Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 mars 2024 par lequel le préfet de la Martinique a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, d'autre part, la décision du même jour par laquelle le préfet de la Martinique a fixé Haïti comme pays de destination.
Par un jugement n° 2400326 du 27 juin 2024, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2024, Mme A..., représentée par Me Monotuka, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 27 juin 2024 ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Martinique de réexaminer sa demande et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Elle soutient que :
- les décisions attaquées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent les articles 3-1 et 3-2 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elles méconnaissent les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête de Mme A... a été communiquée au préfet de la Martinique qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante haïtienne née le 19 août 1987 à Thomazeau (Haïti), déclare être entrée en France le 18 décembre 2018. Elle a sollicité l'asile qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 mai 2019. Elle a sollicité une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 22 mars 2024, le préfet de la Martinique a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un second arrêté du même jour, le préfet de la Martinique a fixé Haïti comme pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement du 27 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Selon l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif qu'il est parent d'un enfant français doit justifier, outre de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, de celle de l'autre parent, de nationalité française, lorsque la filiation à l'égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l'article 316 du code civil. Le premier alinéa de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que cette condition de contribution de l'autre parent doit être regardée comme remplie dès lors qu'est rapportée la preuve de sa contribution effective ou qu'est produite une décision de justice relative à celle-ci.
4. Mme A... soutient que M. B..., ressortissant français, est père de l'enfant Bevensky A..., né le 27 septembre 2020, qu'il vit avec eux et participe par conséquent à l'entretien et à l'éducation de leur enfant. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... a reconnu son enfant le 17 avril 2023, soit plus de deux ans après sa naissance, et la seule production d'une attestation d'assurance du 19 juin 2023, d'un certificat de scolarité du 18 décembre 2023 et d'une attestation de M. B... du 7 juillet 2024 ne permet pas d'établir la réalité d'une vie commune stable et effective entre l'intéressée et son partenaire. Par ailleurs, les factures produites, dont la plupart sont postérieures aux arrêtés en litige, ne suffisent pas à démontrer que M. B... participe à l'entretien de son fils. Dès lors, à supposer même que le moyen soit invoqué, le préfet de la Martinique n'a pas méconnu les dispositions précitées en prenant les arrêtés en litige.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
6. Mme A... fait valoir qu'elle réside en France depuis près de six ans où elle a fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Mme A... a toutefois fait l'objet d'un refus d'admission au titre de l'asile en 2020 et s'est maintenue depuis lors en situation irrégulière sur le territoire. Par ailleurs, elle n'établit pas l'ancienneté et l'intensité de sa relation avec M. B... ni la participation de ce dernier à l'entretien et à l'éducation de leur fils. Enfin, si Mme A... se prévaut de la présence régulière en France de ses trois frères et d'une sœur, elle ne justifie en tout état de cause pas des liens qu'elle entretiendrait avec eux. Dans ces conditions, et alors que Mme A... ne fait état d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière en France, le préfet de la Martinique n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les arrêtés ont été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Mme A... soutient que la décision en litige méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant dès lors qu'elle aura pour effet de le séparer de son père, de nationalité française. Toutefois, et ainsi que cela a déjà été indiqué, l'intéressée n'établit pas que M. B..., père de l'enfant, contribuerait effectivement à son entretien et à son éducation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
9. Par ailleurs, Mme A... ne saurait utilement se prévaloir du paragraphe 2 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui est dépourvu d'effet direct.
10. En dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4, 6 et 8 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de Mme A... doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01915