Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2019 par lequel le maire de Saint-Louis a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté.
Par un jugement n° 2000872 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juillet 2023 et le 26 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Pressecq, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 17 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Saint-Louis du 3 décembre 2019 ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par cette même autorité sur le recours gracieux formé contre cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au maire de Saint-Louis de lui délivrer un permis de construire correspondant à sa demande déposée le 18 juillet 2019 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Louis une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative en ne visant pas les pièces produites par la commune de Saint-Louis, enregistrées le 6 avril 2023, alors que les premiers juges ont statué en se fondant sur l'une de ces pièces, le constat de non-conformité du 28 août 2019 ;
- les premiers juges ont fait droit à une substitution de motif au profit de la commune, alors qu'elle n'avait pas présenté de demande en ce sens, et en omettant de solliciter ses observations ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
- c'est à tort que le tribunal a examiné, au point 6 du jugement, une demande de substitution de motif qui n'est pas explicitement demandée par la commune de Saint-Louis ; dans son mémoire enregistré le 7 décembre 2021, celle-ci se bornait à conclure au rejet de la requête ;
- le tribunal ne pouvait faire application de la décision du Conseil d'État du 6 octobre 2021, n° 442182, en considérant que la construction existante est contraire à l'article UA 7.3 du règlement du plan local d'urbanisme alors que cette construction a été réalisée conformément au permis de construire initial du 19 juin 2015 devenu définitif ; le permis de construire modificatif en litige n'avait pas à porter sur l'ensemble des non-conformités relevées lors de la procédure de récolement des travaux ;
- le refus de permis est fondé sur un élément de construction sur lequel ne porte pas la demande de permis de construire modificatif ; l'arrêté de refus ne peut donc être considéré comme motivé et méconnait les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le maire de Saint-Louis a commis une erreur de droit en retenant un motif de refus relatif à un élément de construction sur lequel ne porte pas la demande de permis de construire modificatif.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2024, le maire de Saint-Louis, représenté par la selarl Boissy Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 30 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 15 janvier 2015 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- les observations de Me Hudrisier, représentant M. B...,
- et les observations de Me Dubois, représentant la commune de Saint-Louis.
Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 29 janvier 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 3 décembre 2019, le maire de Saint-Louis a rejeté la demande de permis de construire présentée par M. B... portant sur l'aménagement d'un atelier dans un vide sanitaire et sur la modification des ouvertures en façade de la maison à usage d'habitation implantée sur la parcelle cadastrée section C n° 441. M. B... relève appel du jugement du 17 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 3 décembre 2019 et de la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires (...). ". Ni ces dispositions ni aucune autre disposition du code de justice administrative ne font obligation au tribunal de viser spécifiquement un mémoire en production de pièces ne contenant aucune conclusion et aucun moyen, dès lors que le jugement renvoie " aux autres pièces du dossier " au regard desquelles les premiers juges statuent.
3. L'absence de visa du mémoire en production de pièces complémentaires de la commune de Saint-Louis enregistré le 6 avril 2023 devant le tribunal, lequel ne contenait aucune conclusion ni aucun moyen, n'entache pas d'irrégularité le jugement du 17 mai 2023 qui renvoie implicitement à ces pièces en visant les " autres pièces du dossier ". Les premiers juges n'ont donc pas méconnu l'article R. 741-2 du code de justice administrative.
4. En second lieu, l'arrêté en litige est fondé sur le motif tiré de ce que la terrasse implantée en fond de propriété ne respecte pas la règle de hauteur prévue à l'article UA7.3 du règlement du plan local d'urbanisme. Pour établir que le refus de permis de construire était légal, le maire de Saint-Louis a fait valoir devant le tribunal, dans son mémoire enregistré le 7 décembre 2021, que la demande de permis de construire devait porter sur l'ensemble des éléments de la construction irrégulièrement bâtis. En se prévalant de ce principe jurisprudentiel, la commune doit être regardée comme s'étant prévalue d'une substitution de motif. M. B... a pris connaissance de ce mémoire le 7 décembre 2021 et y a répliqué le 25 février 2022. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont procédé d'office à une substitution de motif et ont omis de solliciter ses observations à cet égard. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait, pour ces raisons, entaché d'irrégularité doit dès lors être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la substitution de motif retenue par le tribunal :
