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04/02/2025 | FRANCE | N°22BX01379

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 04 février 2025, 22BX01379


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le maire de la commune de Lège-Cap-Ferret a délivré à M. A... D... un permis de construire modificatif pour la modification de la surface de plancher, des ouvertures, des tons des menuiseries et l'ajout de persiennes et d'une pergola de deux maisons individuelles situées 54 avenue des Tourterelles, Petit Piquey à Lège-Cap-Ferret.



Par un jugement

n° 2001568 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 10 févrie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le maire de la commune de Lège-Cap-Ferret a délivré à M. A... D... un permis de construire modificatif pour la modification de la surface de plancher, des ouvertures, des tons des menuiseries et l'ajout de persiennes et d'une pergola de deux maisons individuelles situées 54 avenue des Tourterelles, Petit Piquey à Lège-Cap-Ferret.

Par un jugement n° 2001568 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 10 février 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 mai 2022, 6 juillet 2023 et 13 octobre 2023, ainsi que des mémoires enregistrés les 9 février et 5 juin 2024 qui n'ont pas été communiqués, M. D..., représenté par Me Becquevort, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) à titre principal, de rejeter la requête de M. C... ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation du permis de construire ou, à défaut, prononcer l'annulation partielle du permis de construire ;

4°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête de première instance était irrecevable dès lors que M. C... est dépourvu d'un intérêt à agir au regard de la portée des modifications apportées par le permis de construire modificatif ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'existe aucune incomplétude du dossier de demande quant à la création d'une terrasse pour la maison n° 1 et quant à l'agrandissement de celle prévue pour la maison n° 2 ; ces modifications ressortent du plan de masse, dont l'échelle de 1/200 permet de calculer les dimensions des deux terrasses ; les premiers juges n'en tirent aucune conséquence sur la légalité du permis de construire modificatif, alors que ces modifications n'engendrent aucune méconnaissance aux dispositions relatives aux espaces de pleine terre et à l'emprise au sol ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le permis de construire modificatif a été délivré en l'absence de fraude ; la longueur des façades de la maison n° 2 n'a pas été modifiée ; l'éventuel non-respect de la longueur des façades déclarée dans le permis de construire initial relève d'un problème d'exécution distinct de la légalité du permis de construire modificatif ; cela ne relève d'aucune manœuvre intentionnelle, dès lors que l'architecte a reconnu son erreur ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. C... ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 août 2022, 13 septembre 2023, 8 et 22 janvier 2024, M. C..., représenté par Me Lasserre, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire au sursis à statuer dans l'attente de la décision qui pourra être prise par le tribunal judiciaire de Bordeaux, à défaut à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2020, et en tout état de cause à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête de première instance était recevable ;

- le dossier de demande de permis de construire modificatif est incomplet ;

- l'arrêté du 10 février 2020 est entaché de fraude ;

- tous les moyens de sa requête de première instance sont fondés.

Par un mémoire enregistré le 12 septembre 2023, la commune de Lège-Cap-Ferret demande à la cour d'annuler le jugement du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Bordeaux, par le biais de l'effet dévolutif de l'appel de rejeter la requête de M. C..., et de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance est irrecevable, dès lors que M. C... est dépourvu d'un intérêt à agir au regard de la portée des modifications apportée par le permis de construire modificatif ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'existe aucune incomplétude du dossier de demande quant à la création d'une terrasse pour la maison n° 1 et quant à l'agrandissement de celle prévue pour la maison n° 2 ; ces modifications ressortent du plan de masse ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le permis de construire modificatif a été délivré en l'absence de fraude ;

- les autres moyens de la requête de première instance sont infondés.

Par un courrier du 30 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel principal présentées le 12 septembre 2023 par la commune de Lège-Cap-Ferret, formées contre le jugement du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Bordeaux, au motif que ces conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel, sont tardives.

M. C... a présenté une réponse à ce moyen d'ordre public le 30 octobre 2024.

Par un courrier du 30 octobre 2024, les parties ont été informées sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que la cour était susceptible d'accueillir les vices tirés de ce que l'arrêté du 10 février 2020 méconnaît les articles UD 9 et UD 13 du règlement de la zone UD du plan local d'urbanisme de la commune de Lège-Cap-Ferret, et de surseoir à statuer dans l'attente d'une régularisation.

M. C... et M. D... ont présenté des observations respectivement les 28 et 29 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vincent Bureau,

- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,

- les observations de Me Sapparrart, représentant M. D... ;

- et celles de Me Lasserre, représentant M. C....

Des notes en délibéré, enregistrées les 17 et 20 janvier 2025, ont été produites respectivement par M. C... et M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a déposé le 20 juin 2017 auprès de la commune de Lège-Cap-Ferret un dossier de demande de permis de construire, complété le 7 novembre 2017, pour la construction de deux maisons d'habitation sur une terrain situé 54 avenue des Tourterelles, au lieu-dit Petit Piquey. Par un arrêté du 16 février 2018, le maire de Lège-Cap-Ferret a fait droit à sa demande. M. D... a déposé une demande de permis de construire modificatif le 31 janvier 2020. Par un arrêté du 10 février 2020, le maire de Lège-Cap-Ferret a fait droit à cette demande. M. D... relève appel du jugement du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par M. C..., a annulé l'arrêté du 10 février 2020.

