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20/02/2025 | FRANCE | N°24BX01919

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 20 février 2025, 24BX01919


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 12 avril 2023 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.



Par un jugement n° 2301352 du 5 juin 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.



Procéd

ure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 1er août 2024, M. A... B..., représenté par Me Desroc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 12 avril 2023 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.

Par un jugement n° 2301352 du 5 juin 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2024, M. A... B..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 juin 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2023 du préfet de la Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

Le jugement a méconnu le principe du contradictoire.

En ce qui concerne l'arrêté attaqué :

Il est intervenu au terme d'une procédure irrégulière.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreurs d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public et qu'il justifie de son état civil ;

- il méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreurs d'appréciation ;

- il méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité dont est entaché le refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête de M. B... a été communiquée au préfet de la Vienne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 septembre 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-camerounaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 (ensemble une annexe) ;

- l'accord franco-camerounais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire (ensemble six annexes), signé à Yaoundé le 21 mai 2009 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant camerounais se disant né le 17 septembre 2001 à Yaoundé (Cameroun), déclare être entré en France le 23 mars 2017. Le 5 août 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de travailleur temporaire. Par arrêté du 11 juin 2020, confirmé par un jugement n° 2001897 du tribunal administratif de Poitiers du 10 décembre 2020, puis par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 21BX01314 du 28 septembre 2021, la préfète de la Vienne lui a refusé le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé. Le 29 novembre 2021, M. B... a déposé une nouvelle demande de titre de séjour en qualité de travailleur temporaire, d'étranger malade et au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 12 avril 2023, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer les titres de séjour sollicités, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 5 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement:

2. D'une part, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ". Aux termes de l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Il résulte de ces dispositions que lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, mémoire ou pièce, émanant de l'une des parties à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision, ainsi que de la viser sans l'analyser, mais qu'il ne peut la prendre en compte sans avoir préalablement rouvert l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire.

4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une audience publique du 21 mai 2024. En l'absence d'ordonnance précisant la date de clôture de l'instruction, l'instruction a été close, en application des dispositions précitées, trois jours francs avant la date d'audience, soit le mardi 14 mai 2024 à minuit. Le préfet de la Vienne a produit pour la première fois un mémoire en défense le 16 mai 2024 à 20h51, soit postérieurement à la clôture de l'instruction. Toutefois, le tribunal a communiqué ce mémoire au requérant, l'a visé et l'a analysé. Eu égard à la date de l'audience, M. B... n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répondre au mémoire en défense du préfet de la Vienne. Il en résulte que le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du respect du caractère contradictoire de la procédure. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

5. Il y a donc lieu, pour la cour, de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. B... à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 12 avril 2023.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 avril 2023 :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions de l'arrêté en litige :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 2022-SG-DCPPAT-020 du 12 juillet 2022, publié le 13 juillet suivant au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture, le préfet de la Vienne a donné délégation de signature à Mme Pascale Pin, secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer, notamment, tous les arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Vienne, à l'exception de mesures au nombre desquelles ne figurent pas les décisions attaquées. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

7. En second lieu, M. B... fait valoir qu'en estimant que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public, en se fondant exclusivement sur les mentions figurant dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires, le préfet a entaché l'arrêté en litige d'un vice de procédure. Il résulte des dispositions du I de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale que le préfet doit saisir les services de police nationale pour complément d'information ou le procureur de la République compétent aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires pour évaluer l'existence d'une menace à l'ordre public de la personne dont les données à caractère personnel sont contenues dans le fichier en cause. Toutefois, pour entacher d'irrégularité la procédure, l'absence de saisine préalable des autorités compétentes doit avoir été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou avoir privé l'intéressé d'une garantie.

8. Il ressort de l'arrêté en litige que si le préfet de la Vienne a relevé que le comportement de M. B... constituait une menace à l'ordre public " faisant obstacle à ce que le titre de séjour sollicité soit délivré ", il a procédé à l'examen de la demande de titre de séjour de l'intéressé au regard des différents fondements invoqués. Par conséquent, le préfet n'a pas fait application de la réserve liée à l'ordre public, telle qu'elle est prévue par l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour ne pas faire droit aux demandes de titres sollicités. Quant à la circonstance que, pour refuser de délivrer à M. B... un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale, le préfet a fait mention de la circonstance qu'il était " défavorablement connu des services de police et de justice ", elle est sans incidence sur la décision en litige dès lors que le préfet s'est fondé sur d'autres motifs de nature à justifier un tel refus. Il s'ensuit que le moyen tiré du vice de procédure de l'arrêté attaqué doit être écarté. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de l'absence de référence à l'article L. 311-3-1 du code des relations entre le public et l'administration dans l'arrêté en litige est sans incidence sur sa légalité.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

9. En premier lieu, la circonstance que le préfet se réfère à la seule convention franco-camerounaise du 24 janvier 1994, sans viser l'accord franco-camerounais du 21 mai 2009, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige alors, au demeurant, que le requérant ne soutient, et encore moins ne démontre, qu'il remplissait les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en application des stipulations de ce dernier accord.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

11. L'article R. 425-11 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Enfin, l'article R. 425-13 du même code prévoit que : " (...) Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ".

