Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2024 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans et d'annuler l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 2402359 du 2 octobre 2024, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision portant interdiction de retour de deux ans et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 octobre 2024, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 octobre 2024 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il annule la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de de deux ans ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que :
- le tribunal a statué ultra petita en annulant la décision d'interdiction de retour sur le territoire français de deux ans sur le moyen, non soulevé, que M. A... ne constituait pas une menace à l'ordre public ;
- le jugement est entaché d'une omission à statuer en ce qu'il ne se prononce pas sur le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français de deux ans méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il aurait pris la même décision sans prendre en compte la circonstance que M. A... soit connu des services de police ;
- il était tenu de prendre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français ;
- il renvoie à ses précédentes écritures en première instance pour les autres moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Clémentine Voillemot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité marocaine, né le 13 janvier 1999, déclare être entré en France en 2019. Par un arrêté du 10 septembre 2024 le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques relève appel du jugement du 2 octobre 2024 en tant que la magistrate désignée du tribunal administratif de Pau a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Sur la régularité du jugement :
2. L'unique moyen sur lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Pau a fondé l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet des Pyrénées-Atlantiques en retenant, pour fixer le délai de deux ans, que le comportement de M. A... constitue un trouble pour l'ordre public. Ce moyen, qui n'était pas d'ordre public, n'avait pas été invoqué par M. A.... Ainsi, la magistrate désignée, en soulevant d'office un tel moyen, a entaché son jugement sur ce point d'irrégularité. Il s'ensuit que le jugement du 2 octobre 2024 doit être annulé en tant qu'il annule la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
3. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 septembre 2024 portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français du 10 septembre 2024 :
4. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
5. Par adoption des motifs du jugement statuant sur la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'exception d'illégalité au regard de cette décision doit être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. M. A... se prévaut de son concubinage avec une ressortissante portugaise, qui serait enceinte de son enfant et mère d'un enfant, né le 24 novembre 2022, pour lequel elle ne peut obtenir de passeport en raison du refus du père de ce dernier d'engager des démarches pour obtenir un tel document. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... vivrait en concubinage avec Mme B.... A ce titre, l'attestation de vie commune datée du 11 septembre 2024, soit postérieurement à la décision attaquée, certifiant sur l'honneur une situation de concubinage depuis le 19 avril 2020, ne constitue pas un élément probant dès lors que M. A... déclarait, lors de son audition avec les services de police le 4 février 2021, vivre en Seine-Saint-Denis, que Mme B... a eu un enfant en novembre 2022, reconnu par un autre père, et qu'elle indique avoir été en couple avec ce dernier jusqu'à son troisième mois de grossesse. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... serait le père de l'enfant à naître de Mme B... ni que cette dernière serait dans l'impossibilité d'obtenir un passeport pour son fils. Dans ces circonstances, alors que M. A... est entré récemment en France, que sa famille réside au Maroc, qu'il a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français le 24 février 2021 et qu'il ne justifie pas d'une bonne intégration sociale et professionnelle en France, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Pyrénées- atlantiques est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Pau a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement en tant qu'il porte annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et de rejeter sur ce point la demande de première instance présentée par M. A....
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2402359 du 2 octobre 2024 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Pau à l'encontre de la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 10 septembre 2024 portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Une copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
La rapporteure,
Clémentine Voillemot
La présidente,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N°24BX02433