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06/02/2025 | FRANCE | N°22BX02893

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 06 février 2025, 22BX02893


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux correspondants, auxquels elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017.



Par un jugement n° 2003287 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 21 nov

embre 2022, Mme A..., représentée par Me Siriez, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux correspondants, auxquels elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2003287 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Siriez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 septembre 2022 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, intérêts de retard et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle s'est mariée au cours de l'année 2015 et n'a divorcé qu'au cours de l'année 2020 ; elle et son ex-époux vivaient sous le même toit en 2016 et 2017 ; l'administration a conclu à tort qu'ils devaient faire l'objet d'une imposition séparée à l'impôt sur le revenu ;

- s'agissant des revenus distribués, l'administration a remis en cause à tort la déductibilité des indemnités kilométriques sur le fondement de l'article 111 a du code général des impôts dans la mesure où les dépenses ont été exposées dans l'intérêt de l'entreprise ; c'est à tort que les dépenses de carburant inscrites en charges des exercices clos en 2016 et 2017 par la société Entrepôt 33 ont été considérées non justifiées et non déductibles des bénéfices imposables sur le fondement de l'article 109-1 2° du code général des impôts ; les sommes appréhendées directement en dehors de son compte courant d'associé correspondent à des remboursements à la société l'Entrepôt directement via son gérant M. B..., afin de solder la somme due à ce dernier au titre des agencements et immobilisations ;

- la pénalité pour manquement délibéré est infondée et disproportionnée ; les manquements qui lui sont imputables ne sont pas caractérisés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2023, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- dans sa réclamation contentieuse, Mme A... n'a pas soulevé le moyen relatif à la quote-part des suppléments d'imposition générés par les rectifications des salaires et revenus distribués à raison du débit du compte courant d'associé au titre de l'année 2016 ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés ;

- à titre accessoire, à supposer que les remboursements de frais perçus par l'appelante constitueraient des éléments de rémunération imposables sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts, dans la catégorie des rémunérations allouées aux gérants majoritaires de société à responsabilité limitée, il soumet une substitution de base légale pour imposer ces revenus dans la catégorie des traitements et salaires et assimilés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- et les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est la gérante et l'associée unique de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) L'entrepôt 33 Gestion, qui a pour activité la location de boxes, archivage, gestion administrative et conseil en entreprise et de stockage et a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017. A la suite de cette procédure et d'un contrôle sur pièces du dossier de Mme A..., l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification du 7 décembre 2018 selon la procédure contradictoire, au titre des années 2016 et 2017, en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, à raison de revenus regardés comme distribués dans la catégorie de revenus de capitaux mobiliers et de rémunérations insuffisamment déclarées. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " (...) 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : / a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; (...) ". En application de ces dispositions, des époux mariés sous le régime de la séparation de biens et qui résident dans deux endroits différents doivent faire l'objet d'une imposition distincte dès lors que cette résidence séparée n'a pas un caractère temporaire.

3. Il résulte de l'instruction que Mme A... s'est mariée le 25 juillet 2015 avec M. E... sous le régime de la séparation de biens. Au titre des années 2016 et 2017, les époux ont déposé chacun des déclarations de revenus, dans lesquelles Mme A... a indiqué être séparée et résider dans la commune de Carbon-Blanc alors que M. E... mentionnait une adresse à Le Pian-Médoc. Les circonstances que l'enfant de Mme A... ait été scolarisé du 3 septembre 2013 au 3 septembre 2017 dans un établissement situé à Le Pian-Médoc, que deux factures de cantine scolaire au nom de Mme A... aient été adressées en 2016 à la même adresse que M. E... et que le père de l'enfant, M. C..., ait attesté le 9 juin 2021 être venu l'accompagner à cette même adresse entre 2016 et 2019 sont insuffisantes pour justifier d'une résidence habituelle commune de Mme A... et M. E... en 2016 et 2017 alors que ceux-ci avaient expressément déclaré des adresses séparées dans leurs déclarations de revenus. Quelles que soient les mentions que les intéressés ont inscrites dans leur convention de divorce le 3 janvier 2020, l'administration fiscale était ainsi fondée à établir une imposition séparée pour Mme A... au titre des années en litige.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : /a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la vérification de comptabilité de l'EURL Entrepôts 33 Gestion, l'administration a rejeté au titre des années 2016 et 2017 des charges, d'un montant respectif de 18 135 euros et de 27 116 euros, correspondant au remboursement d'indemnités kilométriques engagées par sa dirigeante, Mme A..., correspondant à l'utilisation, pour des motifs professionnels, de son véhicule personnel. Malgré l'absence de pièces justifiant de ces indemnités kilométriques, la vérificatrice a finalement admis une partie de ces frais de déplacements professionnels et a imposé les charges rejetées à hauteur de 7 732 euros en 2016 et 7 700 euros en 2017 en les qualifiant de revenus distribués sur le fondement des dispositions précitées du a de l'article 111 du code général des impôts. Toutefois, l'imposition de ces sommes, correspondant à des indemnités kilométriques, qui n'avaient pas la nature d'avances, de prêts ou d'acomptes, ne pouvait trouver son fondement dans les dispositions du a. de l'article 111 du code général des impôts.

