Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Terra Concept a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel le maire de Saint-Leu a refusé de lui délivrer un permis d'aménager en vue de diviser en six lots à bâtir la parcelle cadastrée section CX n° 1793, située rue Bois de Reinette.
Par un jugement n° 2100894 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de la Réunion a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de la commune de Saint-Leu de procéder à un réexamen de sa demande de permis d'aménager.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 février 2024, la commune de Saint-Leu, représentée par la SARL Boissy Avocats Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Réunion du 30 novembre 2023 ;
2°) de rejeter la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2021 ;
3°) de mettre à la charge de la société Terra Concept une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement n'est pas revêtu des signatures requises en application de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le tribunal a méconnu son office en répondant à un moyen non soulevé, tiré de la méconnaissance du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018, et en omettant de répondre aux moyens tirés de ce que le classement du terrain d'assiette en zone AUs est entaché d'une erreur matérielle, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
- la parcelle est incluse dans un espace naturel faisant partie d'une coupure d'urbanisation, distante, au nord, de plus de deux cents mètres de la zone d'aménagement concertée Roche Café et, au sud, de plus de cent mètres du lotissement Madiel ; le projet constitue une extension de l'urbanisation existante que ne permet pas la loi dite " Littoral " ;
- les conditions d'application du III de l'article 42 de la loi Élan ne sont pas remplies dès lors que le terrain ne fait pas partie des secteurs urbanisés de la commune et que le projet aurait pour effet d'étendre le périmètre bâti ; le secteur du Bois des Reinettes ne fait d'ailleurs pas partie des 14 secteurs à urbaniser identifiés par le schéma de cohérence territoriale modifié issu de la délibération du conseil communautaire du 3 octobre 2022.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2024, la société Terra Concept, représentée par Me Benoiton, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Leu sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le jugement devra être confirmé dès lors que la décision dont il prononce l'annulation est entachée d'incompétence, d'insuffisante motivation, d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation.
Par une ordonnance du 16 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 novembre 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Dubois, représentant la commune de Saint-Leu.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 mars 2021, la société Terra Concept a déposé auprès des services de la commune de Saint-Leu une demande de permis d'aménager en vue de diviser la parcelle cadastrée section CX n° 1793 en six lots à bâtir. Par un arrêté du 26 avril 2021, le maire de cette commune a rejeté sa demande. Par un jugement du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de la Réunion a annulé cet arrêté. La commune de Saint-Leu relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 26 avril 2021 :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 151-20 du code de l'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". / Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation. Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone et que des orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement en ont défini les conditions d'aménagement et d'équipement, les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement. / Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation est subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme comportant notamment les orientations d'aménagement et de programmation de la zone. "
3. D'autre part, le titre III du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Leu dispose que " Le secteur AUs couvre des espaces naturels réservés à l'urbanisation future. / Ces espaces non équipés sont inconstructibles. Ils ne pourront être ouverts à l'urbanisation qu'à l'occasion d'une procédure de modification ou de révision du PLU. Ils se situent au Plate, à Grand Fond et Chemin Surprise. "
4. Pour refuser de délivrer à la société Terra Concept l'autorisation de diviser la parcelle cadastrée section CX n° 1793 en six lots à bâtir, le maire de Saint-Leu a constaté que ce terrain étant classé en zone AUs du plan local d'urbanisme, les dispositions du règlement applicables à cette zone faisaient obstacle à un tel projet. Dans la mesure où, en application de l'article R. 151-20 du code de l'urbanisme, ce classement correspond à un secteur non équipé des réseaux publics dont l'urbanisation est différée, faisant ainsi obstacle à tout projet d'aménagement immédiat, la circonstance alléguée que le terrain en litige serait situé dans un secteur urbanisé au sens des dispositions du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique demeure sans incidence. Il s'ensuit que la commune de Saint-Leu est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté litigieux au motif que le maire avait méconnu les dispositions transitoires du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018.
5. Il y a lieu toutefois, pour la cour, de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres moyens soulevés devant le tribunal et devant la cour par la société Terra Concept.
6. En premier lieu, par un arrêté du 24 janvier 2020 régulièrement affiché, le maire de Saint-Leu a délégué sa signature à M. A..., en sa qualité de sixième adjoint, pour signer en son nom tous les actes afférents à l'urbanisme. Il s'ensuit que ce dernier était ainsi compétent pour signer l'arrêté attaqué.
7. En deuxième lieu, l'arrêté du 26 avril 2021 comporte les visas des dispositions légales et réglementaires dont le maire de Saint-Leu a fait application, ainsi que les considérations de fait que ce dernier a retenues pour fonder son refus de délivrer un permis d'aménager, satisfaisant ainsi aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme.
8. En dernier lieu, si la société Terra Concept soutient que l'arrêté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de fait, elle n'assortit pas ces moyens de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, et notamment elle ne critique pas le motif de la décision de refus contestée tenant au classement en zone AUs du terrain d'assiette de son projet de lotissement.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la commune de Saint-Leu, que celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a annulé l'arrêté du 26 avril 2021.
Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Leu, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la société Terra Concept demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Leu en application des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2100894 du 30 novembre 2023 du tribunal administratif de la Réunion est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de la Réunion par la société Terra Concept est rejetée, de même que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La société Terra Concept versera à la commune de Saint-Leu une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Leu et à la société Terra Concept.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
La rapporteure,
Valérie RéautLe président,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00478