12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 12 septembre 2022 relatif à l'état de santé de M. B... a été rendu par trois médecins, dont les noms sont mentionnés, au vu du rapport émis par un autre médecin qui ne faisait pas partie du collège qui a rendu l'avis. Par conséquent, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la composition du collège de médecins serait irrégulière et que le médecin instructeur aurait siégé au sein de ce collège. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

13. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées et sans avoir à rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

14. Pour refuser de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Vienne a considéré, au vu de l'avis émis le 12 septembre 2022 par le collège de médecins de l'OFII, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Si M. B... conteste une telle appréciation, il ressort toutefois des pièces du dossier que le synovialosarcome qui lui a été diagnostiqué en 2020 a fait l'objet d'une exérèse chirurgicale le 21 février 2020, qu'il a été considéré comme étant en rémission au mois d'août 2021 et qu'une poursuite d'une surveillance tous les quatre mois lui a été prescrite afin de prévenir les risques de récidive. Il a également été inclus dans un protocole " Etiosarc " afin de rechercher les causes et facteurs de risques de cette pathologie. Si le requérant soutient qu'il ne pourra pas bénéficier effectivement du suivi spécialisé qui lui est nécessaire au Cameroun eu égard à l'offre de soins qui y est disponible, il ne produit pas d'élément permettant de l'établir. A cet égard, le plan stratégique national de prévention et de lutte contre le cancer 2020-2024 du Cameroun qu'il produit atteste seulement que la qualité du suivi des patients ayant été atteints d'un cancer est inégale entre le Cameroun et la France. Or, cette circonstance ne permet pas d'établir, au regard des principes rappelés au point précédent, qu'il n'existerait pas de moyens de prise en charge appropriés dans son pays d'origine, au sens et pour l'application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, les certificats médicaux produits par le requérant en première instance indiquent en des termes peu circonstanciés qu'un arrêt du suivi lui " ferait perdre une chance dans le cas d'une éventuelle récidive " et que ce " suivi au Cameroun ne peut être au niveau de celui qui existe en France ". Si M. B... produit en appel un article du chef de service de l'oncologie médicale du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers, faisant notamment état de la difficulté à diagnostiquer et à traiter un sarcome, ainsi qu'un communiqué de presse relatif à la signature d'un accord cadre par le CHU de Poitiers visant à une meilleure prise en charge des sarcomes, ces éléments ne permettent pas davantage de démontrer que M. B... ne pourrait faire l'objet d'un suivi approprié au Cameroun. Enfin, le requérant fait valoir qu'il aurait été victime de violences de la part de son employeur ayant généré un état de stress aiguë à l'origine d'une incapacité totale de travail de huit jours et ayant justifié la mise en place d'un suivi psychologique. Au-delà même du fait que les trois consultations chez un psychologue sont intervenues plus d'un an après les faits de violence dénoncés, cette circonstance n'est pas de nature à justifier d'une aggravation de son état de santé telle que les violences invoquées auraient dû être prises en compte par le préfet dans le cadre de l'examen de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Il s'ensuit que le préfet de la Vienne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser le titre de séjour sollicité au motif que M. B... pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. Le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur dans l'appréciation de sa situation.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

16. M. B... se prévaut, outre de son état de santé, de l'ancienneté de sa présence en France et de ses efforts d'insertion professionnelle. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français à la faveur de sa soustraction à une mesure d'éloignement prise à son encontre le 11 juin 2020. Par ailleurs, si le requérant a occupé un emploi d'aide de cuisine en contrat à durée déterminée puis des emplois en intérim, il ne justifie pas d'une activité professionnelle stable et continue à la date de la décision en litige. Enfin, alors même que M. B... produit des attestations témoignant de son sérieux et de sa détermination pour s'intégrer en France, il est célibataire et dépourvu de toute attache familiale en France. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit précédemment s'agissant de l'état de santé de l'intéressé, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour ces mêmes motifs, le préfet de la Vienne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... et n'a pas méconnu les articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17. En dernier lieu, la circonstance que le préfet de la Vienne aurait commis des erreurs d'appréciation sur la menace à l'ordre public que représente M. B... et sur l'absence de justification de son état civil sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que le préfet ne s'est pas fondé sur ces éléments pour prendre cette décision. Par ailleurs, ces indications portées dans la décision attaquée ne sont pas à elles seules de nature à démontrer que le préfet n'a pas procédé à un examen attentif de la situation de l'intéressé, alors même qu'il ne s'est pas référé à un certificat médical du 19 octobre 2021.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

18. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le requérant n'établit pas l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision en litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

20. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 14, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

21. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 16, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

22. En premier lieu, la décision en litige vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment son article L. 721-3 qui constitue le fondement en droit de la décision fixant le pays de renvoi, ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il est également relevé que M. B... n'établit pas être exposé à des peines ou à des traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine, ce qui constitue le motif de fait de cette même décision. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée, en droit et en fait, et le moyen tiré du défaut de motivation doit, par suite, être écarté.

23. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

24. En dernier lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

25. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... serait exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Cameroun, alors notamment qu'il pourra y bénéficier de soins appropriés à sa pathologie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précités doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 12 avril 2023.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

27. Dès lors que les conclusions aux fins d'annulation de la requête doivent être rejetées, il y a lieu de rejeter par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....

Sur les frais d'instance :

28. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par Me Desroches, avocate de M. B..., et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2301352 du 5 juin 2024 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Poitiers et le surplus des conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Desroches et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2025.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01919


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01919
Date de la décision : 20/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-20;24bx01919 ?
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