6. Le ministre demande, à titre subsidiaire, que soient substituées à ces dispositions, celles de l'article 62 du code général des impôts, permettant l'imposition des sommes correspondantes dans la catégorie des rémunérations allouées aux gérants majoritaires.

7. La demande de substitution de base légale doit être regardée, eu égard aux termes dans lesquels elle est formulée, comme suffisamment explicite et précise. Elle est, par suite, recevable et il y a lieu de l'examiner.

8. Aux termes de l'article 62 du code général des impôts : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : / Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) ". Les remboursements de frais, même non justifiés, consentis à un gérant majoritaire d'une société à responsabilité limitée, qui sont susceptibles d'être regardés comme un complément de rémunération trouvant son origine dans l'exercice des fonctions de l'intéressé, constituent, en principe, un élément de sa rémunération imposable, en application des dispositions précitées de l'article 62 du code général des impôts, dans la catégorie des rémunérations allouées aux gérants majoritaires de telles sociétés n'ayant pas opté pour le régime fiscal applicable aux sociétés de personnes, sauf si le montant de ces remboursements, ajouté aux autres éléments de la rémunération, a pour effet de porter le total de celle-ci à un niveau excessif. Dans cette hypothèse, les remboursements de frais injustifiés peuvent être imposés comme revenus de capitaux mobiliers.

9. Il résulte de l'instruction que les frais litigieux remboursés à Mme A... ont été comptabilisés explicitement comme tels dans la comptabilité de l'entreprise individuelle Entrepôt 33 Gestion. Il ne résulte pas de l'instruction que leur prise en compte dans la rémunération de Mme A... aurait pour effet de porter celle-ci à un niveau excessif. Ainsi, quand bien même les remboursements de frais n'étaient pas assortis de justificatifs, ils doivent être regardés comme des éléments de rémunération imposables sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués :/ 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ".

11. L'administration fiscale a réintégré dans les bases imposables de l'entreprise Entrepôt 33 Gestion des charges dont elle a estimé qu'elles n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et correspondant à des achats de carburant à hauteur de 604 euros en 2016 et de 2 519 euros en 2017. La seule production d'une attestation datée du 2 février 2019 du fils de Mme A... indiquant avoir mis son véhicule à disposition de l'entreprise pour l'entretien des boxes de location ne permet pas de justifier de la réalité des dépenses en litige et de leur lien avec l'activité de l'entreprise. Par suite, l'administration fiscale a imposé à bon droit l'appelante à raison des sommes correspondantes en tant que revenus distribués par l'EURL Entrepôt 33 Gestion.

12. En quatrième lieu, l'administration a constaté que Mme A... avait encaissé directement des sommes, sous forme de chèque ou de virement, inscrites en comptabilité au débit des comptes 164 " emprunts " ou 4551 " associé ". Si Mme A... soutient que ces encaissements correspondent à des sommes remboursées à la société L'Entrepôt via son gérant, M. B..., afin de solder des sommes dues à ce dernier au titre d'agencements et d'immobilisations, elle ne produit aucun élément à l'appui de son moyen, au demeurant dépourvu de toute précision. Par suite, l'administration établit l'existence et le montant de revenus distribués à Mme A... sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

Sur les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : /a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

14. D'une part, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification notifiée à Mme A... est suffisamment motivée dès lors qu'elle mentionne la base légale de l'article 1729 du code général des impôts, le montant détaillé de la pénalité appliquée et ses motifs en raison de la responsabilité de l'intéressée en qualité de représentante légale, seule dépositaire du respect des obligations fiscales, commerciales et comptables incombant à l'entreprise.

15. D'autre part, en relevant que Mme A... s'est abstenue de déclarer ses revenus professionnels et a appréhendé directement des sommes provenant de l'EURL L'entrepôt 33 Gestion au moyen de son compte courant d'associée ou d'encaissements de chèques et de virements non justifiés par ses fonctions, l'administration établit l'intention de la requérante d'éluder l'impôt et, par suite, son manquement délibéré à ses obligations déclaratives de nature à justifier le bien-fondé des pénalités en litige.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige, en droits, intérêts de retard et majoration, à hauteur de ce qu'implique la requalification en traitements et salaires des sommes de 7 732 euros en 2016, et 7 700 euros en 2017.

Sur les frais de l'instance :

17. L'État n'étant pas la partie perdante pour l'essentiel, dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A... relatives aux frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : Mme A... est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, en droits, intérêts de retard et majoration, à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017, à hauteur de ce qu'implique la requalification en traitements et salaires de la somme de 7 732 euros pour 2016, et 7 700 euros pour 2017.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2025.

La rapporteure,

Bénédicte Martin Le président,

Luc Derepas La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02893
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : SIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;22bx02893 ?
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