Sur la recevabilité des conclusions de la commune de Lège-Cap-Ferret :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...). ".

3. La commune de Lège-Cap-Ferret, qui était partie en première instance, n'a pas relevé appel du jugement du 17 mars 2022, qui lui a été notifié le lendemain, dans le délai prescrit par l'article R. 811-2 du code de justice administrative expirant le 18 mai 2022. Son mémoire, enregistré le 12 septembre 2023, tend aux mêmes fins que la requête présentée par M. D... et ne peut être regardé comme constituant un appel incident. Par ailleurs, sa situation n'est pas susceptible d'être aggravée par l'appel formé par M. D... et son mémoire ne peut donc pas être analysé commune un appel provoqué. Par suite, alors même qu'elle a été invitée par la cour à présenter ses observations dans la présente procédure, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 17 mars 2022 et à la mise à la charge de M. C... d'une somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. / Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., propriétaire des parcelles cadastrées section BN n°s 137 et 155 sur lesquelles s'implantent sa maison d'habitation et sa piscine, est le voisin immédiat du terrain d'assiette du projet. Il faisait état dans le dossier de première instance de la création, par le permis de construire modificatif litigieux, de nouvelles ouvertures donnant sur ses parcelles ainsi que de l'ajout d'une pergola en façade sud. Dans ces conditions, il justifiait d'un intérêt lui donnant qualité pour agir devant le tribunal. Par suite, la fin de non-recevoir opposée à ce titre par M. D... doit être écartée.

En ce qui concerne les motifs d'annulation de l'arrêté du 10 février 2020 retenus par le tribunal :

7. Pour annuler l'arrêté du 10 février 2020, le tribunal a accueilli les moyens de M. C... tirés de l'incomplétude du dossier de permis de construire modificatif, en méconnaissance des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, et de la fraude.

S'agissant de la complétude du dossier :

8. Aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire précise : (...) c) La localisation et la superficie du ou des terrains ; (...) e) La destination des constructions, par référence aux différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; f) La surface de plancher des constructions projetées, s'il y a lieu répartie selon les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". Aux termes de l'article R.431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; (...) ".

9. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

10. Il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que la demande de permis modificatif présentée par M. D... avait pour objet la modification de la surface de plancher des deux maisons sans modification de leur aspect, les portant respectivement à 129,22 m² au lieu de 90,83 m² et à 195,31 m² au lieu de 117,50 m² afin de prendre en compte la totalité des surfaces de plancher des étages des constructions, la modification de l'implantation de la maison n° 2, reculée en fond de parcelle, la modification des ouvertures ainsi que des tons des menuiseries, et enfin l'ajout de persiennes et d'une pergola. A l'appui de cette demande était produit un plan de masse faisant apparaître des terrasses, dont l'une non autorisée par le permis de construire initial pour la maison n° 1, et l'autre d'une superficie supérieure à celle initialement autorisée pour la maison n° 2, sans que figurent leurs cotes. Toutefois, si aucune des autres pièces versées au dossier de demande ne détaille les caractéristiques de ces terrasses, et en particulier leurs dimensions, qui ne sont évoquées par le pétitionnaire ni dans le détail des modifications apportées à son projet, ni dans la notice descriptive, le plan de masse est à l'échelle, ce qui permettait au service instructeur de déduire leur longueur et leur largeur. Dans ces conditions, l'omission de la mention des terrasses dans la notice descriptive, ainsi que de leurs cotes sur les plans, n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal.

S'agissant de la fraude :

11. Un permis de construire n'a pas d'autre objet que d'autoriser des constructions conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces constructions risqueraient d'être ultérieurement transformées ou affectées à un usage non-conforme aux documents et aux règles générales d'urbanisme n'est pas par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci. Si la survenance d'une telle situation après la délivrance du permis peut conduire le juge pénal à faire application des dispositions répressives de l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, elle est en revanche dépourvue d'incidence sur la légalité du permis de construire, sans qu'il soit besoin pour le juge administratif de rechercher l'existence d'une fraude.

12. L'autorité administrative dispose, en cours d'exécution de travaux autorisés par un permis de construire, de la faculté de contrôler le respect de l'autorisation d'urbanisme. À défaut de la mise en œuvre de ces pouvoirs de contrôle ou, s'ils ont été mis en œuvre, du constat d'une irrégularité, le pétitionnaire doit être considéré comme réalisant les travaux en se conformant à l'autorisation délivrée. L'autorité compétente ne peut pas exiger du pétitionnaire qui envisage de modifier son projet en cours d'exécution, que sa demande de permis modificatif porte également sur d'autres travaux, au motif que ceux-ci auraient été ou seraient réalisés sans respecter le permis de construire précédemment obtenu. Il appartiendrait dans ce cas à l'autorité compétente pour délivrer les autorisations de dresser procès-verbal des infractions à la législation sur les permis de construire dont elle aurait connaissance, procès-verbal transmis sans délai au ministère public. En toute hypothèse, l'administration dispose, en vertu des dispositions des articles L. 462-1 et L. 462-2 du code de l'urbanisme, du pouvoir de contrôler la conformité une fois les travaux achevés et d'imposer, à ce stade, la mise en conformité.