5. Lorsqu'une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation.
6. Aux termes de l'article L. 462-1 du code de l'urbanisme, dans la version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " A l'achèvement des travaux de construction ou d'aménagement, une déclaration attestant cet achèvement et la conformité des travaux au permis délivré ou à la déclaration préalable est adressée à la mairie. ". L'article L. 462-2 du même code précise que : " L'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3 peut, dans un délai fixé par décret en Conseil d'État, procéder ou faire procéder à un récolement des travaux et, lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré ou à la déclaration préalable, mettre en demeure le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité. Un décret en Conseil d'État fixe les cas où le récolement est obligatoire. / Passé ce délai, l'autorité compétente ne peut plus contester la conformité des travaux. (...) ". Enfin, l'article R. 462-9 de ce code ajoute que : " Lorsqu'elle estime que les travaux ne sont pas conformes à l'autorisation, l'autorité compétente pour délivrer le permis ou prendre la décision sur la déclaration préalable met en demeure, dans le délai prévu à l'article R. 462-6 [3 mois porté à 5 mois lorsque le récolement des travaux est obligatoire], le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité avec l'autorisation accordée. / Cette mise en demeure est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal. Elle peut être envoyée par échange électronique dans les cas prévus à l'article R. 423-48. Elle rappelle les sanctions encourues. ". En vertu de ces dispositions, l'administration dispose du pouvoir de contrôler le respect de l'autorisation d'urbanisme à l'achèvement des travaux et, le cas échéant, de mettre en demeure le pétitionnaire de déposer un dossier de demande de permis modificatif ou bien de mettre les travaux en conformité avec l'autorisation accordée.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., bénéficiaire d'un permis de construire une maison d'habitation qui lui a été délivré le 19 juin 2015, a attesté de l'achèvement des travaux par une déclaration reçue en mairie le 29 mai 2019. A la suite d'une visite sur place des services d'urbanisme de la commune en date du 26 juin 2019, le maire de Saint-Louis a contesté par une décision du 28 août 2019 la conformité des travaux à l'autorisation de construire, relevant des irrégularités relatives à la terrasse en limite séparative, à l'aménagement du vide-sanitaire, aux ouvertures en façade et à la distance entre deux constructions. M. B..., qui avait eu connaissance des non-conformités à l'issue de la visite du 26 juin 2019, a déposé par anticipation, le 18 juillet 2019, une demande de permis de construire modificatif portant sur l'aménagement d'un atelier de 30 m² en sous-sol et sur les ouvertures de la façade de la maison. Dans ces circonstances, alors que la procédure de récolement était engagée mais non achevée et que M. B... disposait de la faculté de répondre aux non-conformités soit en obtenant un permis de construire modificatif soit en réalisant les travaux rendant la construction conforme à l'autorisation initiale, le maire de Saint-Louis ne pouvait refuser la demande de permis modificatif au motif qu'elle ne portait pas sur l'ensemble des éléments de construction non autorisés. Il s'ensuit que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a accédé à la demande de substitution de motif sollicitée par la commune de Saint-Louis.
En ce qui concerne le motif de refus initial :
8. Comme l'a pertinemment jugé le tribunal au point 5 de sa décision, dès lors que la demande de permis de construire modificatif présentée par M. B... portait sur les ouvertures de la façade et la création d'un atelier en sous-sol, le maire de Saint-Louis a entaché son arrêté d'illégalité en rejetant la demande au motif que la hauteur de la terrasse méconnaît la règle de hauteur fixée par l'article UA 7.3 du code de l'urbanisme, sans rapport avec les modifications sollicitées. Il s'ensuit que le motif initial de refus est irrégulier et emporte l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2019.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 17 mai 2023, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2019 et de la décision implicite de rejet née du silence gardé par cette même autorité sur le recours gracieux formé contre cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "
11. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation d'urbanisme, y compris une décision de sursis à statuer, ou une opposition à une déclaration, après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à cette autorité de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, soit que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.
12. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date de l'arrêté portant refus de permis de construire modificatif dont l'annulation est prononcée en interdisaient la délivrance pour un autre motif que ceux qui sont censurés par le présent arrêt. Il ne résulte pas non plus de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de fait se soit produit depuis l'édiction de l'arrêté annulé et fasse obstacle à la délivrance du permis de construire modificatif sollicité par M. B.... Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au maire de Saint-Louis de délivrer à M. B... le permis modificatif sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Saint-Louis, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Louis la somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion n° 2000872 du 17 mai 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 3 décembre 2019 par lequel le maire de Saint-Louis a rejeté la demande de permis de construire modificatif de M. B... est annulé, ensemble la décision de rejet du recours gracieux.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Saint-Louis de délivrer le permis de construire modificatif sollicité par M. B... dans une délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Saint-Louis versera à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Saint-Louis fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Saint-Louis.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2025.
La rapporteure,
Valérie RéautLe président,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01999