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20/02/2025 | FRANCE | N°24BX01923

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 20 février 2025, 24BX01923


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 29 mars 2023 par lequel le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2300964 du 5 juin 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa

demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2024,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 29 mars 2023 par lequel le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2300964 du 5 juin 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2024, M. A... B..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 juin 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2023 du préfet de la Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît le 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- il est illégal en raison de l'illégalité dont est entachée l'obligation de quitter le territoire français ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée l'obligation de quitter le territoire français.

La requête de M. B... a été communiquée au préfet de la Vienne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 septembre 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant dominicain né le 31 mars 1994 à Roseau (Dominique), déclare être entré en France en mai 1999. Après avoir bénéficié de documents de circulation pour étrangers mineurs à compter du 12 mars 2003, il s'est vu délivrer des titres de séjour jusqu'au 1er octobre 2022. Incarcéré le 24 juin 2022, M. B... a fait l'objet d'un arrêté du 29 mars 2023 par lequel le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 5 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au présent litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été scolarisé en France à compter de l'année scolaire 1999-2000 en classe de grande section, alors qu'il était âgé de cinq ans. Il a ensuite été scolarisé sans discontinuer jusqu'en juin 2012 et a suivi une formation du 12 septembre 2013 au 20 juin 2014. Il a par ailleurs bénéficié de documents de circulation pour étranger mineur et de titres de séjour du 5 février 2003 au 1er octobre 2022 et produit ses avis d'imposition de 2014 à 2020, attestant de sa résidence habituelle en France depuis 1999. Dans ces conditions, et alors que la période de détention provisoire n'est pas de nature à remettre en cause la continuité de la résidence habituelle en France, M. B... est fondé à soutenir que les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à ce que le préfet l'oblige à quitter le territoire français.

4. La décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité. Par voie de conséquence, les décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français doivent également être annulées.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

7. L'exécution du présent arrêt, si elle n'implique pas nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à M. B..., implique en revanche que le préfet de la Vienne ou tout autre préfet devenu territorialement compétent réexamine la situation de M. B..., lui octroie une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen et procède à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Il y a lieu, dès lors, de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Desroches, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300964 du tribunal administratif de Poitiers du 5 juin 2024 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Vienne du 29 mars 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Vienne ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et de réexaminer sa situation ainsi que de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Desroches, avocate de M. B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présente arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Desroches, au ministre de l'intérieur et au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2025.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01923


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01923
Date de la décision : 20/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-20;24bx01923 ?
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