13. En l'espèce, s'il a été constaté par un géomètre que la longueur des murs de façade de la maison n° 2 édifiée s'avère supérieure de 70 cm à celle indiquée dans les plans joint à la demande de permis de construire, correspondant à une emprise au sol supérieure d'environ 8 m2, le permis modificatif, autorisé alors que les travaux faisant l'objet du permis initial n'étaient pas achevés, ne portait pas sur les dimensions de la maison n° 2 mais exclusivement sur les éléments détaillés au point 9. Aucune intention frauduleuse ne peut dans ces conditions être retenu à l'encontre de M. D..., alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier que l'architecte a reconnu en cours d'expertise judiciaire être à l'origine de cette erreur. En outre, la circonstance qu'un procès-verbal d'infraction ait été dressé, le 9 décembre 2019, à l'encontre de M. D..., et transmis à l'autorité judiciaire, pour non-respect du permis de construire initial, est sans incidence sur la légalité du permis de construire modificatif.

14. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accueilli les moyens tirés de l'incomplétude du dossier de permis de construire modificatif en méconnaissance des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, et de la fraude.

15. Il y a lieu toutefois pour la cour, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... en première instance et en appel.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. C... :

16. En premier lieu, aux termes de l'article UD 9 du règlement de la zone UD du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Lège-Cap-Ferret, alors applicable : " L'emprise au sol des constructions dont la hauteur maximale n'excède pas 6.3 mètres au point haut de l'acrotère, 8 mètres au faîtage à partir du terrain naturel avant travaux et un étage au rez-de-chaussée, ne doit pas excéder 10% de la superficie totale du terrain (annexes comprises) (...) ". Aux termes de l'article 6.12 des dispositions générales du règlement du PLU : " L'emprise au sol, au sens du présent règlement, est la projection verticale du volume de la ou des constructions sur le terrain considéré, de laquelle sont déduites les parties de constructions sans appui au sol situées en débord au-dessus du domaine public (...) Ne sont pas constitutifs d'emprise au sol, les constructions ou parties de constructions dont la hauteur ne dépasse pas plus de 60 cm le sol naturel avant travaux. C'est notamment le cas pour les éléments suivants : - les terrasses non couvertes de plain-pied (...) ".

17. Il ressort des pièces du dossier que l'emprise au sol totale du projet, pour les deux maisons d'habitations, s'établit à 195,59 m2 pour un terrain d'une superficie totale de 1 304 m2, soit plus de 10 % de la superficie totale du terrain. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article UD 9 du règlement de la zone UD du PLU de Lège-Cap-Ferret.

18. En second lieu, aux termes de l'article UD 13 du règlement de la zone UD du PLU : " En zone UD (...) la superficie d'espaces verts en pleine terre pour les constructions dont la hauteur maximale n'excède pas 6.3 mètres au point haut de l'acrotère, 8 mètres au faîtage à partir du terrain naturel avant travaux et 1 étage au rez-de-chaussée doit représenter au moins 70% d la superficie totale du terrain.) ". Aux termes de l'article 6.19 des dispositions générales du règlement du PLU : " Les espaces verts en pleine terre correspondent aux surfaces du terrain conservées ou aménagées en pleine terre et plantées (arbustes, arbres ...). Ils permettent de limiter l'artificialisation des terrains, de préserver l'infiltration des eaux pluviales, et ils contribuent à la nature, à la biodiversité et à la réduction des ilots de chaleur notamment en milieux urbains ".

19. Il ressort des pièces du dossier que les surfaces aménagées du projet, comportant les deux maisons d'habitation, les deux terrasses, ainsi que l'espace ouvert à la circulation et au stationnement, dont il ressort de la notice descriptive du permis de construire initial qu'il sera enrobé, s'établissent à plus de 392 m2 pour un terrain d'une superficie totale de 1 304 m2, soit plus de 30 % de la superficie totale du terrain. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article UD 13 du règlement de la zone UD du PLU de Lège-Cap-Ferret.

20. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

21. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

22. Il résulte de ces dispositions que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation.

23. Les vices relevés aux points 16 et 18 du présent arrêt, tirés de la méconnaissance des dispositions des articles UD 9 et 13 du règlement de la zone UD du PLU de Lège-Cap Ferret, sont susceptibles d'être régularisés. Il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et de fixer à M. D... un délai de quatre mois, à compter de la notification du présent arrêt, aux fins de notifier à la cour la mesure de régularisation nécessaire.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2001568 du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. D... jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, afin de permettre à celui-ci de notifier, le cas échéant, à la cour un permis de construire régularisant les vices mentionnés aux point 16 et 18 du présent arrêt.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à M. B... C... et à la commune de Lège-Cap-Ferret.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Vincent Bureau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.

Le rapporteur,

Vincent Bureau

Le président,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01379


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01379
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Vincent BUREAU
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : SCP CGCB & ASSOCIES BORDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;22bx01379 ?
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