piano, participe aux auditions du département piano et aux évaluations de fin de cycle, met en œuvre des projets avec l'ensemble des départements pédagogiques du conservatoire et ses partenaires et participe aux réunions pédagogiques et aux instances de concertation, n'exerçait donc pas, à la date de l'arrêté attaqué, l'intégralité des fonctions dévolues à un enseignant au sein du conservatoire. Par ailleurs, selon une expertise médicale du 4 février 2021, dont rien n'établit le caractère irrégulier au regard d'une prétendue partialité de son auteur, Mme B... a été déclarée inapte totalement et définitivement à l'exercice de ses fonctions d'assistante d'enseignement artistique au sein du Conservatoire à Rayonnement Régional de Poitiers avec bénéfice d'un poste de reclassement. Par suite, à la date de l'arrêté attaqué et quand bien même les éléments médicaux établis postérieurement à l'arrêté attaqué, que produit Mme B..., attestent du fait qu'elle n'est pas inapte totalement et définitivement à son poste et que le comité de réforme, lors de sa séance du 19 mai 2021 a estimé qu'elle était apte à la reprise du travail à temps complet dans les meilleurs délais, la communauté urbaine de Grand Poitiers a pu légalement estimer à titre purement conservatoire, sans préjudice de l'évaluation de son incapacité définitive et totale pouvant résulter de l'appréciation du comité de réforme que Mme B... devait être placée provisoirement d'office en congé de maladie ordinaire. Ainsi, le moyen tiré de ce que la communauté urbaine de Grand Poitiers a fait une inexacte application de l'article 14 du décret du 30 juillet 1987 doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté urbaine de Grand Poitiers, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme sollicitée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par la communauté urbaine de Grand Poitiers au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté urbaine de Grand Poitiers présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la communauté urbaine de Grand Poitiers.

Délibéré après l'audience du 11 février 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente de chambre,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Carine Farault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2025.

Le rapporteur,

Nicolas D...

La présidente

Fabienne ZuccarelloLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01881


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01881
Date de la décision : 04/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : LELONG DUCLOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-04;23bx01881 ?
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